Francis Lagacé

LE BILLET DE FRANCIS LAGACÉ




Environ une fois par mois, plus quand ça me chante, moins quand je pars en vacances, je propose une réflexion sur un sujet politique, social, philosophique ou culturel.

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24 décembre 2009
Aristéraphobie



La peur, la haine, en fait le mépris des gauchers est probablement plus tenace et plus insidieux que celui des gais. En effet, il n’y a encore aucun organisme qui ait établi à quel point les gauchers sont victimes de discrimination, et cela de la façon la plus banale et la plus naturelle.

Par exemple, les assureurs savent que les gauchers ont plus d’accidents que les droitiers. Ils en tiennent compte dans leurs calculs, mais ils prétendent ne pas savoir pourquoi il en est ainsi. C’est pourtant fort simple: la signalisation, les renseignements, les outils sont tous faits pour des droitiers. Si tous les droitiers étaient obligés demain matin de se servir d’outils pour gauchers, combien pariez-vous que ce seraient eux qui auraient le plus d’accidents? Combien pariez-vous que l’on saurait immédiatement pourquoi?

Trouver des ciseaux pour gaucher au Québec est une véritable course à obstacles. Et quand on arrive enfin, ça coûte une fortune. Pourtant, en Angleterre, on en trouve dans n’importe quel supermarché au même prix que les autres ciseaux.

Il n’existe pas à proprement parler de montres pour gaucher au Québec. J’ai eu beau chercher, je n’en ai trouvé nulle part. Quand j’ai fait cette demande à une dame qui tient bijouterie pas loin de chez moi, elle m’a répondu: «Ça n’existe pas!» J’en ai pourtant vu en Angleterre. «Sont-ils plus gauches que nous, a-t-elle plaisamment répliqué?» Je me suis retenu de lui dire ce que j’ai pensé et que je pense toujours: Non, ils sont surtout plus évolués!

Certes, j’ai réussi à trouver de très grosses montres bracelets disposant d’un remontoir du côté gauche. On m’a expliqué que ce sont des montres sport pour les personnes qui font des sports extrêmes. Le remontoir se retrouve alors à l’intérieur du bras et ne risque pas d’être arraché dans un mouvement ou dans un frottement.

J’ai aussi vu sur le Net des montres qui tournent à l’envers du sens des aiguilles d’une montre habituelle, mais avec le remontoir à droite. C’est sans doute l’invention d’un droitier. Les gauchers ne veulent pas de montres qui tournent à l’envers, même s’ils brassent leur soupe ou leur café dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Ils sont habitués à lire les horloges et ils ne veulent pas non plus que le soleil se mette à tourner d’Ouest en Est.

Ils veulent simpelment des montres avec le remontoir à gauche, qu’ils pourront porter sur leur bras droit et dont ils pourront ajuster l’heure facilement de leur main gauche.

Dans les 10 dernières années, j’ai systématiquement compté le nombre de gauchers dans mes classes. Nous formons environ 15% de la population. Des industriels intelligents fabriqueraient des objets pour gauchers dans une proportion de 15 %. Nous devrions exiger que tous les outils soient fabriqués pour les gauchers dans une proportion de 15 %.

Même si nous sommes beaucoup moins maladroits que les droitiers ne sont malagauches, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas avoir des outils qui nous sont adaptés.

Mettons fin à l’aristéraphobie!

Là-dessus, passez de belles Fêtes et une année 2010 heureuse!

En passant, 2009 n’est pas la dernière année de la décennie, c’est 2010 qui le sera. Une décennie ça comprend 10 ans. L’année 2000 était la deux-millième, donc elle fait partie de la décennie 1991-2000. On a beau avoir des ordinateurs, on dirait que plus personne ne sait compter.

De retour aux billets le 16 janvier 2010 !







6 décembre 2009

La transformation du gouvernement en gouvernance conduit au cynisme des politiques qui conduit au cynisme des citoyens


Une lettre ouverte de 20 médecins de la région de la Côte-Nord a semé l’émoi dans la population. S’opposant à l’exploitation d’une mine d’uranium, les médecins en question annoncent leur départ si le projet va de l’avant.
Le gouvernement ne bronche pas.

Depuis de nombreuses semaines, tout le monde ou presque réclame une enquête publique sur l’industrie de la Construction au Québec. Le gouvernement ne bronche pas: business as usual.

Depuis des mois, on se prépare à la conférence de Copenhague sur l’environnement. On devrait, si on a un peu de bon sens, y adopter des mesures supérieures à celles prévues par le protocole de Kyoto. Le premier ministre canadien s’y rend pour la forme et on ne s’y entendra que sur des objectifs généraux et les plus lointains possible.

Y a-t-il révolte dans les rues du Québec et du Canada? Non. Parce que le gouvernement administre. Il fait sa job. Il correspond à la définition de la gouvernance, cette nouvelle maladie gestionnaire qui consiste à remplacer le bien commun par le chiffre et l’intérêt pour ses semblables par son intérêt personnel.




1er décembre 2009

Banques et financiers: plus ça change, plus c’est pareil


La crise financière devait changer les attitudes et les procédés. Ne devait-on pas à l’avenir être plus prudent? Même le président Sarkozy disait qu’il fallait réformer le capitalisme.

Mais force nous est de constater que, si on chasse le naturel, il revient au galop. On apprend que les investisseurs courent encore après le succès rapide, que les papiers commerciaux redeviennent populaires et que les primes données à ces chevaliers de la finance qui jettent les masses sur le pavé augmentent de plus belle.

Quand on lit dans le Monde du 28 novembre que deux dirigeants d’un fonds s’en tireront avec 40 millions d’euros, on a la moutarde qui monte au nez.





23 novembre 2009

Confusion et renversement des culpabilités écologiques


La semaine dernière, le Fonds de Nations unies pour la population émettait un avis selon lequel la diminution de la population était nécessaire à la réduction des gaz à effets de serre.
Non seulement, on ne s’en prenait pas à la bonne cible, après tout, c’est la production énergétique et industrielle qui sont les premières responsables des gaz à effets de serre, mais en plus

1. On confond les objectifs
Le but de la réduction des gaz è effets de serre est de rendre la vie humaine possible, et non de réduire le nombre d’humains juste pour obtenir un calcul de gaz moindre.

2. On renverse les culpabilités
La pollution est renvoyée à l’existence individuelle et à la responsabilité personnelle alors qu’elle dépend d’une démarche collective. Seuls les États peuvent contraindre l’industrie à des productions raisonnables, viables et durables.

À tout le moins, le coordonnateur pour la santé maternelle au Fonds en question reconnaît que le développement des pays suffit à faire baisser la natalité parce que les familles dont le mode de vie s’améliore régulent leurs naissances d’elles-mêmes.

Le Monde publiait le 18 novembre 2009 un article heureusement critique sur cette annonce un peu excessive. Je vous y réfère: Limiter, les naissances, un remède au péril climatique?




16 novembre 2009

C’est renversant, mais pourquoi ne sommes-nous pas étonnés?

La droite de la droite
J’écoutais la radio samedi dernier alors que j’étais en voiture avec mon conjoint. On entendait parler monsieur Éric Sicaire, pardon Caire (la tentation du mot facile était trop forte), dire que l’ADQ n’était plus assez à droite à cause de son chef, monsieur Gilles Taillon.
Gilles Taillon, ancien président du très néolibéral Conseil du patronat du Québec, pas assez à droite ? Qu’est-ce qu’il lui faut ? Je croyais rêver. J’ai demandé à être pincé, mais non, je ne me suis pas réveillé, monsieur Caire continuait à dire que l’ADQ n’étant pas assez à droite, il fallait un vrai parti de centre-droite. Depuis quand le centre-droite est-il à droite de la droite ? C’est à n’y rien comprendre.

L’environnement qu’on lâche
On apprend que les États du monde vont finalement s’entendre sur de grands principes et refuseront de s’engager de manière contraignant à Copenhague, qui devait pourtant servir de nouvelle voie à suivre en décembre prochain, qui devait pourtant aller plus loin que l’accord de Kyoto.
La gestion à courte vue l’aura encore emporté sur le bon sens. C’est avec l’avenir de l’humanité que l’on joue ainsi. La planète peut bien crever, il ne faut surtout pas gêner l’économie qui est en reprise après cette grave crise économique, dont on n’aura retenu aucune leçon.

Homophobie et ignorance bien intentionnée
Devant la possibilité d’accorder le droit aux couples de même sexe d’adopter des enfants, les associations catholiques de France et de nombreux députés de droite se prononcent haut et fort pour le droit de l’enfant à avoir un père et une mère.
C’est de l’homophobie flagrante et c’est de l’aveuglement volontaire. Depuis quand une famille est-elle composée uniquement d’un père, d’une mère et d’un enfant? Les cas de figure sont très nombreux et les enfants qui ont disposé de ce fameux modèle sont surtout les enfants de familles de classe moyenne des années 50.
Les merveilleuses familles dont les parents sont un père et une mère ont souvent été des familles dont le père était presque toujours absent. Faut-il obliger les deux parents à toujours être là pour respecter le droit de l’enfant à avoir un père et une mère? Faudra-t-il obliger les veufs et les veuves à se remarier? Pendant qu’on y est, il faudrait bien interdire le divorce aussi!

Ces trois situations sont si absurdes qu’on ne sait si on doit rire ou pleurer. Mais le plus triste est que nous continuons nos petites affaires comme si de rien n’était. Et c’est ce désabusement qui m’inquiète le plus.




9 novembre 2009

Dérives néolibérales : Où sont passés les citoyens?



L’autre jour, j’écoutais la radio et j’entendis une personne d’un service de santé parler des clientèles à rejoindre pour la vaccination. Ça m’a frappé tout à coup, ce glissement de « population à risques » vers clientèle.

Puis je reçois par un organisme le lien sur l’aide à la décision préparé par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour Services Québec (autrefois Communications Québec). Cliquez ici pour voir ce lien.

Vous noterez que l’on vous réfère au Centre des relations avec la clientèle de Services Québec.

L’an dernier, l’un des membres du comité de vérification de mon syndicat parlait des membres de l’exécutif comme de prestataires de services pour le syndicat.

On entend déjà depuis longtemps les représentants des universités et des cégeps dire qu’ils sont à la recherche de nouvelles clientèles.

Il n’y a plus d’étudiants, il n’y a plus de population, il n’y a plus d’élus, il n’y a plus de membres, il n’y a plus citoyens. Il n’y a plus que des donneurs de services d’un côté et des clients ou consommateurs de l’autre.

Quand la confusion est dans le vocabulaire, elle n’est pas loin d’être accomplie dans la pensée. Ça donne à réfléchir.

J’ai dû, par exemple, corriger un membre du Comité consultatif sur la nomination de la rectrice ou du recteur de l’Université de Montréal qui me disait qu’il n’y avait pas de mal à se préoccuper de la clientèle étudiante puisque c’est elle qui finance l’Université.

Eh bien si, il y a du mal à se préoccuper de la clientèle étudiante. Les étudiants sont la raison d’être de l’Université. Ils n’en sont pas des clients. Ce n’est pas un service à leur rendre que de les considérer comme des consommateurs. Il faut plutôt les considérer comme les sujets de leur processus d’apprentissage. Je n’entre pas en relation avec des clients, mais bien avec des groupes d’étudiants en classe et avec des étudiants particuliers, des personnes, quand je les rencontre individuellement.

La marchandisation des relations humaines nous prive de la finalité de nos rapports. Il ne s’agit pas de s’échanger des biens et des services, mais de travailler ensemble à construire un monde meilleur, aussi local et restreint que soit notre niveau d’intervention.

N’est-il pas préférable de penser en terme d’humains plutôt qu’en terme de clients ?





1er novembre 2009

La grippe : tempête récoltée



Il y a plus d’un an que l’on parle de la grippe née porcine, devenue depuis A H1N1. Les divers gouvernements, les Institutions de toutes sortes, nous ont demandé pendant tout ce temps de nous préparer à réagir. Tous se sont dits en train de se préparer. Tous ont dit qu’ils feraient ce qu’il faut pour commander les vaccins nécessaires. Tous se sont dits inquiets que la population ne soit pas assez prête.

L’heure de la vaccination arrive. C’est le moment de prendre les mesures pour éviter la contagion. Peut-on s’étonner que la population s’impatiente alors qu’elle se fait bassiner depuis plus d’un an avec la nécessité de prendre des précautions? Et qui n’est pas prêt? Les gouvernements et les Institutions.

Décidément, cette histoire de grippe me rappelle une certaine histoire de gouvernance : on blâme la paille dans l’œil de l’autre, et on ne voit pas la poutre dans le sien.






13 octobre 2009

Étrange humanité: les frontières de genre


Avez-vous remarqué que, souvent, dans les rencontres de groupe, les hommes ont tendance à se regrouper d’un côté et les femmes de l’autre? Cela est peut-être dû à la façon dont nous sommes socialisés.

Cela m’a frappé vendredi dernier, lorsque j’ai assisté à un atelier sur le harcèlement psychologique dans le cadre du 2e Forum social québécois.

La quarantaine de personnes qui y assistaient se sont réparties très précisément entre, si on regarde vers l’avant de la salle, le côté droit pour les hommes et le côté gauche pour les femmes.

J’en suis encore perplexe.




25 septembre 2009

La gouvernance ironique : Lettre ouverte à madame Michelle Courchesne, ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport


Madame Courchesne,

Mercredi soir, le 23 septembre 2009, je regardais en reprise la période des questions à l’Assemblée nationale.

La porte-parole de l’opposition en matière d’éducation, madame Marie Malavoy, vous posait une question sur les augmentations de salaires importantes et rétroactives à l’Université de Montréal.

Votre réponse m’a sidéré. Vous disiez que ce genre de problème serait réglé par le Comité des ressources humaines prévu par le projet de loi sur la gouvernance.

Or, c’est tout le contraire puisque, justement, c’est le comité des ressources humaines de l’Université de Montréal qui a approuvé ces augmentations comme l’a affirmé la chancelière de l’Université de Montréal, madame Louise Roy, dans une lettre parue dans le DEVOIR (page A-9), cette même journée du 23 septembre.

Donc, on peut comprendre qu’un comité des ressources humaines correspondant à ce qui est prévu dans le projet de loi, et comme s’en est doté l’Université de Montréal depuis 2007, n’hésitera pas, parce qu’il est rempli de personnes externes à l’Université, à considérer les dirigeants de l’Université comme des entrepreneurs et à leur octroyer de fortes hausses salariales tout en laissant pour compte le menu fretin que sont les employés : professeurs, chargées et chargés de cours, employés de soutien, employés d’entretien, auxiliaires d’enseignement, auxiliaires de recherche, etc.





19 septembre 2009

La dépendance


Mon ordinateur personnel est kapout. Je ne puis plus émettre de courriels à partir de chez moi. Je ne puis plus travailler sur les dossiers du Syndicat à partir de chez moi.

Ça fait un bon prétexte pour se reposer ou pour s’occuper de ses propres affaires, direz-vous. Mais, il y a pire: je ne puis pas non plus consulter mes albums de photos; je ne puis réviser ma liste de livres ou de disques; je ne puis payer mes factures à partir de la maison, et surtout, je ne puis pas travailler sur mon prochain livre, chose que je ne fais qu’à partir de chez moi.

Bon, vous allez me dire: «Achète-toi un autre ordi!» C’est ce que je m’empresserai de faire dès que j’aurai une minute. Mais...

Mais, cela nous fait rendre compte du degré de dépendance extrême que nous avons envers la technologie électronique. Rappelez-vous vos soft disk des années 80. Plus personne ne peut les lire aujourd’hui. Qu’est-ce qui me garantit qu’on sera capable de décripter mes CD dans 50 ans? Rien ni personne.

Mais, on est encore capable de lire les manuscrits de la mer Morte. Ça donne à réfléchir.





30 août 2009

Le retour de l’aristocratie



L’affaire Vandal, le pdg d’hydro-Québec qui a voulu donner des centaines de milliers de dollars à des collèges privés, montre bien l’inanité des projets de loi de la ministre Courchesne (ministre de l’Éducation, des Loisirs et du Sport) concernant la gouvernance des cégeps et des universités.

En effet, Hydro-Québec est régie, quant à sa gouvernance, par une loi semblable à celles que la ministre veut imposer aux établissements d’enseignement post-secondaires. Or, la présence de membres dits «indépendants» (que l’on devrait plutôt appeler externes) n’a pas empêché la décision incongrue d’un dirigeant d’une société d’État de faire dévier des fonds publics vers des organismes privés. C’est la connaissance du public qui l’a fait revenir sur sa décision.

Un grand bonze des finances aux États-Unis, Warren Buffet lui-même, démolit assez clairement ce rôle de «sages» des externes. Il se base sur le fait qu’il a rencontré près de 250 personnes ayant joué ce rôle. Je le cite : «Ces personnes, aussi honnêtes et intelligentes qu’elles fussent, n’en savaient tout simplement pas assez sur l’entreprise ou ne se préoccupaient pas suffisamment des actionnaires pour contester des achats farfelus ou des compensations énormes.» (Buffet, Warren, «Letter to shareholders», in Berkshire Hathaway Annual Report, 2002)

Le fait de nommer des administrateurs venant d’entreprises diverses ne garantit en rien une gestion éthique, mais favorise bien les échanges de services entre gens «de bonne famille».

Ajoutons à cela les cinq universités (d’Alberta, de Colombie Britannique, de Montréal, McGill et de Toronto) à fort volume de recherche qui prétendent mériter à elles seules l’essentiel des subventions pour les cycles supérieurs et qui veulent laisser l’enseignement de premier cycle aux autres, et nous avons un autre bel exemple des dérives aristocratiques de nos sociétés.





7 août 2009

Y a-t-il des viols pires que d’autres?



Dans la semaine qui finit, j’ai entendu à la radio de Radio-Canada des nouvelles concernant la guerre en ex-République démocratique du Congo. On y disait que la violence s’intensifiait, que le viol était utilisé comme arme de guerre et qu’on signalait même des cas de viols d’hommes.

Un article faisant état d’une enquête d’Oxfam et publié sur le site de l’Organisation de la presse africaine ( Oxfam : viols et tortures) contient le paragraphe suivant :

« Les femmes sont les plus menacées par ce type de violences, mais des viols d’enfants, parfois âgés de quatre ans, ont également été rapportés dans plus de la moitié des communautés interrogées. Dans trois des vingt communautés, les personnes interrogées ont signalé des cas de viols d’hommes, notamment huit cas dans une communauté du Sud Kivu. »

Notez la progression : on parle d’abord des femmes, puis des enfants, ensuite des jeunes enfants et enfin des hommes. Huit hommes dans une certaine communauté, cela semble surpasser les centaines de femmes et enfants violés ailleurs.

J’ose espérer que là n’est pas l’intention des auteurs, mais la structure de leur énoncé induit cette analyse.

De tout temps, les guerriers se sont servis du viol. De tout temps, les vainqueurs, et les agresseurs, ont violé femmes et enfants ainsi qu’un certain nombre d’hommes. On n’en parlait jamais, on en parle un peu plus aujourd’hui, mais en quoi le viol d’un homme est-il plus grave que celui d’une femme ou d’un enfant?

Le viol est une atrocité. Ce n’est pas faire l’amour, c’est faire « la haine » comme le disait un personnage du film Mourir à tue-tête de la réalisatrice Anne-Claire Poirier (paru en 1979).

Les mercenaires de tout poil ont toujours compté les rapines et les viols comme leur butin. Les généraux vicieux ont souvent utilisé le viol comme arme de démoralisation des populations envahies et terrorisées. Cela a toujours été parfaitement odieux et ne le devient pas davantage parce que des hommes sont touchés.

Ce n’est pas d’hier qu’est née la nécessité d’être pacifiste et antimilitariste. Ce n’est pas non plus avec le viol des hommes que commence la condamnation de ce crime. Comme on dit en anglais : « un crime est un crime est un crime ».




31 juillet 2009


Leçons parisiennes



Mon conjoint et moi sommes rentrés de notre plus récent séjour parisien depuis moins d’une semaine et rêvassons encore sous le charme de notre destination préférée. Outre le fait d’avoir apprécié notre passage dans le 13e arrondissement à l’architecture hétéroclite, je voulais communiquer mon enthousiasme pour deux des activités culturelles qui nous ont plu.

D’abord, le film Sans rancune du réalisateur Yves Hanchar mettant en vedette Thierry Lhermitte, dans un rôle sérieux, avec le jeune et talentueux Milan Mauger. Une histoire d’initiation à la vie, d’éducation, de découverte de la réalité, de l’Histoire, de la Littérature, des grandeurs et des misères des humains.

Le personnage d’enseignant joué par Lhermitte est à la fois rébarbatif et séduisant, loin des caractéristiques faciles, convenues et racoleuses du prof de Dead Poets Society. Le jeune qui a tout à découvrir est solide et crédible. C’est un film excellent à tous points de vue, auquel je ne ferais qu’un seul petit reproche : une phrase égarée vers la fin. Le scénariste fait dire à un personnage : « Tu sais bien que ce n’est pas la vérité qui est important! » Or, c’est une erreur qui contredit les faits mêmes du film. Il aurait juste fallu préciser que la vérité est importante, mais l’usage qu’on en fait l’est davantage.

En effet, c’est grâce à la découverte de la vérité que le jeune personnage comprendra la valeur essentielle de la Littérature, ce mensonge qui sert justement à dire la vérité, comme l’écrivait si bien Cocteau. Et c’est cette vérité qui affermira la vocation du jeune.

Outre cette petite incohérence, le film est parfait et je ne peux qu’encourager tout le monde à courir le voir si, par bonheur, il atteint les écrans québécois.

Deuxièmement, l’exposition sur Gustave Eiffel à l’Hôtel de ville de Paris. Les habitués de la ville Lumière savent que la mairie de Paris organise régulièrement des expositions gratuites en ses murs. Après celle sur le Petit Nicolas (de Sempé et Goscinny, pas celui de l’Élysée) que nous avons hélas ratée, nous avons eu droit à une fort instructive présentation des travaux du père de la dame en dentelle de fer, la tour Eiffel.

Le jeune Gustave se destinait à la succession de son oncle Jean-Baptiste Mollerat à la tête d’usines chimiques. Une brouille familiale a mis fin à ses projets et il se destina à l’École polytechnique, où il fut refusé. Que de hasards il fallut pour nous fournir ce génie de l’ingénierie civile! Comme quoi, il y a parfois du bon à aller là où l’on n’est pas attendu et à s’écarter des projets familiaux.

Outre cette leçon anecdotique, on appréciera les magnifiques dessins d’Henri Rivière qui présentent des visages différents de Paris selon les saisons avec toujours la tour Eiffel quelque part dans le décor. Les peintures de Delaunay, Léger et d’autres ainsi que de belles photos montrant la tour sous l’orage complètent aussi l’exposition. Une visite emballante et gratuite!




10 juillet 2009

Nouvelles nouvelles



Dans son livre, Le métier de journaliste, Pierre Sormany donne quatre caractéristiques à la nouvelle : vérité, nouveauté, signification et intérêt.

Tout le monde est en mesure de comprendre facilement les notions de vérité et de nouveauté. La question de l’intérêt est plus mitigée parce que ce dernier varie d’un groupe à un autre, d’un individu à un autre. La signification est aussi un peu plus compliquée à expliquer, mais il s’agit essentiellement de la façon dont l’information constitue un point de repère, une donnée qui permet de se situer dans le monde ou de l’interpréter. On pourrait parler de la valeur, ce qui est différent de l’intérêt, car on peut s’intéresser à des choses de peu de valeur et en être conscient.

Prenons deux nouvelles traitées récemment dans le monde médiatique et demandons-nous dans quelle mesure on a servi l’intérêt du public.

Premièrement : la mort de Michael Jackson. Certes, c’est un fait d’intérêt qui trouve sa signification pour toute une génération qui a connu ses grands succès dans les années 80. Pour ces personnes, une page importante de leur histoire vient d’être tournée.

Cela avait donc toutes les caractéristiques d’une nouvelle. Était-il cependant nécessaire d’occuper les 10 ou 15 premières minutes du téléjournal avec cette affaire? Les funérailles grandioses qui ont suivi sont-elles vraiment de la nouvelle?

Le journalisme ne transmet pas que de la nouvelle. Il y a le reportage qui décrit des événements, leur contexte, leur origine, leur conséquence. Il était donc possible de prendre du temps pour rendre compte de certains faits, du déroulement de certains événements. Toutefois, le journal télévisé, surtout ses premières minutes, ne devrait-il pas être réservé aux nouvelles justement? Le reportage in extenso ne devrait-il pas se retrouver dans la partie « magazine » des infos?

En zappant, je suis tombé sur une chaîne où l’on montrait pendant de très longues minutes une ambulance en train de reculer, ambulance qui devait récupérer le corps de Michael Jackson, ou qui devait le contenir. Était-ce de la nouvelle? Non. Était-ce du reportage? J’en doute. La marche arrière d’une ambulance ne me paraît pas un événement digne d’être rapporté. Le public, sauf voyeur, n’y a rien gagné.

Deuxièmement : la communion de monsieur Harper aux funérailles de Roméo Leblanc. Les médias ont fait tout un plat du fait que le premier ministre a saisi l’hostie et l’a dissimulée derrière une feuille de papier plutôt que de l’avaler selon le culte catholique.

C’est nouveau, c’est vrai, c’est sans grand intérêt, sauf pour les catholiques, mais cela a sans doute une signification quant à l’importance que le monsieur accorde aux rites qui lui sont étrangers. Cela dit, une nouvelle qui est répétée des dizaines de fois n’est plus une nouvelle, et c’est ce qu’on répond aux enfants qui nous chantent quinze fois qu’ils ont vu une girafe au zoo.

L’été est un beau prétexte pour gonfler des affaires qui, en d’autres temps, n’occuperaient que peu d’espace. Hélas, ce n’est pas parce qu’il se passe moins de choses en été qu’en hiver. C’est plutôt parce que la disponibilité du monde médiatique est moindre et que la recherche est réduite à la portion congrue. C’est ce qui nous vaut ces « nouvelles » nouvelles.





4 juillet 2009

Le sens des mots



Quand on se satisfait d’approximations dans le vocabulaire, on entretient la confusion; les mots perdent leur sens et les concepts en sont affectés, ce qui rend les victimes de ces ambiguïtés hautement manipulables.

J’en veux pour preuve trois exemples trop souvent rencontrés : les mots ironie, opinion et ami.

La confusion entre ironie et sarcasme est si fréquente chez mes étudiants, que j’ai du mal à la déloger. Pourtant, ni l’intention ni la forme ne sont les mêmes. Le sarcasme est une attaque directe à quelqu’un dans le but de le ridiculiser. Il peut faire appel à l’ironie, mais pas nécessairement.

Exemple : « Antonio et la vérité sont comme l’huile et l’eau, même en les agitant très fort, on ne peut les garder ensemble plus d’une fraction de seconde. » C’est du sarcasme, mais ce n’est pas du tout de l’ironie.

L’ironie consiste à dire quelque chose pour faire entendre le contraire.

Exemple : « Tout le monde sait que je déteste les livres. » C’est de l’ironie, parce que tous mes amis savent qu’il y a tant de livres chez moi que je ne sais plus où les mettre. Il n’y a là aucun sarcasme.

L’intention du sarcasme est d’attaquer et de ridiculiser. L’intention de l’ironie est d’amuser par jeu de contraires. On peut bien sûr attaquer par ironie, mais quand j’entends dire qu’il y a de l’ironie dans l’expression « Tu devrais utiliser plus souvent le Power Point si tu ne veux pas endormir ta classe », je constate qu’on ne sait pas ce que signifie l’ironie. (En passant, moi, c’est le Power Point qui m’endort.)

Passons à l’opinion. Sans doute la mode des sondages, sans doute la pratique pléthorique du texte dit « d’opinion » au secondaire ont-ils conduit nombre de gens à confondre le sentiment, la préférence et l’opinion.

Une opinion est une orientation prise à la suite d’une réflexion en fonction d’arguments. Voter pour monsieur Harper parce qu’il a une belle cravate n’a rien d’une opinion. Dire que Ronaldo est plus beau que Jacques Dupuis n’est qu’un sentiment, partagé par beaucoup sans doute.

Exemple d’une opinion : « Je suis contre la peine de mort parce qu’elle n’a aucun effet dissuasif et parce qu’elle perpétue le cycle du meurtre. » L’opinion se justifie par des arguments.

Prétendre que l’opinion est la même chose que le sentiment permet de croire que toutes les opinions se valent, ce qui est manifestement faux. L’opinion d’une personne éclairée a certainement plus de valeur, si les arguments sont bien compris, que l’opinion d’une personne ignorante. Et les supposés sondages d’opinion ne sont en fait que des sondages de préférences.

Finalement, c’est Facebook qui me suggère le dernier mot dont je veux traiter. Les « amis » de Facebook ne font sourciller personne et pourtant, être l’ami de quelqu’un, cela signifie bien plus que de figurer dans son carnet d’adresses. Pour être un ami, il faut connaître un peu la personne et partager avec elle des intérêts et des activités. L’ami, c’est celui que vous pouvez appeler en pleine nuit si vous avez un problème.

Personne ne peut avoir 200 amis. Mon père me disait que les amis se comptent sur les doigts d’une seule main. Et il avait bien raison.

Il est bien triste que l’on galvaude ainsi le nom et le rôle d’ami, qui est si rare et si précieux.

Cela dit, il y a bien d’autres mots pour caractériser les personnes avec qui on entretient divers types de relations. J’aime beaucoup discuter et échanger avec les 1200 correspondants de mon profil Facebook. Ce sont des correspondants, et cela ne leur enlève pas leurs qualités humaines.

Et toutes les personnes avec qui j’ai la chance de militer sont des camarades qui partagent des objectifs communs. C’est la base même de la camaraderie, avoir quelque chose à partager.

Eh bien, chers camarades, je suis heureux de partager avec vous ces quelques précisions. Les mots ont un poids qui n’est pas innocent.




22 juin 2009

Les obsessions conservatrices



On apprenait dans le Devoir des samedi 20 et dimanche 21 juin 2009 que non seulement les conservateurs ne revenaient pas sur leur déclaration à l’effet que la peine de mort est acceptable si elle est votée dans un pays démocratique, mais qu’ils en rajoutaient.

La peine de mort, cela est vérifié partout, n’a aucun effet dissuasif. Les pays qui la pratiquent ont souvent un taux d’homicides plus élevé que ceux qui ne la pratiquent pas.

Mais ce n’est pas la plus importante raison pour la rejeter. Il y a bien sûr le fait que l’on risque parfois d’exécuter un innocent. En sauver un seul devrait suffire à nous convaincre. Mais il y a surtout la contradiction logique évidente entre la sanction et la chose sanctionnée. Quand on exécute un meurtrier, on ne lui donne pas une leçon; on prouve qu’on n’est pas mieux que lui et qu’on pratique aussi le meurtre.

La peine de mort ne satisfait que les vengeurs et les sadiques.

Dans un ordre d’idées semblables, j’ai reçu à la maison une publicité du député conservateur Gord Brown. Affichant la photo d’une petite fille habillée comme une femme, cela me semble d’ailleurs une image de type pédophile, la feuille affirme : le Bloc préfère les sentences bonbons! On veut dénoncer le fait que le Bloc Québécois n’ait pas voté pour le projet de loi C-268 qui prévoit des peines minimales pour les criminels qui s’en prennent aux enfants.

Le haut du feuillet donne le message suivant : « Le gouvernement conservateur protège les victimes et travaille pour contrer les criminels qui s’attaquent aux enfants. » Encore une fois, on fait fausse route et on s’intéresse aux instincts vengeurs. Il n’y a aucune protection contre les victimes dans des lois plus sévères. Il n’y a que de la vengeance et du sadisme. Si vous voulez protéger les victimes, travaillez dans le sens de la prévention!

Tout le reste n’est qu’obsession conservatrice, fort malsaine qui pis est.




15 juin 2009

Perspective historique



On répète souvent que « Qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la répéter » et pourtant l’air du temps, obsédé par le présent, n’est pas du tout à ce genre de perspectives.

Quand on parle de commémorer Stonewall par exemple, certains osent prétendre que, puisque nous n’en sommes plus là, il faudrait passer à autre chose. On retrouve là la naïveté individualiste de certaines femmes qui croient que le féminisme n’est plus nécessaire. Comme si les acquis étaient là pour toujours.

Pourtant, la Société pour l’étude de la sexualité humaine de Magnus Hirschfeld a déjà compté 100 000 membres à la fin des années 20 du siècle dernier. C’est pourtant sa bibliothèque que l’on voit flamber quand on cherche une image des tristement célèbres autodafés dont les nazis ont été les instigateurs. Les droits dont vous disposez aujourd’hui sont toujours menacés de recul si vous n’êtes pas attentifs. L’illusion de la protection individuelle fait perdre toute perspective et le fait que vous soyez bien dans votre confort personnel n’est en rien une garantie que le groupe auquel vous appartenez soit exempt de danger.

La question se pose aussi pour l’ensemble des groupes que l’on dit progressistes aujourd’hui. Il faut se rappeler que le concept de « progrès social », bien développé au XIXe siècle, était lié à une croyance dans la marche inéluctable de l’Histoire à la suite des travaux de Hegel. Or, s’il est une chose que le XXe siècle a montré, c’est bien que l’Histoire n’est pas prévisible. La croyance mécaniste héritée du XVIIIe siècle a été battue en brèche par les théories du chaos déterministe. Le monde est déterminé, mais imprévisible et l’Histoire, en tant qu’aventure humaine, n’est pas orientée dans un sens particulier.

C’est pourquoi il convient, en se référant à la perspective historique, de nous demander si les voix de gauche ont toujours intérêt à se dire progressistes. En tout cas, si progrès il y a, il doit venir de notre action et certainement pas d’un Grand Soir inévitable.




7 juin 2009


Pas de quoi tuer sa mère



Le fameux film J’ai tué ma mère, précédé d’un battage médiatique exceptionnel, est enfin arrivé sur nos écrans. On n’a pas su résister, et l’on s’y est présenté dès la première journée.

Avec un titre pareil, on s’attendait à une mère complètement folle, du genre à collectionner les 6 parce que ça rappelle le diable et du même souffle à envoyer ses enfants à l’église prier pour elle; du genre à mettre le feu à la maison du voisin parce que c’est le 6 avril; du genre à abuser sexuellement de son enfant de la toute prime enfance jusqu’à l’arrivée à l’école; du genre à mettre le feu à l’école du quartier le jour de l’anniversaire de son enfant en guise de cadeau; du genre à lui frapper la tête et à lui apprendre à débouler les escaliers « juste pour lui faire plaisir »; du genre à mettre un peu de mort-aux-rats dans sa viande; à tout le moins du genre de Folcoche dans Vipère au poing d’Hervé Bazin.

Mais, déception, ce joli film esthétique n’illustre que la banale opposition entre un ado et sa mère, comme il s’en trouve dans toutes les familles de banlieue.

Il faut savoir qu’on a aimé le film. Il est bien fait, les acteurs sont bons, surtout Anne Dorval.

Ce qui sauve cette œuvre cinématographique, c’est la fin, car si jusque-là on assiste à la confrontation de deux narcissismes, les scènes finales ramènent au rapport à l’autre et les personnages principaux se situent enfin dans la dimension sociale de leur existence. La crise de la mère est une pièce d’anthologie.

Finalement, Dolan, l’auteur, a bien raison de dire qu’il s’agit d’un film sur la réconciliation.




1er juin 2009

La plate réalité

ou

Chronique d’un promeneur


On se promène gentiment dans la ville. On en apprécie les beautés et on en supporte les laideurs en se disant que tout ça fait partie de la vie. Puis, on est brutalement ramené à la platitude et à la bêtise humaines.

Marchant dans une rue passante de Montréal, mon conjoint et moi notons que, de l’autre côté de la rue, une femme va son chemin dans la même direction que nous. Sous le soleil d’un bel après-midi, chacun vaque à ses occupations. Derrière nous, nous entendons alors vrombir un moteur, puis des klaxons insistants. Nous nous retournons et voyons deux hommes qui occupent l’auto en question. Le véhicule ralentit un peu à hauteur de la femme, klaxonne de plus belle et repart à toute allure.

Cette scène nous a ramenés 20 ans en arrière. Nous étions estomaqués. Il existe encore de ces êtres qui, non seulement considèrent les femmes comme du bétail, mais se font un devoir de le leur signaler. A-t-on besoin de commenter davantage? Souhaitons seulement que ce soit là l’exception qui confirme la nouvelle règle.

Deuxième choc du même après-midi, nous voyons sur un abribus un dessin d’un Jésus auréolé avec le message « Appels entrants illimités » pour la collecte de fonds du diocèse de Montréal. Le contraste entre la vétusté de l’imagerie et le caractère branché du texte ne laisse de frapper.

Mais, là où le bât blesse précisément, c’est que, oui, les appels entrants sont illimités, mais il n’y a jamais d’appels sortants. Que ferait-on d’un téléphone qui ne permet pas d’entendre quelque réponse que ce soit? A-t-on besoin de commenter davantage?




24 mai 2009

Le piège de la gouvernance



Vers la fin des années 90, j’ai vu apparaître un centre d’études sur la gouvernance à l’Université d’Ottawa. Je me demandais bien pourquoi on avait besoin du concept de gouvernance si on disposait déjà de la gouverne pour les individus et du gouvernement pour les collectivités.

L’idée s’est répandue de plus en plus, à tel point que les médias en sont maintenant gavés. Mais il semble que la notion recouverte par ce mot dont les apparences sont très vertueuses soit plutôt trouble. En effet, les références auxquelles on nous renvoie chaque fois qu’il est question de gouvernance sont celles de l’entreprise privée. On cherche à faire en sorte que les entreprises privées ne soient pas gênées dans leurs actions et qu’elles aient la liberté de manœuvre nécessaire pour accomplir leur mission sans interférence considérée comme indue.

En ce sens, le principe de reddition de compte se transforme en principe d’opacité. Les entreprises nomment, par des procédures prévues, des représentants d’autres entreprises à leur conseil d’administration. Ces membres de l’extérieur doivent être plus nombreux que les membres de l’intérieur afin d’éviter les conflits d’intérêt internes. Mais alors, à qui les administrateurs doivent-ils des comptes ? Aux actionnaires ? Et quel est l’intérêt des actionnaires sinon de ne trouver aucune entrave aux opérations fructueuses peu importe leur caractère plus ou moins éthique ?

L’importation dans la sphère publique des principes de la gouvernance a quelque chose de proprement monstrueux. Prenons pour exemple les projets de loi sur les collèges et les universités déposés l’automne dernier par la ministre de l’Éducation, des Loisirs et des Sports, madame Michelle Courchesne.

Ces projets de loi, dont on nous a annoncé qu’ils seraient repris bientôt cette année, calquent la formule des conseils d’administration des établissements d’enseignement sur le modèle des entreprises privées. Le prétexte utilisé est celui du cafouillage connu à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Or, il est de notoriété publique que l’aventure immobilière de l’UQAM est due au manque de vigilance des administrateurs devant un projet de nature commerciale, qui avait été dénoncé par les représentants internes de la communauté. La solution Courchesne ? Laisser encore moins de place aux membres internes de la communauté et faire plus de place aux représentants de l’externe.

Il semble que le principe à la base de ces projets de loi soit le suivant : Moins on s’y connaît dans un domaine, plus on est apte à le gérer et à y prendre de bonnes décisions.

Le projet de loi sur la gouvernance des universités avalise la notion de candidatures confidentielles au poste de rectorat d’une université. Alors que les communautés se battent pour plus de transparence et de démocratie dans la gestion des établissements universitaires, le gouvernement veut imposer l’omerta sur la désignation du principal dirigeant.

Tout ça se fait sous le prétexte d’une meilleure reddition de compte ! Il faut le faire !

Dans la population, on fait des gorges chaudes avec la mésaventure de l’UQAM. Et quand nos politiciens à la petite semaine promettent de « mettre de l’ordre là-dedans », on sent la gouaille dans toutes les tribunes téléphoniques. « Enfin, entend-on, on va calmer les pelleteux de nuages ! » La seule chose qu’on oublie, c’est que ce ne sont pas les pelleteux de nuages qui ont mis l’UQAM dans le trou pour parler comme ces interlocuteurs, mais bien les merveilleux entrepreneurs que l’on va payer pour être plus nombreux encore au conseil d’administration.

Autre chose étrange, les administrateurs des conseils d’université seront désormais rémunérés et ils décideront eux-mêmes de leur rémunération. Comme processus de transparence et de reddition de comptes, on a déjà vu mieux.

Plutôt que de soumettre les administrations à la démocratie des communautés, ce qui est souhaitable, car il n’y a pas meilleure reddition de compte que la démocratie, la gouvernance vise à soustraire les entreprises à l’examen public, ce qui est le contraire de l’imputabilité.

Sous des dehors vertueux, la gouvernance dont on nous rebat les oreilles n’est qu’un leurre et, en réalité, elle fait exactement le contraire de ce qu’elle prétend accomplir. La gouvernance à la mode n’est qu’un piège !




14 mai 2009

40 ans du Bill omnibus!



Quand je suis né, je ne le savais pas encore, j’étais déjà un criminel. Ça c’est réglé le 14 mai 1969 par une loi dite « Omnibus » parce que ladite loi touchait un grand nombre de sujets et décriminalisait aussi l’avortement. Nous avions bien du retard à rattraper.

Mais, je n’étais pas encore au bout de mes peines, parce que j’étais encore un malade mental. Je le serais jusqu’en 1973 pour les psychiatres états-uniens et jusqu’en 1992 pour l’Organisation mondiale de la santé. Encore aujourd’hui, il se trouve des psychanalystes pour prétendre que les homosexuels ont des problèmes psychologiques. Je me demande bien qui, lorsqu’il n’est pas accepté par la société dont il fait partie, n’a pas de problèmes psychologiques : les psychanalystes ?

En tout cas, il est important de rappeler ce jalon dans l’histoire d’une société d’abord parce que rien n’est jamais acquis pour toujours, ensuite parce qu’il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va. Et qu’on ne vienne pas me dire que ce n’est pas un enjeu politique quand on sait que 90 pays criminalisent l’homosexualité voyez la carte !, quand on sait qu’en Russie les partisans des personnes LGBT (Lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres) font face à des violences et à des menaces de violence, comme l’indiquent les avis officiels de Moscou.

Même au Québec, hors Montréal, il n’est pas si rare d’entendre tonitruer la radio poubelle. Il n’est pas si exceptionnel de devoir baisser la tête devant des propos homophobes parce que toute la compagnie est d’accord.

Et à Montréal même, je ne vous conseille pas de vous promener main dans la main avec votre conjoint du même sexe dans toutes les rues à toutes les heures. [Et on me demandera pourquoi diable veux-je prendre la main de mon conjoint ? Ne pourrais-je pas faire ça chez moi ? Je serai d’accord avec vous quand ce sera interdit pour tous les hétéros.]

Et à Montréal même ne vous arrive-t-il pas de voir les yeux exorbités de votre interlocuteur (à l’hôpital, à la banque ou au bureau d’emploi) lorsque, à la question Quel est le nom de votre épouse?, vous répondez Mon époux s’appelle Richard.

Et à Montréal même ne vous arrive-t-il pas d’avoir certains collègues qui insistent pour vous mettre à part en prétendant que vous ne connaissez rien aux enfants, à la famille, etc.? Et qui seront encore plus énervés si vous prétendez y connaître quelque chose? Certes le harcèlement n’est pas du même degré que la violence physique. Mais il est tout aussi insidieux et il a la même signification : « Tu n’es pas des nôtres! »

Le devoir de mémoire est important en ce jour, et je me plairai à vous rappeler cet énoncé célèbre du pasteur Niemoller : « D’abord, ils sont venus chercher les Juifs; et je me suis tu parce que je n’étais pas juif. Puis, ils sont venus chercher les communistes, et je me suis tu parce que je n’étais pas communiste. Ensuite, ils sont venus chercher les syndicalistes, et je me suis tu parce que je n’étais pas syndicaliste. Enfin, ils sont venus me chercher, et il n’y avait plus personne pour me défendre. »




11 mai 2009

L’erreur romantique



Je ressens un malaise certain à voir et à entendre l’espèce de glorification romantique que l’on fait de Dédé Fortin à la suite de la parution du film Dédé à travers les brumes. Qu’il ait été l’instigateur d’un groupe très original et branché sur la réalité est une chose avec laquelle tout le monde s’accorde.

Mais, quand on essaie d’en faire un héros plus grand que nature et que l’on tombe dans le mythe du poète incompris ou malheureux, on cultive la fâcheuse manie des Québécois qui consiste à prendre pour modèles ceux qui échouent, ceux qui se sabordent et mettent fin à leur vie ou sombrent dans la folie.

Trop magnifier un personnage et sa fin tragique transmet un message sous-jacent aux jeunes. Ce message, c’est : « Si tu veux devenir célèbre, passe par le suicide. » Or, on ne le sait que trop, ce n’est pas un suicidé sur mille qui survit à la postérité. La vie avec ses proches, la chance de continuer à contribuer à la société, peu importe comment, valent toutes les notoriétés.

Transformer un personnage culturel ou historique en héros romantique conduit à une vision illusoire du travail artistique. Cela mène à des conceptions fausses de la valeur sociale des gestes qu’on pose. Attention aux superlatifs et aux éloges enflammés quand ils réfèrent au parcours de l’artiste. Un suicide reste un échec et la valeur des œuvres n’en est pas améliorée.




4 mai 2009

La peur, gardienne de l’ordre



Quand, au Moyen-Âge, nous étions occupés à remplir les églises pour prier contre la peste, quand nous étions occupés à participer aux croisades, à monter des inquisitions, à tuer les chats et les chiens, à brûler les sorcières, les homosexuels, les Juifs, les Musulmans et les hérétiques, nous n’avions pas de temps pour contester le régime féodal. Quelle meilleure façon de différer de quelques siècles la fin du servage !

Quand aujourd’hui nous remplissons les temples que sont les centres commerciaux et les Wal-Mart, quand nous nous effrayons d’une grippe importée par les méchants étrangers, nous n’avons pas de temps pour contester le capitalisme qui est pourtant à l’origine de la crise financière et économique que nous connaissons.

Est-ce un complot machiavélique ? Est-ce une vaste conspiration ? Pas nécessairement. Que ce soit maintenant ou à l’époque médiévale, les structures de pouvoir ont toujours eu des mécanismes naturels de défense. Sauter sur l’occasion pour détourner l’attention peut se faire de manière même inconsciente, tant est vraie « l’irrémédiable obstination du pouvoir à se maintenir à tout prix. » (Rose ? Vert ? Noir !, quatrième de couverture, Les Écrits francs s. a., 2007).

Panique-t-on à ce point pour les accidents de voiture, qui causent plus de morts par jour que ladite grippe H1N1 ? Panique-t-on à ce point pour la pollution qui tue chaque jour des enfants et des personnes âgées ? N’y a-t-il pas là des enjeux d’importance ?

Reste donc au citoyen censément éduqué que nous sommes à ne pas se laisser distraire par la peur conjoncturelle (certaines maladies épidémiques ou appréhendées comme telles se résolvent par de saines habitudes de vie, sans céder à la panique) des enjeux systémiques (le capitalisme qui détruit le social et dont la contestation est nécessaire à la survie des sociétés et à l’avenir de la planète).




2 mai 2009

Retrouver notre pouvoir



Le 1er mai, fête internationale des travailleuses et des travailleurs, est l’occasion non seulement de manifester, mais aussi de réfléchir, comme l’ont bien prouvé les membres de Québec Solidaire en publiant leur très judicieux Pour sortir de la crise : Dépasser le capitalisme ? voir Québec Solidaire.

À voir marcher ces quelques milliers de personnes, je me suis aussi mis à réfléchir avec un camarade à la question de la difficulté de mobiliser aujourd’hui. Et, bien sûr, tout en se disant que chaque geste de chaque personne compte, il m’est venu à l’esprit que l’idéologie qui nous aveugle actuellement nous conduit à ce que Danilo Martuccelli appelle judicieusement « l’impuissance volontaire des modernes ». (lire « L’ère des états d’âme : le sentimentalisme sans solidarité concrète » dans La vente de soi : du management à la prostitution, cahiers de recherche sociologique, no 43, janvier 2007).

En effet, le néolibéralisme ambiant nous convainc que nous n’avons pas de pouvoir sur les destinées humaines, que nous sommes condamnés à nous désoler des malheurs diffusés à l’heure des repas et consommés dans les médias et que la seule part qu’il nous reste dans ce domaine, c’est de contribuer à des fondations, à de bonnes œuvres qui choisissent pour nous les bons pauvres qu’il faut aider.

Dans son article, Martuccelli signale à juste titre que « la publicité ordinaire des drames humains rend[...] de plus en plus élevé et incertain le seuil à partir duquel se déclenche l’intervention publique au sens propre du terme. » En d’autres termes, les bons sentiments sont promus en lieu et place du politique.

Pourtant, nous pouvons retrouver notre pouvoir en réalisant simplement que nous sommes le nouveau sujet social, comme l’a décrit le philosophe Gramsci. Nous, les précaires, les employés à horaires variables, les faux autonomes, les travailleuses et travailleurs qui s’appauvrissent en travaillant, nous pouvons constituer la nouvelle hégémonie sociale parce que c’est nous qui sommes les plus importants. Nous pouvons donc renverser la logique du capital à condition de le vouloir et de nous réunir.

Certes, nous n’y sommes pas incités par le cirque médiatique ni par le bruit formidable des machines à consommer qui promeuvent le narcissisme à grands coups de lofts ou de sites dits sociaux souvent utilisés pour des fins uniquement hédonistes.

Et pourtant, nous le pouvons, car il existe des mouvements, Québec solidaire en est un, pour nous proposer des solutions collectives, pour nous fournir des outils d’analyse et pour nous faire retrouver le goût du collectif et notre vrai pouvoir dans l’action concertée dans le but du bien commun. Lisez attentivement le manifeste de Québec Solidaire, participez à ses tournées de réflexion, vous avez déjà des outils d’intervention réelle. Après le vide du néolibéralisme, il y a place pour la vraie politique.





20 avril 2009

Martin Matte : le triomphe de l’individualisme



L’irruption de Martin Matte sur le plateau de Tout le monde en parle du dimanche 19 avril visait à répondre à une déclaration de Micheline Lanctôt la semaine précédente sur le même plateau.

Madame Lanctôt avait très judicieusement fait valoir que les grandes fondations orientaient des fonds vers des causes particulières au détriment du fisc dont le rôle normal serait d’orienter ces mêmes fonds vers des causes collectives. Elle rappelait aussi que les gens très très riches devraient avoir l’obligation de donner une bonne part de leurs revenus à l’État pour qu’il en fasse usage selon des priorités sociales et collectives.

La réponse individualiste, narcissique et infantile de monsieur Matte a été de déclarer : « Moi, j’en ai une fondation, et ça me touche ça. Les gens qui ont des fondations ne sont pas obligés de donner cet argent-là. » Il a prouvé qu’il n’avait rien compris.

Le problème, il est justement là, dans le fait que les gens très riches ne sont pas obligés de donner des sommes importantes au fisc. Le problème, il est justement là, dans le fait que laisser le choix des priorités aux intérêts particuliers ne sert pas la cause de la société. Le problème, il est justement là, dans le fait que l’excroissance de l’individu se fait au détriment de la collectivité. Le problème, il est justement là, dans le fait que ce n’est pas aux ploutocrates à décider de ce qui doit être priorisé, mais bien à la société, dont la volonté générale doit s’exprimer par les institutions démocratiques. C’est à ça que ça doit servir, la démocratie.

L’attitude des deux protagonistes reflète bien leur idéologie. Micheline Lanctôt : parcours atypique, travail patient et préoccupations liées au métier et à la société dans laquelle il s’insère. Martin Matte : vedettariat effréné, narcissisme gonflé, travail lié aux préoccupations individuelles. Toute la différence du monde est là.




13 avril 2009

Si loin, si près



Il était très émouvant de voir Patrick Huard à l’émission Tout le monde en parle hier soir se faire le porte-parole du Défi du millénaire et porter des valeurs universelles : écologie, justice, santé... Il était particulièrement ironique de l’entendre dire qu’il ne fallait pas céder à des commanditaires qui font de la cochonnerie juste parce que ce sont des commanditaires, lui qui continue à être commandité par le Journal de Montréal pour Staracadémie et qui ne s’est pas gêné il y a quelques semaines pour cracher sur les journalistes en lock-out.

Il faut croire que c’est plus facile d’avoir de la compassion et de la compréhension pour ceux et celles qui sont loin. Et, puis, les journalistes et les employés du Journal sont sans doute beaucoup trop bien payés, même si on se demande ce que cela signifie quand on songe aux revenus que ce même monsieur Huard doit tirer de sa participation à « Starac ».

Il faut croire aussi qu’il trouve normal qu’un journal soit fait par des cadres qui n’ont pas la préoccupation de la nouvelle juste et équilibrée. La bienfaisance sélective a peut-être le don de refaire une virginité ; en tout cas, moi, elle me laisse un goût amer.

Il était par contre rafraîchissant d’entendre Micheline Lanctôt dire que, lorsqu’on a des revenus très au-dessus de tout le monde, on doit en donner une grande part pour contribuer à la société, et que c’est le fisc, qui devrait représenter la volonté générale de la société, qui devrait en bénéficier pour le répartir équitablement et non les Bill Gates de ce monde qui doivent décider qui sont les « bons pauvres » dignes de recevoir son aide.

Pour finir avec un lien à un autre invité, il semble que monsieur Huard n’était pas si pressé que ça de «sortir du capitalisme» (Pour sauver la planère, sortez du capitalisme, Hervé Kempf, Paris, Seuil, 2009, 154 p.)



8 avril 2009

Contre l’homophobie


La pétition de Gengis Grenier, inspirée par le cas de David Fortin, mérite d’être portée à l’attention de tous. Vous pourrez la trouver ici:

petition

Je lui laisse la parole:

«À l’attention de : Médias et la ministre Courchesne

Nous demandons à vous MÉDIAS et au MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION,

Durant votre suivi dans l’affaire David Fortin, à une heure de grande écoute, d’inviter des policiers et avocats à discuter des moyens juridiques disponibles (motifs de poursuites civiles ou criminelles et des sanctions applicables en se référant aux codes de la juridiction québécoise) et d’encourager les parents de David Fortin à montrer l’exemple en ce sens avec votre aide pour sensibiliser les parents et enfants victimes de tels actes, d’entrevoir les recours qu’ils ont à leur disponibilité pour faire face aux contrevenants.

La pétition s’adresse également au ministère de l’éducation, du loisir et du sport, mme Courchesnes, il est temps d’AGIR. Donnez suite au Rapport de consultation du Groupe de travail mixte contre l’homophobie réalisé par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Les fondements personnels de ma pétition;

Je m’adresse à vous chers médias parce que vous êtes intéressés à une fugue qui peut bien soulever des questions. Je suis un citoyen qui a vécu un « périple » de même dimension que celui du jeune David Fortin. L’enfer noir du rejet social, de l’homophobie et de la violence physique et psychologique en milieu scolaire a quand même fait l’objet de quelques «reportages». Des organismes communautaires comme Gris Québec nous montrent des parents ayant des histoires traumatisantes à raconter. La prévention en milieu scolaire pour ce genre de situation est médiocre vu la complexité dimensionnelle qu’est chaque cas.

Les sociologues nous catégorisent comme stigmatisés sociaux lorsque nous arrivons à terme de ce « périple ». Chaque jour d’école, que cela soit dans l’autobus jaune, dans l’enceinte scolaire, dans les vestiaires, la place publique, les salles de bain, l’amphithéâtre et voir dans la classe elle-même, j’ai du affronter des jeunes de mon âge me violentant physiquement, m’harcelant sexuellement et me détruisant psychologiquement. Je crois que j’ai « tâté » le suicide plus d’une dizaine de fois et essayé à deux reprises de fuguer pendant mon adolescence. Coups et blessures, voie de fait, harcèlement psychologique et sexuel, torture, diffamation mensongère, injure, indécence, menace de mort, discours calomnieux, expression outrageante et méprisante, propagande haineuse, conspiration et incitation à la violence, composaient ma routine quotidienne tôt ou tard pendant mon cheminement. Ce que je vivais à tous les jours étaient des motifs valables pour des poursuites criminelles et civiles.

Travailleurs sociaux, directeurs, psychologues, infirmiers, professeurs et surveillants se sentent quelques peu impuissants face à des situations aussi dégradantes. C’est une patate brûlante ingérable pour tous les professionnels. Les jeunes victimes sont laissées à elles-mêmes et à leurs proches qui risquent de subir un transfert de discrédit social, rejet familial. Dans plusieurs cas, les mécanismes de défenses psychologiques sont le retrait social, l’intériorisation et l’isolement. Peu de jeunes en parlent à leurs parents. Et dans bien des cas, une telle situation est taboue mais l’inaction des parents est bien réelle. Les applications juridiques dénonçant de tels actes sont difficiles à utiliser en milieux sociaux fermés.

Mon professeur de politique disait qu’inconditionnellement, vous étiez une membrane du pouvoir politique. Vous avez dans votre auditoire des parents vivant exactement le même genre de situation. Maintenant que c’est l’heure du sujet, prenez un instant pour réfléchir aux victimes et à celles qui suivront, par notre inaction, quelles perspectives d’avenir leur laissons-nous?

Déposé par un citoyen canadien originaire de la côte-nord, réfugié à Montréal depuis l’âge de 17 ans.
Gengis Grenier
Sexe : masculin Age : 22 ans»

Signez la pétition:

petition





28 mars 2009

On voit mieux quand on écoute



Le slogan de la radio de Radio-Canada est particulièrement bien choisi : « Écoutez pour voir ». En effet, c’est en écoutant qu’on peut le mieux imaginer et arriver à voir. Certes, notre civilisation est basée essentiellement sur la vision et tout ce qu’on ne peut voir est aujourd’hui considéré comme incompréhensible.

Pourtant, pendant des millénaires, la compréhension a d’abord été associée à l’écoute. Chez les Anciens, on apprenait les livres par cœur et on pouvait les réciter. On lisait même à voix haute parce que c’était d’abord l’écoute qui était essentielle, pas la vue. Rappelons-nous le caractère péjoratif qui était associé à celui qui avait besoin de « voir pour croire » et qui n’acceptait pas la démonstration discursive comme preuve.

Jusqu’à tout récemment, la capacité d’entendre (c’est-à-dire comprendre) était la preuve de la maturité intellectuelle. Celui qui n’entendait pas était considéré comme un imbécile et on lui demandait : « Est-ce que tu comprends ou bien as-tu besoin d’un dessin ? »

Aujourd’hui, la situation est tout autre et il est obligatoire de fournir un dessin sous peine d’être traité de mauvais pédagogue et de méprisant. Il m’arrive même souvent de me faire dire par des étudiants : « Je ne pouvais pas le savoir, je n’écoutais pas. » Quand je raconte ça, on me dit : « Les étudiants d’aujourd’hui ont au moins le mérite de la franchise. »

En fait, les étudiants fautifs tout comme les enseignants fautifs ont rarement le mérite de la franchise. Et la réplique qui consiste à dire : « Je n’écoutais pas » n’est pas du tout un aveu, c’est un reproche. Si l’étudiant en question avait considéré le fait de ne pas écouter comme une faute, il n’aurait pas formulé cet énoncé. Il se permet cette remarque parce que l’écoute n’est plus nécessaire. Seule la vue compte. Certains étudiants m’ont dit que ce qui n’est pas écrit au tableau ne peut être considéré comme ayant été dit en classe. Je ne leur en fais pas le reproche ; je le constate.

Donc, si on se permet aujourd’hui de dire « Je n’écoutais pas », c’est pour reprocher à l’enseignant de n’avoir pas su transmettre le message visuellement.

Autant il était dommage de rejeter les « visuels » en les traitant d’imbéciles, autant il est aujourd’hui dommage de reléguer l’ouïe dans les limbes de l’inutile. Nous avons besoin de tous nos sens et nous devrions réapprendre à écouter parce que, oui, c’est vrai, cela permet de mieux voir. Plus encore, nous devrions ne pas négliger de sentir, humer, ressentir, goûter, entendre et voir.

Autrefois, on disait entendre pour « comprendre », ce qui était limitatif ; aujourd’hui on dit voir pour « comprendre », ce qui est tout aussi limitatif. Quand nous ferons enfin appel à tous nous sens, alors seulement pourrons-nous vraiment comprendre, ce qui signifie « prendre avec ».





16 mars 2009

Le combat n’est pas fini



On utilise les agissements douteux de quelques dirigeants syndicaux pour discréditer le syndicalisme au grand complet. Les porte-parole du capitalisme débridé ont tôt fait de condamner l’action collective sous prétexte de quelques errements individuels.

Deux syndicalistes ont un comportement incorrect et tous les syndicats sont à jeter. Tous les dirigeants de grandes entreprises sont rémunérés plusieurs dizaines de fois (sinon des centaines) que leurs employés. Les financiers et les investisseurs qui ont floué les petits épargnants se sauvent en emportant des centaines de milliers de dollars. Les constructeurs automobiles ont dirigé leurs entreprises en aveugles et les ont conduites à la faillite en n’ayant aucune préoccupation pour l’environnement. Comme punition, ils retirent des salaires faramineux et feront renflouer leur business par les fonds publics. Les employés, eux, doivent accepter des gels de salaire et l’affaiblissement de leurs conditions de travail.

À confondre le général et le particulier, l’accidentel et le systémique, on se trompe de cible. Les politiques néolibérales sont délétères pour la société par définition. Les abus capitalistes sont systématiques et non pas accidentels. Pour ce qui est des comportements individuels, c’est une affaire d’éthique et de respect des lois. Et cela ne doit pas nous faire oublier que, si l’exploitation capitaliste est condamnable, le syndicalisme, lui, est nécessaire.




10 mars 2009

Dieu n’existe vraiment pas


Les réactions des croyants et des agnostiques à mon propos de la semaine dernière sont intéressantes. Elles peuvent se résumer à l’argument suivant: "Croire est une décision irrationnelle et elle ne peut donc pas se discuter."

On est bien d’accord, c’est irrationnel. Que ça ne se discute pas, là, c’est un aveu de faiblesse. La croyance en Dieu pouvait se justifier à l’époque où l’on ne disposait d’aucune théorie sur les origines de l’univers. Une hypothèse n’a de valeur et d’intérêt que lorsqu’elle offre une explication à un phénomène ou une solution à un problème.

Dans l’état actuel des choses, l’hypothèse Dieu ne résout aucun problème (au contraire elle en cause de nombreux et pas des moindres) et n’explique rien.

CQFD: Dieu n’existe pas à moins de preuve du contraire.




4 mars 2009

Dieu n’existe pas



Il paraît que les autobus portant la mention « Dieu n’existe probablement pas » vont commencer à circuler dans les rues de Montréal. Cette idée d’abord exploitée en Angleterre a quelque chose de sympathique, mais elle ne suffit évidemment pas à convaincre les croyants de l’inanité de leurs prétentions.

Les croyants ne savent pas à quel point le mot probablement a une force que le mot possible n’a pas. Parce que, en général, dans la vie, ce qui se produit, c’est ce qui est probable et plus rarement ce qui est possible.

Au-delà de ces discussions sur ce qui est possible et sur ce qui est probable, il est tout de même lassant de se faire dire par les croyants qu’ils sont justifiés de croire en Dieu parce qu’on ne peut pas prouver qu’il n’existe pas. À ce compte-là, puisque jamais personne ne pourra prouver que le Père Noël n’existe pas, tout adulte peut s’estimer justifié d’y croire. Très convaincant tout ça.

Mais, plus incroyable encore, on se doit de constater que, en fait, il existe des preuves que Dieu n’existe pas, même si scientifiquement on ne peut pas prouver l’inexistence. Eh oui, ce sont les croyants eux-mêmes qui ont apporté la preuve que Dieu n’existait pas en multipliant les religions contradictoires qui, toutes, se réclament du même dieu. Or, s’il existait, il serait étrange qu’il ait toutes ces exigences incompatibles.

Pour nous amuser, j’ai concocté cette liste de preuves que Dieu n’existe pas :

—il y a des religions ;
—plus une personne est croyante, moins elle a de chances d’être exaucée ;
—les deux Bush ont fait toutes leurs conneries au nom de Dieu ;
—Dieu a écrit des livres auxquels il veut qu’on obéisse sinon il nous détruira, mais il n’est pas capable de faire appliquer ses principes lui-même ;
—Dieu a besoin des hommes pour tuer ceux qui ne croient pas en lui ;
—Dieu fait toutes sortes de miracles pour épater la galerie (voir Jésus), mais il est incapable de faire des miracles pour instaurer la paix ou pour empêcher les fanatiques de prêcher leurs religions ;
—Dieu fait des saints, mais ce sont les hommes qui les canonisent ou les « décanonisent » ;
—aucun dieu moderne n’est une femme ;
—on n’arrive pas à trouver un plombier le dimanche (merci Woody Allen) ;
—dieu se repose le vendredi (musulmans), le samedi (juifs) et le dimanche (chrétiens), mais les employés d’aujourd’hui font des semaines de 60 heures ;
—les tartines tombent toujours du côté beurré ;
—tous les participants au cent mètres prient Dieu, mais il n’y en a qu’un qui gagne ;
—c’est Patrick Lagacé qui est célèbre et pas Francis Lagacé ;
—Mario Dumont est considéré comme crédible pour la télé ;
—la gourmandise fait partie des péchés capitaux, mais pas la méchanceté ;
—ajoutez votre propre réponse :

Profitez de la vie, soyez honnêtes et n’essayez pas de plaire à Dieu, parce que vous lui déplairez certainement selon un livre ou l’autre qu’on vous brandira sous le nez.






25 février 2009

Prenez le métro!


J’ai toujours cru que les gens qui ne prennent pas le métro manquent de quelque chose. Ils ne connaissent pas la couleur réelle de la vie; ils ne sentent pas la condition de leurs congénères et ne partagent pas le pouls réel d’une ville.

Dimanche dernier, c’était les Oscars. J’étais dans une soirée au restaurant, je n’ai donc rien vu de cette cérémonie très glamour qui excite les midinets et les midinettes. Je me rappelle cette connaissance à moi qui trippait tellement sur les vedettes de Hollywood et qui me demandait sans cesse qui, pour moi, était le plus bel homme du monde, qui, pour moi, était la plus belle femme du monde. Je répondais que c’était trop difficile de décider parce que, tous les jours dans le métro, je vois des gens magnifiques. Elle ne me croyait pas. Il était impossible pour elle qu’un quidam fût plus beau qu’une vedette.

Si vous circulez, comme moi, régulièrement dans le métro, vous le savez: il s’y trouve des êtres de grande beauté, cent fois plus intéressants que n’importe quel acteur ou actrice. Et ils sont comme ça sans maquillage et sans costume coûteux.

Ah, oui, j’oubliais, ne prenez pas le journal 24 heures qu’on distribue à l’entrée des stations de métro. Il est fabriqué par des scabs pendant que les journalistes et les employés de bureau du Journal de Montréal sont en grève. Prenez plutôt le Métro qui est offert à l’intérieur des stations.




18 février 2009

Le cycle de la violence


Le billet de Sylvain Ménard dans le Métro du mardi 17 février a fait surgir en moi une très grande tristesse. Le chroniqueur évoque l’enfer qu’a dû subir jour après jour le jeune qui est victime de harcèlement à son école secondaire. Il raconte ensuite une histoire vécue dans sa propre école secondaire. Une histoire semblable où un jeune victime d’un harceleur en a un jour assez et se venge en sacrant une bonne volée à son tortionnaire.

Morale de cette histoire: la violence comme solution. C’est le plus fort qui a raison.

Est-ce donc tout ce que nous avons retenu de la vie en société? Si vous voulez vous protéger, soyez encore plus violents que ceux qui vous agressent?

Non seulement une telle histoire n’a rien pour rassurer ceux qui sont victimes de harceleurs parce qu’ils n’ont pas la force physique de le faire, mais elle ne condamne pas la violence. Elle renforce même les harceleurs en leur conseillant d’être encore plus forts, plus violents et de s’y mettre à plusieurs, comme ça ils s’en tireront.

L’apologie de la violence est une grave erreur. Faisons plutôt de l’éducation, la promotion du respect et de la justice. Sanctionnons les comportements discriminatoires socialement, pas individuellement. Prenons position quand nous voyons les autres se faire harceler. Prenons leur défense, mais n’entrons pas dans le cycle de la violence.

À bas la violence, vive l’éducation!




15 février 2009

Sarkozy persiste et signe




J’ai lu, dans Le Devoir des 14 et 15 février 2009, la réponse du président Sarkozy à la lettre ouverte de Pauline Marois et de Gilles Duceppe. C’est un exemple parfait d’entreprise de marketing qui consiste à faire voir les beaux côté de ses actions tout en écartant systématiquement le fond du sujet.

Contrairement à l’analyse qu’en fait l’éditorialiste Descôteaux, dans la page en regard de la lettre publiée, et à la présentation qu’en font Hélène Buzzetti et Christian Rioux en page A3 à partir de l’interprétation qu’en font certains leaders souverainistes, dont madame Louise Beaudoin, je trouve que cette lettre n’est pas du tout apaisante et qu’elle ajoute l’injure à l’insulte.

En effet, pas une seule fois le président ne se justifie des termes très durs qu’il a employés, et c’est là le nœud du problème. Nul ne conteste que le président français ait le droit de préférer le fédéralisme. Nul ne lui conteste le droit de le dire haut et fort. Toutefois, comme le disait Jacques Brel : « Je sais, on fait ce qu’on peut, mais y a la manière. » Car, que reproche-t-on au discours de monsieur Sarkozy? Pas de s’être prononcé contre l’indépendance, mais d’avoir traité les indépendantistes de sectaires, de partisan de l’enfermement sur soi, de personnes qui refusent l’autre. Il y a sûrement de cette attitude parmi les nationalistes réactionnaires, mais les leaders indépendantistes du Québec sont en général partisans de l’ouverture au monde et on ne saurait les amalgamer avec une frange extrémiste, ce qu’a fait le président Sarkozy dans son discours. Or, de cela, il n’est jamais question dans sa lettre. Et ne pas revenir là-dessus, c’est persister dans son erreur.

Les propos lénifiants du président passent totalement à côté du reproche qui lui est fait; ils l’éludent; ils le nient. Ce message promotionnel pourrait tout aussi bien avoir été écrit par un spécialiste de la publicité, mais il ne répond en rien à la lettre de madame Marois et de monsieur Duceppe.

Certes, il n’est diplomatiquement pas facile de reconnaître ses erreurs, mais les camoufler ainsi n’est pas très convaincant non plus.




7 février 2009

Les illusions sympathiques




On appelle dissonance cognitive cette contradiction entre la connaissance de la réalité et l’interprétation qu’on en fait. On refuse souvent de croire la réalité lorsqu’elle contredit nos croyances intimes. L’un des domaines les plus fréquents où l’humain pratique cette dissonance cognitive, c’est la famille et les relations qu’elle implique.

Ainsi, pendant la période des Fêtes, j’ai eu l’étonnante remarque suivante de la part de l’une de mes connaissances : « Dans cette famille, tout le monde s’entend vraiment très bien et tous se soutiennent de manière solide. Il n’y a pas de chicane, à condition qu’on ne parle ni de sexe, ni de religion, ni de politique. »

Très bel exemple de dissonance cognitive! Par ailleurs, il me semble que les seules personnes qui soient dignes d’être considérées comme amicales, avec qui l’on peut avoir des relations intéressantes, sont justement celles avec qui on peut parler de religion, de politique et de sexe. Sinon, je ne vois pas l’intérêt de fréquenter des personnes (outre les relations superficielles de travail) avec qui tous ces sujets sont tabous.

Décidément, l’humain aime bien entretenir ses illusions sympathiques.




31 janvier 2009

La croissance : un mythe qui dure




En février 1979, il y a donc exactement 30 ans, j’écrivais un éditorial dans le journal des étudiants de l’UQAR, dont le sous-titre était semblable : « La théorie de la croissance : un mythe qui a la vie dure » (L’Envers, vol. 2, no 3, Rimouski, février 1979, pp. 2-5).

Si les entrepreneurs, les industriels, les économistes et les politiques étaient sérieux, ils nous diraient que le principal problème économique n’est pas de chercher à maintenir la croissance, mais que nous n’avons pas encore compris la nécessité de l’abandon du mythe de la croissance.

Réfléchissons quelques instants : est-il possible de produire indéfiniment plus d’objets à partir d’une quantité limitée de matière? Est-il possible que le nombre de consommateurs augmente indéfiniment alors que la planète ne peut pas supporter plus qu’un certain nombre d’habitants? Poser la question, c’est y répondre. La croissance est un mythe, ce qu’il faut chercher, c’est une forme d’équilibre.

Cela m’amène à la fameuse crise économique actuelle. Pendant des années, on nous a dit de consommer davantage, d’investir dans des actions en bourse pour soutenir la croissance et d’encourager les entreprises financières qui visent des profits faramineux dans une spirale de croissance. C’est ce comportement consumériste et cette volonté de profits qui ont causé la crise financière actuelle.

En conséquence, que nous propose-t-on pour sortir de la crise : de consommer toujours davantage, d’investir dans des actions en bourse pour soutenir la croissance et d’encourager les entreprises financières en croissance. Et ces gens-là se disent rationnels.

Si, plutôt que de chercher à croître toujours, si au lieu de nous demander de consommer sans cesse davantage, on nous proposait de chercher l’équilibre dans nos besoins. Si les entreprises cherchaient à équilibrer leurs coûts-bénéfices en rémunérant suffisamment la force de travail plutôt que de s’entêter à vouloir faire des profits en bourse et que d’offrir des ponts d’or à leurs dirigeants, si ces mêmes entreprises entraient dans leurs coûts fixes leurs part des dépenses nécessaires à la restitution d’un environnement sain à la suite de leurs activités de production, si l’objectif était vraiment de satisfaire les besoins des consommateurs plutôt que d’exacerber leurs désirs, ne serions-nous pas plus près de l’équilibre à la fois environnemental et économique?

Consommer toujours davantage ne conduit qu’à la crise économique et écologique. Ceux qui se sortiront le mieux de cette crise sont, en haut de la pyramide, les dirigeants qui se sauvent avec la cagnotte et dont les postes sont protégés et dont les entreprises véreuses sont sauvées par les interventions ex machina des gouvernements et, en bas de la pyramide, celles et ceux qui pratiquent la simplicité volontaire.




24 janvier 2009

Coupables de ne pas être riches



Aux yeux des possédants, il n’y a qu’une seule culpabilité : ne pas avoir suffisamment de sous pour faire prévaloir sa version sur celles des autres. J’en veux pour preuves deux faits : l’un plus général, l’autre particulier, mais qui relève de la même pensée.

1. La fameuse crise

Les financiers, investisseurs et magnats de toutes sortes sont à l’origine d’une crise économique dont ils voudraient que le menu fretin les sorte en consommant toujours davantage. Que font donc ces charmants capitalistes pour aider les travailleurs à consommer? Eh bien, ils se servent des difficultés économiques comme prétexte pour mettre le plus d’employés possible à la porte afin d’optimiser leurs revenus même si les entrées d’argent sont supérieures aux dépenses. Il leur suffit que les augmentations de profits ne soient plus aussi fortes que précédemment.

Mettez tout le monde au chômage et demandez-leur de continuer à consommer, sinon il y aura encore d’autres mises à pied! C’est tellement logique!

2. La grève à l’Université York

On apprenait par les médias que le gouvernement de l’Ontario songe à promulguer une loi spéciale pour obliger les chargés de cours et les auxiliaires d’enseignement de l’Université York à rentrer au travail alors qu’ils sont en grève légale! Si on enlève les moyens de pression de ceux qui sont les moins bien rémunérés, comment voulez-vous que leur sort s’améliore? C’est vraiment honteux!

La démocratie a ses faiblesses quand elle ne fournit pas les outils nécessaires à la défense des précaires et des moins bien nantis.





17 janvier 2009

Les ressources humaines comme marchandises




J’ai été paresseux depuis le début de l’année 2009 et n’ai pas alimenté ma page billet. Je me reprends maintenant avec une réflexion sur la prégnance incroyable de l’idéologie capitaliste, qui arrive même à faire croire que ce ne sont pas les capitalistes les responsables de la crise actuelle.

Au moment même où la situation économique fait la preuve que le système capitaliste n’est pas vraiment rationnel et que les dirigeants ne favorisent que les plus retors, on a la « joie » d’entendre à la première chaîne de Radio-Canada (les quatre premiers jours de la semaine dernière), une série de reportages radio qui remettent en question le rôle et les acquis du syndicalisme. Et pourtant, en cette ère de mises à pied sauvages sous prétexte de récession, alors que les entreprises ne pratiquent en réalité que le dégraissage et le règlement de compte, s’il y a un instrument utile à la protection des travailleuses et des travailleurs, c’est bien le syndicalisme.

Mais la fuite en avant est telle qu’on reporte le fardeau sur le travailleur qui doit « se vendre » et justifier son existence.

Pour nourrir notre réflexion sur le sujet, je propose ici quelques citations d’un article de grand intérêt paru dans les Cahiers de recherche sociologique numéro 43 en 2007. L’article de Véronique Guienne s’intitule : « Savoir se vendre : qualité sociale et disqualification sociale ».

« La vente de soi est la prescription pour réussir. » (p. 8)

Plus loin, l’auteure montre comment cette prescription est une injonction paradoxale qui conduit à des stratégies fragilisantes : « apprendre à vendre ce que l’on est, se montrer sous la meilleure apparence possible, et enfin être faussement ami avec tout le monde. » (p. 10) Ce qui se mue en « double injonction du conformisme absolu d’une part et de l’originalité d’autre part. » (p. 11)

Dans cette optique, « s’intéresser aux autres n’est pas les trouver dignes d’intérêt, mais leur faire croire qu’ils le sont pour pouvoir en tirer un intérêt personnel. » (p. 11)

Enfin, ce paragraphe dévastateur qui concerne autant la prostitution, l’esclavage que la vente des organes, mais c’est bien ce qui arrive aussi au travailleur tenu de se donner une valeur d’échange :
« La vente de l’humain, au complet ou en pièces détachées, est donc la première forme de marchandisation de l’humain. Cette marchandisation l’est au sens propre, le sujet ou une partie de son corps, étant devenu un produit, avec un prix du marché. Un enfant roumain ne vaut pas le même prix qu’un enfant nigérian; une Chinoise pas le même prix qu’une Bulgare; un œil brésilien pas le même prix qu’un œil israélien... »

Ça nous rappelle la Modeste proposition de Jonathan Swift.






26 décembre 2008

You’re sixteen, you’re ignorant and you’re surely not mine

À Benoit XVI



Les récentes déclarations du pape sur le genre et sur l’homosexualité ne font que le couvrir davantage de ridicule. S’appuyer sur la défense de la nature telle qu’elle est pour interdire les choses les plus naturelles du monde est une absurdité difficilement acceptable. Il est ironique que tant d’ignorance et de bêtise émane d’un souverain* qui dispose des avis d’un bataillon de savants. En effet, le Vatican possède sa propre académie scientifique.

Pourtant, le pape ne semble rien comprendre à la nature ni à la construction sociale des identités. S’il réfute la nature, ça peut se comprendre, l’idéal de virginité et d’abstinence qu’il prône officiellement est tout à fait contre-nature. Alors, on peut comprendre qu’il soit contre les relations homosexuelles, une activité humaine naturelle et normale qui existe depuis que la sexualité existe. Mais, pourtant, il prétend défendre la nature comme il faut défendre l’eau, l’air et la terre. Encore une contradiction!
.
S’il réfute la société, parce c’est elle qui produit les constructions de genre et les notions d’hétérosexualité et d’homosexualité, alors qu’il démissionne et s’en aille mourir dans les champs ou les bois, parce que c’est la société qui le fait vivre, et c’est la société qui a créé les États et les souverains. Même s’il voulait échanger sa participation aux corvées d’un vieux village contre l’alimentation, ce serait un geste social. Nouvelle contradiction, mais pis encore, finalement, les scientifiques nous apprendront que la société aussi est naturelle. Vous ne pouvez pas vous en sortir, ou vous comprenez le monde tel qu’il est et vous ne demandez pas aux humains de faire des choses impossibles ou vous ne le comprenez pas et vous vous enfermez dans le dogme ridicule.

Je préfère l’avis d’un penseur mécréant qui offre, par exemple, une explication toute naturelle pour la masturbation masculine, que les catholiques prétendent avoir en horreur. Voici ce que Christopher Hitchens écrivait dans le magnifique livre God is not Great : how religion poisons everything, dont la lecture devrait être obligatoire dans les écoles :

« Men produce infinitely more seminal fluid than is required to build a human family, and are tortured —not completely unpleasantly— by the urgent need to spread it all over the place or otherwise get rid of it. »

Tout est tellement plus simple quand on comprend la nature.


*Notons au passage que le pape est le chef d’État du seul pays homosexuel au monde. C’est en effet le seul état composé uniquement d’hommes.


VACANCES
Je pars en vacances. Je laisse mes lecteurs tranquilles jusqu’à la mi-janvier. En attendant, amusez-vous bien, ne soyez pas trop sages et protégez la nature en évitant la religion. ;)





23 décembre 2008

L’obligation d’être heureux



Depuis Beaumarchais, il existe parmi les droits de l’être humain une chose qui s’appelle le Droit au bonheur. Mais avec la folie marchande et l’hypocrisie qui entourent la fête de Noël, on subit une pression terrible qui pourrait s’appeler « l’obligation d’être heureux ».

J’ai toujours trouvé ridicules les clichés sociaux qui décident à notre place du moment où il faut être heureux, du moment où il faut être triste et qui nous imposent des sentiments qu’on n’a pas.

N’en avez-vous pas assez de faire semblant que vous aimez tout le monde juste parce que c’est Noël? N’en avez-vous pas assez de faire semblant d’aimer le bibelot insignifiant que votre frère vous a offert parce qu’il est obligé de vous donner un cadeau à Noël? Ne croyez-vous pas qu’il est ridicule de faire un cadeau à une personne que vous n’aimez pas?

Il y a longtemps que j’ai réglé la question des cadeaux. J’ai trop vu de gens évaluer le cadeau à sa grosseur et à son prix. Et ce sont ceux-là mêmes qui prétendent le plus ne pas accorder d’importance au prix. J’ai toujours dit et je le répète que je préfère recevoir une fleur des champs (une, j’ai bien dit une) plutôt qu’un gros bouquet de fleurs cultivées. La délicatesse et la simplicité valent beaucoup plus que la grossièreté bourgeoise. Mais, la plupart des gens préfèrent, comme le disait le narrateur du Petit Prince, une maison de cent mille francs « comme c’est joli! »

En connaissez-vous des familles où tout le monde s’entend bien? Je n’en connais aucune. Deux personnes dans ma vie, qui fait tout de même plus d’un demi-siècle, m’ont juré que leur famille était exceptionnelle et différente. Je les ai crues en leur disant : « Vous êtes vraiment l’exception. »

La première personne avait des problèmes avec un père grossier, abruti, vulgaire et égoïste. Sans compter le travail qu’elle imposait régulièrement à sa mère par ses décisions fantasques : partir en voyage de façon inopinée et lui larguer les meubles et les enfants, par exemple.

La deuxième personne était un individu qui faisait preuve d’un narcissisme effréné dont ont souffert ses conjoints et ses enfants. Ses enfants se détestent entre eux et se rendent malades dans la compétition pour plaire à un parent qui joue à la douche écossaise avec eux.

Pourquoi faudrait-il à Noël faire semblant d’aimer ce beau-frère ignorant qui vote pour l’ADQ et souhaite que les gais soient internés? Pourquoi faudrait-il à Noêl aimer cette grand-mère pédophile et alcoolique honteuse? (Je dis bien honteuse, parce que j’ai beaucoup de sympathie pour les alcooliques qui ne se cachent pas.)

J’ai entendu à la Première Chaîne de la radio de Radio-Canada ce matin que 65 % des gens sont stressés par l’obligation de faire des cadeaux. Qui pis est, leur pire stress est la crainte de déplaire à leur conjoint. Je n’en reviens pas. Si vous ne savez pas quel cadeau faire à votre conjoint, vous ne devez pas le connaître beaucoup. Moi, je pourrais faire un cadeau différent tous les jours à mon mari, tellement j’ai d’idées. Par contre, je ne saurais vraiment pas quel cadeau faire à mon frère que je ne vois jamais. Et, bien sûr, il n’est pas question que je lui achète quoi que ce soit.

Il faut dire que j’ai de la chance de trouver magnifique un moment passé en solitaire. Tant de gens sont effrayés à l’idée de passer Noël dans la solitude. Si on voyait cette fête du Solstice comme l’occasion de faire une pause, ne serait-il pas bien de faire un pied-de-nez à la surconsommation, aux rencontres forcées et à la fausse joie?

Je vous souhaite un Noël de tranquillité avec un minimum de dépenses.




13 décembre 2008

Pourquoi les hétérosexuels sont-ils si peu sûrs de leur virilité?



Dans l’édition du 26 novembre 2008 du Quartier libre, le journal des étudiants de l’Université de Montréal, les pages 4 et 5 présentent un mini-dossier sur l’homophobie sportive à partir de l’enquête effecutée par Simon-Louis Lajeunesse (L’Épreuve de la masculinité, ouvrage paru en 2008 chez H&O éditions). On trouve, en page 5, la réaction de membres de l’équipe de football des Carabins de l’Université de Montréal.

L’entraîneur en chef adjoint de l’équipe, Denis Touchette, déclare dans cet article : « Un homosexuel ne pourrait pas tenir dans l’équipe, il faudrait qu’il garde ça secret. » On peut donc conclure que les homosexuels qui font partie de l’équipe gardent ça secret puisque monsieur Touchette ne semble pas les connaître. L’auteur de l’article précise que, pour l’entraîneur, ce sport est viril, qu’il a des racines militaires. Dois-je comprendre que tous les militaires gais que j’ai connus n’étaient pas vraiment dans l’armée? Ou alors qu’ils n’étaient pas virils? Et Alexandre le Grand, il n’était pas assez viril pour vous? Remarquez que, de l’armée, je ne suis pas friand, étant pacifiste. Je croyais d’ailleurs que le sport devait se jouer dans le fair-play et non dans le but de démolir.

De nombreux champions de concours de muscles sont gais. Les modèles de culuturisme des années 50 et 60 étaient souvent des homosexuels. La virilité n’a rien à voir avec l’orientation sexuelle.

Toutefois, la perception de ce qu’est une personne homosexuelle vient perturber la compréhension du monde d’une personne homophobe. « En refusant les gays (sic), beaucoup d’hommes hétérosexuels dénigrent en réalité quelque chose d’autre qui est indissociablement lié dans leur esprit à l’homosexualité masculine, à savoir la féminité », écrit Daniel Borillo dans l’excellent « Que sais-je? » sur L’Homophobie (numéro 3563, PUF, 2000, p. 98, c’est moi qui souligne).
Monsieur Borillo rappelle aussi que « l’homophobe se montre moins violent à l’égard des homosexuel/les qui répondent aux stéréotypes de la “folle” ou de la “camionneuse” qu’envers celles ou ceux qui n’affichent pas de signes clairs d’homosexualité. » (p. 98)

En fait, « les réactions les plus violentes de type phobique proviennent en général des personnes qui luttent contre leurs propres désirs homosexuels. » (p. 97)

C’est un phénomène bien connu, illustré nombre de fois par des preachers qui se font prendre à commettre les actes qu’ils reprochent sans cesse aux autres.

La construction hétérosexiste de la société est fragile, car elle ne repose sur rien de tangible sinon la procréation. Or, le comportement homosexuel n’a jamais empêché quelque homosexuel de faire des enfants s’il en voulait. Tout le monde connaît la recette et jamais personne ne s’en est privé.

Afin d’assurer cette domination hétérosexiste, il convient donc de discriminer les comportements qui semblent la contredire. Je cite encore Daniel Borillo : « le rappel constant à la supériorité biologique et morale des comportements hétérosexuels fait partie d’une stratégie politique de construction de la normalité sexuelle. » (p. 22)

La meilleure façon de rejeter l’autre est de se prétendre naturel et de croire que tous ceux qui dévient de cette norme ne sont pas naturels et doivent donc être discriminés. C’est un préjugé vieux comme le monde. Mais essayer en 2008, bientôt 2009, de nous faire croire qu’il n’y a pas d’homosexuels dans l’armée, dans la police, chez les pompiers ni chez les sportifs relève d’un déni infantile de la réalité. Il est bien clair toutefois que si l’on demandait à chacun des membres des Carabins de dire s’il est homosexuel ou pas, chacun dira « non ». Et je ferais pareil parce que je tiens à mon intégrité physique.

Autre détail de perception intéressant, toujours extrait du « Que sais-je? », dont je vous recommande fortement la lecture : « Beaucoup d’hommes qui assument un rôle actif dans la relation sexuelle avec d’autres hommes ne se considèrent pas comme homosexuels. » (p. 86)

Pour conclure, il faut reprendre l’assertion du demi défensif de l’équipe qui déclare à Quartier libre : « Moi, je suis homophobe en partant, donc si un gars était gai, ce ne serait sûrement plus mon ami.» Reprenez cette citation en remplaçant le mot homophobe par raciste et en remplaçant le mot gai par arabe, est-ce que vous la trouveriez acceptable? Rappelons que l’homophobie est tout aussi condamnable par la Charte des droits et libertés que le racisme.

Je dirai donc à ce jeune homme qu’il a fait un premier pas en avouant son problème : l’homophobie. Maintenant, il lui reste à passer à l’étape suivante : la thérapie afin d’être plus sûr de sa propre virilité, ce qui lui permettra de ne plus voir les homosexuels comme une menace.

Francis Lagacé, chargé de cours à l’Université de Montréal




8 décembre 2008

Le vote devrait-il être obligatoire?



Dans de nombreux pays, on se bat pour obtenir le droit de vote. On risque sa vie pour pouvoir l’exercer. On fait la queue pendant des heures pour avoir le droit d’exprimer son choix démocratique.

Chez nous, une forme d’indifférence ou d’apathie conduit de nombreux citoyens à bouder ce droit important qui est beaucoup plus qu’un simple geste, car il nécessite la prise d’information, la réflexion sur les enjeux, la discussion et la prise de décision.

En Belgique, un citoyen qui ne vote pas encourt une légère amende. En cas de récidive fréquente, il risque d’être exclu de toute charge publique. En Autriche, l’amende est élevée (de 400 à 700 euros). En Australie, la récidive peut conduire à la prison.

Une étude faite par Henry Milner au Québec en 2006 montrerait que les personnes obligées à voter ne s’informeraient pas davantage que les autres. Ces résultats peuvent être contestés parce que l’étude offrait une rémunération à la condition de voter. C’est une gratification conditionnelle et non une sanction. Il faudrait reproduire l’étude en infligeant une sanction à ceux qui ne votent pas. En effet, être privé d’une gratification (ne pas recevoir un surplus) n’est pas la même chose que de subir une perte (devoir débourser).

En tout état de cause, il convient de se demander comment nous responsabiliser davantage. On pourrait peut-être commencer par avoir un mode de scrutin proportionnel... D’autres mesures pourraient suivre. Nous avons le droit de participer au choix de nos dirigeants politiques, ce que tant d’autres nous envient, ce n’est pas en s’abstenant qu’on y fait honneur.




29 novembre 2008

À bas Harper!



Il est tout de même effarant d’entendre le premier ministre canadien dire que le parti qui gouverne doit être le choix de la majorité des Canadiens. Rappelons que le gouvernement conservateur n’a obtenu que le tiers des voix aux dernières élections. Les deux-tiers des Canadiens ne veulent pas des conservateurs au pouvoir.

Ce premier ministre anti-démocratique a dans son précédent mandat aboli le programme de contestation judiciaire, programme qui permettait aux citoyens de s’assurer que les lois canadiennes respectent la charte des droits et libertés.

Il a aussi réduit de manière considérable l’aide aux comités de condition féminine.

Maintenant, le voilà qui veut abolir le financement public des partis politiques. Or, ce financement public est la seule façon de permettre l’émergence de nouvelles idées et de répartir sur l’ensemble des citoyens la garantie de démocratie. Passons rapidement sur l’hypocrisie qui consiste à dire que le Parti conservateur reçoit un financement important des particuliers.

En plus, il voudrait retirer le droit de grève aux fonctionnaires!

Je préférerais nettement de nouvelles élections que d’avoir un gouvernement si peu préoccupé par la justice et la démocratie.

Monsieur Harper, vous voulez que le gouvernement soit celui que la population préfère? Instaurez donc le votre proportionnel! Sinon, démissionnez!




25 novembre 2008

Les adieux du président



C’était en novembre 2005. Quelques membres du conseil d’administration de l’Association des familles Lagacé-Lagassé inc. avaient insisté pour que j’assiste à cette rencontre qui serait cruciale pour son avenir. Les candidats à la présidence d’une association où tout le monde travaille bénévolement ne sont pas très nombreux. On sait ce que c’est. Tout le monde aime bien participer à la fête, mais les volontaires pour la préparer ou pour nettoyer après ne se bousculent pas au portillon.

Je me suis laissé tenté en prévenant bien les membres des contraintes qui me confrontaient : engagé socialement, militant des droits des gais et des lesbiennes, enseignant et écrivain, je n’aurais pas énormément de temps, et il faudrait que tous et chacun mettent l’épaule à la roue. Il y avait un grand événement qui s’en venait à Montréal, c’était les Outgames (jeux gais) ainsi que la Conférence internationale des droits qui l’accompagnait. Et j’étais parmi les organisateurs du volet Workers’ Out de cette conférence, c’est-à-dire la rencontre des travailleurs gais et lesbiennes syndiqués. J’en assumais la programmation, j’y préparais une communication, je présidais des ateliers et je devais assurer l’animation de la séance d’ouverture. Beaucoup de travail en vue qui ne me laissait pas une grande marge de manœuvre.

Mais les membres de l’Association ont fait preuve de détermination, de courage et d’esprit d’ouverture en élisant le premier président d’association de familles qui soit ouvertement gai, marié avec un homme, militant syndical, athée, féministe, socialiste et orphelin. C’est un avant-gardisme qui vous honore et dont vous pouvez être particulièrement fiers.

Il n’était pas facile de prendre la relève de Jean-Guy, qui travaillait tous les jours de la semaine à préparer le journal, à faire les suivis avec les membres, à leur transmettre les cartes d’adhésion, etc. Il était clair au départ que je ne pourrais accorder autant de ce temps dont je ne disposais pas. J’ai compensé autant que faire se peut en ne sollicitant jamais de remboursement pour mes activités (sauf l’inscription à deux colloques), que ce soit les déplacements en auto, les photocopies de matériel, les téléphones, les lettres ou quelque autre contribution. Je ne dis pas cela pour m’en plaindre, mais bien pour m’excuser du peu de temps que j’ai pu consacrer au travail me disant que cela a compensé ceci.

Nous avons brassé des idées et essayé de varier les approches pour susciter l’intérêt des membres. Si certains ont été déçus de la participation relativement faible aux retrouvailles récentes, il faut se rappeler que l’Association renaissait de ses cendres et que nous avions peu de ressources pour effectuer tout le travail. Nous avons vécu presque un an sans secrétariat. C’était loin d’être facile et ça n’a pas aidé les communications avec nos membres. Je puis dire, pour ma part, qu’étant donné les difficultés que nous avons affrontées, les retrouvailles de 2006 et celles de 2008 sont tout de même de bons succès. Aucune autre association n’aurait fait mieux dans les mêmes circonstances.

En 2007, la société historique de la ville de Madawaska nous a fait le cadeau de célébrer les familles Lagacé-Lagassé. Nous avons donc été invités à participer au Rassemblement des familles Lagacé-Lagassé d’Amérique du Nord dans le cadre du Festival acadien de Madawaska. Ce fut une très belle activité à laquelle plusieurs de nos membres ont participé. Je pense ici à nos cousins de Saint-Quentin, à nos cousins de la Gatineau, à un nouveau membre de Montréal, à quelques membres du conseil d’administration, puis à mes tantes de Québec et à mon oncle de Pohénégamook. Mes excuses pour les personnes que j’oublie. Nous n’étions pas une grosse foule du Québec, mais ceux qui ont pu faire le trajet (il faut tout de même compter que cela implique des dépenses) se sont donné la peine de le faire.

Nous avons essayé de favoriser les communications électroniques. C’est loin d’être évident parce que certains parmi nos membres les plus âgés restent réfractaires à ce mode de communication. Nous n’avions pas de site web à nous. Nous avons pu faire la réservation d’un nom de domaine, mais il nous manquait un webmestre. Le manque de membres jeunes se fait alors cruellement sentir quand il est question d’assurer notre visibilité sur le Web. Heureusement, lors de notre dernière assemblée générale, un nouveau membre s’est proposé pour inscrire du contenu sur notre site. Dès que le site sera fonctionnel, on vous transmettra ses coordonnées.

Aujourd’hui, nous voici devant la même question qu’en novembre 2005. Je n’ai pas sollicité de renouvellement de mandat parce que ce ne serait pas rendre service à l’Association de faire croire aux membres que j’ai le temps de m’en occuper. Quoi qu’il en soit, je tiens à remercier tous les membres de leur confiance au cours de ce mandat. Je tiens à remercier les membres du Conseil d’administration pour leur collaboration. Je tiens surtout à féliciter Danielle Lagacé pour les efforts qu’elle a fournis en acceptant de prolonger son mandat de trésorière d’une année pour me faciliter la tâche à la fin de mon mandat.

Merci à tous, gardez cette belle ouverture d’esprit et, peut-être, l’avenir nous réserve-t-il de belles surprises.

[Ce billet paraîtra dans le journal La Gâchette, l’organe d’information de l’Association des familles Lagacé-Lagassé inc., édition de décembre 2008, vol. 18 numéro 3.]




19 novembre 2008

Dérives de campagne



A)
Vendredi dernier, j’étais à Chicoutimi. Le journal quotidien de la région s’appelle très justement Le Quotidien. Que vois-je à la une de ce Quotidien en allant prendre mon petit déjeuner? Une grande photo d’une dame qui accueille chaleureusement Mario Dumont. Et le titre? « Mario inspire confiance ».

Je n’arrive pas à croire que l’on puisse faire une telle première page de nos jours. Ce n’est pas de la nouvelle, c’est de la publicité électorale. On n’est pas en page éditoriale. Une première page pareille devrait être comptabilisée dans les dépenses électorales.

B)
Samedi soir en me couchant avec mon tendre époux, je regarde brièvement les infos télévisées. Je me demande si c’est la fatigue ou quoi, mais je vois la juge Ruffo dans un événement de l’ADQ. La dame appuie les politiques familiales de l’ADQ. « Allez les femmes, à vos chaudrons! » Parce que s’égosille-t-elle : « L’État ne donne pas d’amour ».
Et les parents, eux, en donnent-ils?

D’ailleurs, la question n’est pas là. Certains enfants sont délivrés de leurs parents par la garderie, mais la majorité, s’ils s’ennuient un peu, apprennent surtout la vie en société et enrichissent leurs perceptions. Il est connu que les enfants qui ont une variété de stimuli sont plus éveillés et plus inventifs que ceux qui reçoivent toujours les mêmes.

Arrêtez de nous bassiner avec le droit des enfants à avoir un père et une mère. Je me répète, mais ça ne fera pas de tort : Un enfant n’a besoin ni d’un père ni d’une mère. Il a besoin qu’on lui fournisse l’aliment, la sécurité, l’hygiène, l’affection et l’éducation. Peu importe le nombre et le sexe des personnes qui les lui procurent, il se développera bien.

C)
Le Devoir d’aujourd’hui annonce les intentions de vote suivante : « Parti libéral 44% ; Parti Québécois 33% ; ADQ 15% ». Le plus inquiétant est qu’on prévoit que 37% des électeurs n’iront pas voter. Sous prétexte d’être «tannés» d’élections que personne ne désirait, plus du tiers des électeurs veulent boycotter le scrutin. Ils s‘imaginent en cela punir le gouvernement. Or, c’est tout le contraire. En n’allant pas voter, ils lui assurent une victoire majoritaire.

Quand on veut punir un gouvernement d’avoir déclencher des élections pour rien, on va voter et on va voter contre ce gouvernement. C’est la seule façon de bien se faire entendre.




11 novembre 2008

Bon sens et sens commun



Quand Voltaire écrivait ses contes philosophiques, il référait souvent au « sens commun ». L’expression était équivalente à ce qu’on entend en général aujourd’hui par « bon sens ». Pourtant, il faut bien se rendre compte que le bon sens n’est plus le sens commun.

En effet, si on se fiait au sens commun, on croirait toujours que la terre est plate. Le sens commun, c’est ce que tout le monde est à même de constater et c’est ce qui est tributaire de la tromperie des sens. Le bon sens, c’est ce qui résulte de l’interprétation rigoureuse de l’information afin d’en dégager la réalité la plus objectivement plausible.

D’ailleurs, avec les progrès de la logique, déjà les Grecs (les sophistes en particulier) mettaient leurs contemporains en garde contre le « sens commun ». À la doxa, le sens qui est correct et attendu, ils opposaient le paradoxe, le sens à côté de ce qui est attendu.

Je me méfie toujours quand les politiques font appel au « gros bon sens » parce que je sais très bien qu’ils font référence au sens commun dans lequel on tombe trop souvent. Le gros bon sens qui satisfait la masse des consommateurs a peu à voir avec le bon sens qui demande un peu de recul.

Ce sont des différences à méditer en cette période électorale où il s’en trouve pour claironner leur allégeance inconditionnelle au « gros bon sens ».




4 novembre 2008

La Croix et la Bannière


Je commence par la bannière.

Barack Obama deviendra président des États-Unis le 20 janvier prochain. Vu qu’il est sous une bannière une peu plus "libérale", nous pourrons souffler un peu. Mais la commande est grosse et les États-Unis restent les États-Unis. La guerre en Afghanistan va continuer. la religion restera un élément central de la culture états-unienne et le néolibéralisme ne reculera pas.

Nous pouvons fonder quelques espoirs, mais le risque d’être déçus est grand. En tout cas, ce sera mieux qu’avec le vieux fou de McCain et sa colistière à l’esprit léger.

La croix maintenant

La semaine dernière, je signalais le débat sur le crucifix dans les écoles en Italie. C’est du connu pour nous. Mais, qu’ai-je vu en allant visiter mon conjoint à l’hôpital? Un crucifix sur le mur de sa chambre. Révoltant qu’un édifice public, qui donne des services publics au nom de l’État, soit décoré de ce signe religieux. L’Empire chrétien se manifeste encore.




28 octobre 2008

Réflexions italiennes


Je rentre d’un séjour en Italie (principalement Rome, ce qui explique mon silence de 15 jours). Mon passage là-bas me suggère les réflexions suivantes.

1. L’empire chrétien

La visite de la basilique Saint-Pierre fait voir le caractère imposant, souverain et impérial de la religion catholique. Voir tant d’or et de puissance, outre l’émotion esthétique que les oeuvres d’art peuvent susciter, rappelle que, des trois grandes religions, la catholique est très certainement la plus monstrueuse par sa volonté d’en imposer, par son attitude dominatrice. Les papes aiment bien se coiffer du titre de Pontifex Maximus, dont ont bénéficié tous les empereurs romains en tant que fonctionnaires chargés de la surveillance des pratiques.

D’ailleurs, les papes ont longtemps été ceux qui confirmaient les empereurs d’Occident.

Difficile de demander de l’humilité de personnes qui vivent dans tant de faste.

2. Le libéralisme berlusconien

Ça va mal au pays de Berlusconi: grèves, manifestations, occupations d’université, etc. Devant les volontés du gouvernement Berlusconi de privatiser l’éducation, le milieu de l’enseignement s’est mobilisé. La réponse du gouvernement? On va envoyer la police pour sortir les étudiants qui occupent les universités.

Le porte-parole du Parti démocratique, Walter Veltroni, demandait justement publiquement: "Est-ce qu’il est encore possible de manifester sa dissidence dans ce pays?"

Quelques heureux slogans aperçus devant les écoles fermées ou occupées: "Hé, Berlusconi, moins de télé, plus d’école"; "Moins de police, plus de livres".

Berlusconi a aussi reconnu, tout à coup, que l’intervention de l’état était essentielle, quand il s’agit de sauver les banques. Formidable de la part d’un partisan du "moins d’état".

Les débats se ressemblent donc un peu partout dans le monde. Et la meilleure: J’ai vu et entendu un midi un débat sur la place des immigrants dans la société. L’un des participants au débat défendait le maintien des crucifix dans les écoles.

En se comparant ici, je ne sais pas si on doit se consoler ou se désoler.




9 octobre 2008

Critique de Les anges s’envolent par Paul Laurendeau


L’expérience est si simple et pourtant tellement inhabituelle. On fait jouer le disque compact de Doucet et on s’installe avec le recueil poétique de Lagacé sous les yeux. Trois titres chamarrent cette rhapsodie poétique de 114 pages: Ailes rognées, Ailes régénérées, Ailes déployées. À travers une poéticité libre et dépouillée, où perlent discrètement quelques clins d’œil à Trenet et à Brel (Il m’apporte des bonbons et des fleurs périssables – p. 103) se profile implacablement une narration. La narration sourde, à la fois ferme et ondoyante, d’un drame ourdi. La manipulation émotive, la tourmente lancinante du tourment lancinant, le paradoxe acide et destructeur du double message, les ragots faux jeton du visage à deux faces, l’autre, la manipe, la torture, la déroute, la révolte, la torture, la torture, la révolte, la révolte, la révolte. La plongée dans le gouffre innommable, pulpeux, onctueux, dégueu. On comprend, au fil du texte, que la parole syncopée encadre l’indicible. Et hors de tout doute, doucement et durement, cela avance, s’exprime, dénonce, se dit.

Puis, presque imperceptiblement, c’est la remontée, la reconstitution, la reconstruction, la rédemption. Son drame dominé au mieux, et de mieux en mieux, le poète s’affranchit, se libère. Il se décloisonne, s’épivarde, s’éblouit, s’envole. Il voyage, il se mondialise, il explore, il y va, il en vient, il réinvestit le bercail…

De temps en temps
Stockholm descend sur moi
Et je me prends
À la défendre

De temps à autre
Massada remonte en moi
Et je me prends
À faire silence

Des fois rarement
De plus en plus souvent
Montréal et moi
Nous nous prenons
À faire abstraction
(p.72)


La poésie et la musique (musique ET poésie doublement DE FOND) s’allient pour donner le fond du drame et de la rédemption qui nous investit et nous submerge. Musique, musicalité, poéticité, conceptualisation. Singulière triade, je ressens, je compatis, je pense. Le texte est dans tête, la musique est physique (Lucien Francoeur)... et la poésie est juste entre les deux. La triade: musique, poésie, pensée. Je souffre et m’affranchit, avec Lagacé, avec les trahis et les tourmentés du monde. Ils et elles ont tourné irrémédiablement le dos à leur statut hors sujet, hors thème, hors propos, faux, honni, nul, non avenu, de victime.

Pour la facette musicale, signée Doucet, en vrac, j’ai repensé à Pierre Henry, à Stockhausen, à Erik Satie, à Poulenc, à Ennio Morricone, à un copain musicien à moi mort récemment du nom de James Tenney et, en un fugitif moment, à Pink Floyd. Les plages 14 et 15 sublimement dominées par un piano rond, dense et ample m’on transporté. La tension d’accompagnement est juste, si juste. Musique de fond, dans les deux sens du terme.

Le tout se conclut, en un point d’orgue élevé, poignant et profondément rationnel, sur un court essai d’une page et demi intitulé simplement Postface. Sublimement mûr et lucide, Lagacé nous signale le caractère socio-historique de l’émergence de la pulsion tortionnaire et exprime sereinement son rejet d’une diabolisation individualisante de la génitrice du drame dont sa poésie est tragiquement lacérée. Cela inspire un grand respect… voué lui-même au plus décapant des relativismes…

Le respect est une couleur inconnue
Ornant un drapeau de vapeurs
Qui bat au vent des planètes
Où il n’y a pas d’atmosphère
(p. 18)


À lire. À écouter. À découvrir.

Francis Lagacé, Érick Doucet (2008), Les anges s’envolent (livre-disque), Les Écrits francs, Montréal, 118 p et un disque compact musical de 16 plages (64 minutes).





6 octobre 2008

Deux erreurs grossières



Décidément, regarder la télé après souper le dimanche a le don de faire monter ma pression. Regardant la fin de Tout le monde en parle, la grande messe médiatique, j’ai eu l’occasion de voir une publicité d’Héma-Québec sur les dons de sang.

Un personnage masculin se présente avec le bras gauche dénudé et tient à peu près le discours suivant : « Au bureau, tout le monde donne. Y ajuste Gendron qui donne pas. Y dit qu’y a pas de collecte dans son coin. Peut-être qu’y est un peu peureux, Gendron, hein? »

On a envie de hurler : « Hé, le gros colon! Peut-être qu’y est gai pi qu’y en a marre d’être ostracisé! » Avant de faire de la pub sociétale, Héma-Québec pourrait commencer par arrêter la discrimination inutile.

La deuxième erreur est apparue quand le cinéaste Philippe Falardeau s’est autoflagellé, et toute l’assistance montréalaise avec lui, sur la « montréalisation » de la culture. Quelle grosse couleuvre a-t-on avalée en intégrant le discours hargneux des radios poubelles de Québec. Croire qu’il y a montréalisation de la culture, c’est prendre la conséquence pour la cause.

Rappelons quelques faits :
1. La grande région de Montréal comporte plus de la moitié de la population du Québec. Il est donc normal qu’il s’y trouve plus d’activités culturelles.

2. Les autres régions ont des activités culturelles et ne se gênent pas pour en parler. Mais pour être tenus au courant, il faut s’y déplacer parce que les médias eux ne se dérangent pas.

3. Il n’y a pas de « montréalisation » de la culture ni de l’information. Il y a concentration de la presse et concentration des activités économiques entre quelques mains. Les propriétaires des chaînes de radio, de télé et de journaux n’embauchent pas assez de journalistes et ne cherchent pas à couvrir les activités qui ne touchent pas les vedettes. Résultat, ils diffusent ce qu’il y a à leur porte.
Ce n’est pas la faute aux Montréalais si les capitalistes qui possèdent les moyens d’information ne font aucun effort.
Est-ce qu’on parle de la maison d’édition Les Écrits francs dans les médias? On n’en parle pas, pourtant, c’est une activité de Montréal.
Est-ce qu’on parle beaucoup de Patrice Desbiens dans les journaux? Non. Ce poète franco-ontarien habite pourtant Montréal.
Il n’y a pas de « montréalisation »; il y a de la « pipolisation » (concentration sur les vedettes et non sur les artistes) et concentration des moyens de diffusion.

4. Finalement, dans tous les pays, il est normal que la ville capitale (celle qui a le plus d’habitants et le plus d’activités) accueille et produise plus d’activités culturelles que les autres villes parce qu’elle concentre des moyens de représentations (salles de spectacle, musées, galeries, etc.) et que les artistes, las d’être considérés comme des extra-terrestres dans leur petit village perdu, s’y rendent dans l’espoir d’un avenir meilleur ou à tout le moins d’un milieu plus tolérant.

Désolé pour tous les montrealbashers, il n’y a pas de méchant complot montréalais.





30 septembre 2008

Élections fédérales :
Lettre ouverte à ma marraine



Chère marraine,

Nous nous fréquentons un peu, pas autant que nous le voudrions. Toutefois, j’ai de l’affection pour vous et je crois comprendre que la réciproque est vraie. Si je rends publique cette lettre, c’est que je suis inquiet et perplexe devant votre choix électoral.

Vous me connaissez. Vous savez que j’ai épousé l’homme que j’aime. Vous savez que cela déplaît fondamentalement à la plupart des idéologues conservateurs. Vous savez aussi que s’ils prennent le pouvoir de façon majoritaire, ils risquent fort de nous retirer ce droit. Peut-être pas à moi qui l’ai déjà exercé, mais aux autres qui devraient pourtant être égaux en droits et libertés. Et pourtant, vous vous apprêtez à voter pour les conservateurs.

Je suis inquiet et perplexe, car ces droits que nous avons acquis, ils ont pu être discutés et soumis devant les cours parce qu’un programme de contestation judiciaire existait, parce que nous disposions d’un outil démocratique permettant aux citoyens de s’assurer que les lois sont conformes à la Charte. Or, vous vous apprêtez à voter pour un parti qui n’a rien eu de plus pressé que d’abolir ce programme.

Je suis inquiet et perplexe, car vous vous apprêtez à voter pour un parti qui a réduit au minimum les comités de condition féminine.

Comme moi, vous n’appréciez pas la mainmise de la religion sur la vie des gens. Pourtant, vous vous apprêtez à voter pour les conservateurs, dont les principaux artisans sont des intégristes chrétiens. Je suis inquiet et perplexe.

Vous trouvez sans doute que notre présence en Afghanistan est un gaspillage d’argent et surtout de vies humaines. Et pourtant, vous vous apprêtez à voter pour le Parti conservateur, un parti qui nous a entraînés dans des missions guerrières et qui a complètement rétréci le rôle de nos casques bleus. Je suis inquiet et perplexe.

Comme moi, vous trouvez épouvantable la voracité des banques et vous vous désolez des sinistres financiers dont sont responsables les excès capitalistes. Et pourtant, vous vous apprêtez à voter pour un parti qui favorise la déréglementation financière et fiscale, qui prêche le laisser-faire dans le marché. Or, c’est justement ce laisser-faire qui a entraîné la débâcle financière dont sont victimes tant d’États-uniens et dont nous subissons les contrecoups. Je suis inquiet et perplexe.

Avec d’autres, vous me direz que monsieur Harper a l’air de savoir où il va et qu’il faut des personnalités fermes pour diriger le pays. Il est clair qu’il sait où il va. Il va dans ces directions que j’ai mentionnées dans les paragraphes précédents. Il a fait des choix contraires à nos intérêts communs. Par ailleurs, n’avons-nous pas eu assez de personnalités fermes dans le passé, qui nous ont conduits d’une main de fer pour nous maintenir dans l’ignorance et la misère?

Monsieur Harper prétend s’occuper du vrai monde et des gens ordinaires. C’est pourquoi il méprise les artistes. Savez-vous, chère marraine, que mes droits d’auteur comme écrivain suffisent tout juste à payer ma cotisation à l’Union des écrivains, laquelle n’est pas très élevée? Et pourquoi donc, ce monsieur qui s’occupe du « vrai monde » favorise-t-il les tranches les plus riches de la population? Une baisse de taxe de 1% ne change pas grand-chose pour un consommateur ordinaire, mais pour les gros acheteurs, c’est une économie qui s’applique souvent. Un pour cent de mille dollars, ce n’est que dix dollars; un pour cent de un million, c’est dix mille dollars. Je suis inquiet et perplexe.

Croyez-vous comme moi que nous devrions laisser aux générations qui viennent une planète où il fera bon vivre? Vous savez que les gaz à effet de serre sont responsables des perturbations climatiques. Et pourtant, vous vous apprêtez à voter pour un gouvernement qui ferme les yeux devant le désastre et ne respecte pas l’accord de Kyoto.

Chère marraine, je suis inquiet et je suis perplexe. Si nous partageons les mêmes valeurs, comment se fait-il que vous votiez pour des gens qui les rejettent avec tant de légèreté? Au lendemain des élections, lorsque plus rien ne les empêchera d’appliquer leur idéologie individualiste, lorsqu’il leur sera aisé de faire reculer le pays en matière de paix, de droits du travail, de droits des minorités, de droits des femmes, d’environnement, de culture, de justice sociale, quel appui pourrez-vous me donner, vous qui aurez voté pour eux?

Mon conjoint et moi sommes inquiets. Nous sommes inquiets et nous sommes perplexes, car nous cherchons l’espoir et ne le voyons pas chez ceux-là même qui devraient comprendre. Nous vous gardons notre affection, mais nous sommes tristes de vous voir foncer dans le piège que les conservateurs vous tendent.

Nous sommes perplexes, et tristes.



22 septembre 2008

L’actualité de l’esclavage



J’ai lu la semaine dernière Mémoires d’un esclave de Frederick Douglass paru chez Lux éditeur en 2007. Il s’agit d’un ouvrage essentiel que tout le monde devrait lire pour comprendre l’importance de la liberté de tous les êtres humains et la nécessité de la lutte. En exergue, les traducteurs et présentateurs du texte, Normand Baillargeon et Chantal Santerre, ont placé une citation dont voici un extrait : « Là où il n’y a pas de lutte, il n’y a pas de progrès. » Citation toujours d’actualité.

Cette autobiographie nous montre à quel point l’éducation et l’apprentissage de la lecture sont essentielles pour combattre la sujétion. Cela s’appliquait bien sûr à des esclaves tenus en laisse au dix-neuvième siècle, mais il faut savoir qu’aujourd’hui encore des enfants sont utilisés comme esclaves dans de nombreux pays et que des travailleurs sont maintenus dans l’ignorance pour éviter qu’ils ne se révoltent.

Un autre aspect important de cet ouvrage est l’illustration que les oppresseurs utilisent la religion comme outil pour asservir les autres. Bien que Douglass soit resté chrétien, il a très justement vu à quel point les chrétiens des États-Unis d’alors n’étaient que des hypocrites. Je cite un court extrait de la page 140 : « Chez nous, des voleurs d’hommes sont ministres du culte; des batteurs de femmes sont millionnaires; des pilleurs de berceaux sont membres de l’Église. »

Comme quoi la religion n’a jamais été un obstacle aux pires des crimes.





12 septembre 2008

Turcotte et l’ordre du Canada


Monseigneur Jean-Claude Turcotte a bien fait de retourner son insigne de l’ordre du Canada. En effet, il ne mérite pas un tel honneur.

C’est bien que l’ordre soit réservé à des gens qui ont fait quelque chose d’utile, comme le docteur Henry Morgentaler.




9 septembre 2008

Foncer dans le mur



Pendant que les républicains états-uniens plastronnent avec la colistière Sarah « Appallin », les conservateurs canadiens continuent leur fuite en avant avec la promotion d’idées simples pour ne pas dire simplistes.

Le plus triste est que tous les commentateurs médiatiques, y compris dans le Devoir et à Radio-Canada, vantent cette capacité à simplifier les enjeux et à les réduire à rien. La population aime qu’on la traite en enfant?

Il n’y a pourtant aucune solution simple à des situations complexes. Je ne veux pas qu’un candidat vienne me promettre que ce sera facile. Je ne veux pas qu’on me raconte qu’il y a des solutions qui vont faire revenir la croissance. La croissance ne peut pas être un objectif en soi. C’est comme si on promettait à un enfant qu’il grandira toujours. Un peu de réalisme peut-être?

Ce que les conservateurs nous préparent, qu’ils en soient conscients ou non, ce sont des lendemains très difficiles au points de vue environnemental, économique, social et culturel. Pour un exposé détaillé des raisons de ne pas voter conservateur voyez le bilan fort intéressant dressé par le Mouvement d’éducation populaire et d’action communautaire du Québec (MÉPACQ) sur le site de Presse-toi à gauche: Dossier noir des conservateurs.

Les gens qui voteront conservateur ne voteront pas pour leurs propres intérêts comme le disait gentiment M. Harper, mais bien contre leur propre avenir. Il suffit d’y réfléchir une minute, et surtout d’oublier les solutions simplistes. Je préfère les candidats qui me prennent pour un adulte et m’exposent la complexité de la réalité.

Le 14 octobre 2008 nous verrons si la société canadienne a envie de s’améliorer ou de foncer dans le mur.




2 septembre 2008

L’âge dort vraiment



Le 7 avril 2008, j’écrivais le billet Si l’âge dort, réveillez-le! J’y proposais à la Fadoq de servir de chroniqueur mouton noir afin d’offrir une vue un peu plus alternative à la conception un peu traditionnelle du groupe ciblé par cette appellation d’ « âge d’or ». J’y parlais aussi de l’absence remarquable dans tout ce qui concerne la Fadoq de ce qui n’est pas blanc, hétérosexuel, francophone et catholique. J’interpellais le président à partir de son propre éditorial où il appelait à opérer « les remises en question qui permettront à l’association d’aller plus loin ».

Que la Fadoq ne daigne pas publier mon texte, cela n’est pas grave. Qu’elle ne daigne pas y donner suite dans ses activités, ça pourrait se comprendre si on en connaissait les motifs. Mais qu’elle ne tente même pas la moindre réponse ni par lettre ni par courriel, c’est une indifférence qui en dit long sur le manque d’ouverture à la discussion.

Je profite de ce message pour faire écho au numéro d’été de Virage, le magazine de la Fadoq, où la rédactrice en chef parle en page 6 de la possibilité pour les gens de se mobiliser quand les causes leur tiennent à cœur (elle faisait référence alors à l’Opération Enfant Soleil). Mais les interventions ponctuelles ne suffisent pas. Une approche collective des problèmes sociaux est nécessaire, et ce n’est pas parce qu’on vieillit qu’on s’en désintéresse, bien au contraire.

Pourtant, à lire le magazine en son état actuel, on a l’impression que les membres de la Fadoq sont de charmants petits hédonistes uniquement préoccupés de questions consuméristes. Que sont devenus les baby-boomers contestataires? Ils font tous partie du public cible de la Fadoq. Ça serait bien qu’ils se retrouvent dans des articles un peu plus engagés et plus ouverts à la diversité.

Ce serait bien que ces contestataires, qui ne sont pas tous endormis, se présentent dans vos instances et vous rappellent qu’il y a autre chose que le bien-être personnel dans la vie. On ne veut pas seulement rester en forme et faire du bénévolat local. Il faut aussi se prononcer sur des enjeux sociaux; il faut aussi faire la promotion de la diversité dans les réseaux de personnes âgés; il faut montrer notre solidarité avec les jeunes; il faut quantité de choses dont celle-ci : ouvrir tout grands les placards pour que tous ceux qui veulent en sortir le fassent.

Votre mouton noir préféré qui vous dit : « Debout là-dedans! »




24 août 2008

J’ai des amis zétés, vous savez



La réplique de M. Beaudry(1) à mon commentaire(2), et à ceux de quelques autres, sur sa chronique du 21 août 2008(3) est encore plus affligeante que le texte d’origine. Disparu le fond du sujet selon lequel c’est une disgrâce pour un club de hockey de s’associer aux gais et lesbiennes. Disparu le commentaire selon lequel les Canadiens sont devenus si mauvais qu’on peut les dénigrer avec l’insulte la plus injurieuse « Gay Habs gay », c’était pourtant le titre de l’article.

Tous les experts en rhétorique (et en psychologie !) vous le diront : lorsque votre interlocuteur sait qu’il a tort, il ne vous répondra que sur l’accessoire et évacuera le principal. Alors, le bon monsieur veut qu’on oublie, car il n’est pas méchant. D’ailleurs il a des amis gais.

Mais, mon pauvre M. Beaudry, les racistes et les homophobes ne sont pas des personnes méchantes. Elles sont certaines de leur bon droit. Elles ne font que reproduire des systèmes de pensée (l’hétérosexisme dans le cas qui nous occupe) qui hiérarchisent les gens selon leur valeur supposée. L’homophobie n’est pas une affaire de gentillesse ou de méchanceté individuelle. C’est une affaire d’idéologie. Je sais, vous n’aimez pas les analyses sociales.

Refuser de prendre une distance critique par rapport à son agir est très certainement le meilleur moyen de conserver une pensée étriquée et de perpétuer les systèmes de pensée oppresseurs. Ce n’est pas de la méchanceté, mais ça devient de l’incurie quand on est mis face à ses erreurs et qu’on refuse de les voir.

À moins que je n’adopte la réaction que m’a suggérée un ami à propos de l’homosexualité refoulée des homophobes. Je le cite : « J’appuie ma main sur leur épaule en leur disant que ce n’est pas amusant d’être dans le placard et de souffrir de ne pas s’accepter. J’enchaîne en leur disant que s’ils me dévoilent être homosexuels je continuerai à les respecter. »

Quant à la fameuse expression « J’ai des amis qui sont gais », je ne saurais l’entendre sans frémir. Elle me rappelle trop une phrase que les fascistes répétaient dans les années 30 et 40, croyant se dédouaner de leur ignorance. La plupart n’étaient pas vraiment méchants, ils adhéraient juste à un système de pensée qui hiérarchisait les gens. Un certain J.-M. L. le répète aussi sur toutes les tribunes en France : « J’ai des amis qui sont juifs. »


1. « Qui dit vrai ? » dans Le Journal de Montréal du samedi 23 août 2008, p. 4.
2. Sus aux homophobes ! (billet comique), www.francislagace.org/billet.php?section=2007-2009#sujet72
3. « Gay habs gay » dans Le Journal de Montréal du jeudi 21 août 2008, p. 4.






21 août 2008

Sus aux homophobes!

(billet comique)


Aujourd’hui, 21 août 2008, dans le Journal de Montréal en page 4, Michel Beaudry nous offre une chronique particulièrement zétée (1). Si on comprend bien la bouillie servie par le chroniqueur, le fait pour les Canadiens de Montréal de déléguer des représentants au défilé de la Fierté gaie constitue un déshonneur attribuable à la manie du marketing. Quelle honte et quelle chute sociale !

Ah, j’oubliais, il est indiqué dans cette chronique qu’il s’agit « d’humour ». C’est sans doute ce qui autorise à répandre les préjugés selon lesquels les gais ne pensent qu’à « ça ». Chacun sait que les hétéros, eux, ne pensent jamais à « ça ».

À lire des chroniques comme celles de monsieur Beaudry, on comprend pourquoi les homosexuels qui font partie des Canadiens de Montréal (oui, il y en a chez les Canadiens, il y en a dans toutes les équipes et il y en a parmi les spectateurs) refusent absolument de sortir du placard. Tant qu’il y aura des abrutis pour croire que le sport est réservé aux zétés, les homosexuels continueront à se cacher. Et les jeunes qui rêvent de faire carrière continueront à être malheureux, à déprimer et, pour certains, à se suicider. Comme c’est drôle !

Ça me rappelle un de mes amis qui me disait : « On dit pas qu’on est fiers d’être hétéros, nous ! » Je lui avais répondu : Non, y a vraiment pas de quoi être fiers, de nous avoir discriminés et maltraités pendant des siècles. Par contre, nous avons diantrement raison d’être fiers d’avoir survécu à toutes les brimades de la société et au harcèlement acharné auquel nous faisons face dans les écoles. Je vous ferais remarquer en passant que les garçons hétéros sont aussi victimes de l’homophobie dans les cours de récréation.

Et les clichés sur les tutus, ça commence à bien faire ! Il y a autant de variété dans la communauté gaie (c’est comme ça qu’on l’écrit au Québec) que dans le reste de la société. Pour faire dans les clichés, je vous dirai que j’hésite à aller dans une soirée où il n’y a que des hétéros, étant donné qu’au lieu de se dire des mots gentils quand ils sont contents, ils se donnent des tapes sur la gueule. C’est bien ça, n’est-ce pas ?

Je ne suis pas hétérophobe, mais, il faut pas qu’y m’achalent avec ça. Vous comprenez, moi, les hétéros qui arrêtent pas de parler de ça, ça me dégoûte. C’est pas de leur faute, si y sont de même, mais y sont pas obligés de nous en parler.

J’espère que mon billet vous aura fait rire. En tout cas, moi si zété vous, Monsieur Beaudry (c’est un calembour), j’y repenserais avant de me prendre pour un humoriste.

(1) Dans le roman Rose ? Vert ? Noir ! (Les Écrits francs s. a., 2007), zété est le sobriquet infamant dont on affuble les hétérosexuels. L’adjectif en est dérivé. On se moque des zétés et on leur attribue toutes sortes d’étranges manies.






19 août 2008

Nos voisins du Sud


Quand j’étais petit, on référait aux États-uniens par cette expression à laquelle on ajoutait souvent «Nos amis». L’influence de ce pays immense et l’identification au mode de vie de ses habitants n’a rien de nouveau. Il suffit de se rappeler l’hémorragie de Québécois qui ont quitté des terres ingrates et des lots étroits pour gagner leur vie dans les manufactures de la Nouvelle-Angleterre à la fin du XIXe siècle. Pas grand-monde qui n’ait eu son « oncle des États ».

C’est même de cette émigration qu’est issu le fameux Jack Kerouac.

Mon propos aujourd’hui est toutefois un peu plus anecdotique, mais se veut en même temps révélateur de certaines limites à la « parenté » que nous avons avec ces voisins. Enfin, j’espère que ce sont toujours des éléments qui nous distinguent.

J’arrive d’un séjour à San Diego. Le pays est magnifique, il n’y pleut presque jamais, et les gens sont tous charmants. Mais, outre ces éléments qui frappent à prime abord, la lecture des journaux m’a confirmé que je ne voudrais pour rien au monde vivre dans ce pays-là.

En une du USA Today du vendredi 8 août, un article avise que le ministère du Transport étudie la possibilité d’interdire les armes à feu dans les aéroports. Je croyais rêver. On ne peut même pas emporter une bouteille d’eau dans les avions, mais on peut se promener avec un fusil chargé dans un aéroport! D’ailleurs l’opposition est vive, on fait valoir qu’une personne qui rentre tard se sentira rassurée de se rendre au garage avec un fusil dans sa voiture.

Moi, c’est qu’on puisse penser de cette façon qui ne me rassure pas du tout.

Deuxième fait vu dans le journal et à la télé : le grand sujet de préoccupation qui faisait la joie des tribunes téléphoniques et des éditoriaux était les aveux de John Edwards, ancien candidat à la candidature pour les démocrates, comme quoi il avait été infidèle à sa femme. Le bonhomme n’est plus candidat, la question est une affaire privée, et voilà qu’on en discute sur toutes les tribunes publiques. Mais quel en est l’intérêt? J’avoue ne pas comprendre.

Espérons seulement que ces traits si distinctifs de nos voisins du Sud ne passeront pas chez nous.






1er août 2008

Francis au pays des grands fauves


Le titre de ce billet est un peu trompeur. Il rappelle un livre paru en 1965 ; l’auteure en était Jeannette M. Fievet. Le livre, récit pour faire rêver à l’Afrique, a été le prétexte d’une série télévisée peu de temps après (1967). J’enviais ce garçon, parti à la découverte d’un monde fascinant.

Le lien entre ce titre et le petit divertimento d’aujourd’hui ? C’est l’été et il m’a semblé, plutôt que de refaire une poussée d’urticaire sur l’abus des faits divers scabreux, qu’une petite réflexion sur l’art de l’observation serait bienvenue.

Ce qui m’est arrivé est bien plus banal que la rencontre des éléphants ou des félins africains. J’allais cueillir des feuilles de basilic sur la galerie quand j’ai vu, dans l’un des plants, un gros corps noir avec des pattes velues. Était-ce une tarentule ? Il n’y en a pas au Québec, il me semble.

Après un premier mouvement de recul, j’essaie de contourner le plant pour apercevoir la partie antérieure de la bête. Je découvre alors qu’il s’agit d’un bourdon. Un bourdon plus gros que tous ceux que j’avais jamais vus de toute ma vie. Beaucoup plus gros qu’un jaune d’œuf !

La « bébitte » était en train de sucer la sève d’une feuille de basilic. J’ai remarqué tout autour des feuilles noircies. Depuis quelques jours d’ailleurs, je trouvais des feuilles dont les bords étaient noircis ou des feuilles plus petites complètement fanées et noircies.

Je donnai une pichenette au volatile qui tomba sur le dos et se débattit mollement. L’animal était complètement saoul, absolument incapable de voler. Il se releva péniblement en se raccrochant à la tige du basilic ; il agrippa une nouvelle feuille de ses mandibules et se remit à sucer goulûment.

Une nouvelle pichenette le fit chuter en bas de la galerie. J’ignore quel fut son destin par la suite : s’il dégrisa et put se remettre à voler, s’il périt dans la gueule d’un oiseau ou tout simplement par intoxication à l’huile essentielle de basilic. Je retournai à ma salade.

Et depuis, les feuilles de basilic ne noircissent plus. Était-ce le seul bourdon à avoir découvert les propriétés enivrantes de cette labiacée ?

Cette petite scène, peut-être insignifiante pour vous, me paraît un moment extraordinaire de découverte. J’ignorais que le bourdon pouvait se saouler au basilic. Que de choses fascinantes n’apprend-on pas à observer la nature ! Activité que nous avons de moins en moins le temps de pratiquer dans notre monde technologique. Pas une once de nostalgie ici ! Il ne s’agit pas de regretter le bon vieux temps et encore moins de rejeter la technologie. D’ailleurs, cet événement s’est produit en ville. J’étais dans ma métropole adorée et j’ai pu observer la nature.

On peut donc combiner l’observation patiente et le recours aux technologies ou passer de l’une à l’autre. Le plaisir d’apprendre des notions qui ne rapportent rien est irremplaçable. Que serait la vie sans l’art et ces autres petits riens qui ne sont pas immédiatement utiles ?

Une petite pause
Je prends congé de billet pour quelques semaines et serai de retour vers la mi-août. À moins qu’un aléa de la vie ne stimule mon indignation ou un irrépressible besoin de partager ma réflexion... Reposez-vous bien!






25 juillet 2008

Aujourd’hui, je cède la parole à un fidèle lecteur, Bruno Lagacé d’Ottawa, sans lien de parenté, qui a écrit ce texte à la suite de mon dernier billet.

L’Église catholique, (saint) Paul et l’homosexualité


L’Église chrétienne n’est pas l’Église du Christ comme « sa sainteté » le pape voudrait nous laisser croire. L’Église chrétienne est l’église de celui qu’Elle appelle « saint Paul », un homophobe notoire. Tout catholique qui renie saint Paul et ne suit pas ses préceptes est considéré par cette même « sainteté », hors de l’Église. Or tout le monde (catholique) sait que « hors de l’Église, point de salut ».

Je ne suis donc certainement pas catholique, car je considère ce Paul comme un intrus dans la vie des êtres humains sur la terre, un intrus qui, grâce à « l’Église une, sainte, catholique et apostolique », nous a fait vivre sous son joug pendant 2000 ans. Celui qui a vécu au temps de Jésus (l’Église célèbre son 2000e anniversaire de naissance cette année), qui n’a jamais rencontré Jésus et que l’on juche sur un piédestal comme étant l’homme de Dieu « qui a reçu la révélation », a usurpé la place de Dieu lui-même, ce Dieu qui est venu sur la terre, disons-nous, sous la forme d’un homme.

Celui qui se nomme Paul est un romain qui a été inspiré, semble-t-il, par l’Ancien Testament. Alors que Jésus est venu nous dire qu’il était venu nous apporter un « monde nouveau », Paul nous a replongés dans les délires des temps anciens, temps si anciens qu’ils remontent au début de la révélation de Dieu à l’Homme, soit, au temps d’Abraham et de Loth (le contemporain d’Abraham et le chef d’une tribu d’Israël voisine), au temps des adorateurs d’idoles et des sanctions de Dieu contre ces païens.

Dans l’Église catholique, Paul prend préséance sur Jésus (Dieu) pour nous dire que la vie d’un homosexuel est condamnable, en se basant sur l’histoire de Loth.

Jésus, de son côté, tout au long de quatre récits d’Évangile selon Mathieu, Marc, Luc et Jean, n’a jamais une seule fois fait mention d’homosexualité, ni de l’attirance de certains hommes pour leur propre sexe. C’est que, de toute évidence, Dieu lui-même n’était pas concerné par l’homosexualité. Même l’Évangile selon Thomas, qui est le plus beau et le plus authentique récit de ce que Jésus nous a révélé, à mon avis, ne fait nulle part mention d’homosexualité.

L’Église catholique, qui n’est en fin de compte qu’une machine à soumettre l’homme au pouvoir de ceux qui se sont hissés là-haut sur leur propre piédestal au détriment de l’évolution de l’homme vers une réelle conscience de ce qu’est l’esprit qui l’habite, n’est qu’un jeu de pouvoir qui a atteint son apogée au temps des rois et des empereurs. Que de souffrances se sont ensuivies au coeur des hommes (et des femmes - Paul était aussi un misogyne notoire) pour faire régner une supercherie.

« Faire régner une supercherie? » vous me dites. La voici et elle concerne l’homosexualité. (Un homosexuel est une personne qui ne sent aucune attirance pour le sexe opposé, et qui, par sa nature innée, tel qu’il a été créé, est attirée par une personne du même sexe.)

L’homophobie de (saint) Paul est basée sur l’histoire de Loth, qui est l’histoire d’une tentative de sodomie sur des visiteurs étrangers contre leur gré, ce qui n’est pas une histoire d’homosexuels mais une histoire de viol. Même aujourd’hui, quelqu’un qui fait une tentative de viol est condamné, dans la plupart des pays du monde, à la prison. Si le viol d’un homme par un autre homme est commis dans ma société ici au Canada, ce viol est considéré comme un crime et est punissable soit par une peine d’emprisonnement d’au moins cinq ans, soit par une peine d’emprisonnement à perpétuité si l’accusé est jugé danger public, c’est-à-dire susceptible de récidiver.

Voilà pour l’histoire de Loth et l’enseignement de Paul : l’histoire de quelques hommes qui se sont présentés chez Loth pour commettre ce qui était considéré comme un crime en ce temps-là et qui est toujours considéré comme un crime aujourd’hui dans toute société civilisée.

Oui, et « régner » est bien le terme approprié, car « sa sainteté » ne règne-t-il pas sur cette Église, avec tous les accoutrements désuets d’un roi?

Bruno Lagacé, Ottawa




20 juillet 2008

Refusez les excuses du pape!



En visite en Australie, le pape Benoît XVI fait des excuses à toutes les victimes de pédophilie aux mains de prêtres catholiques dans les pensionnats. C’est le même Benoît XVI qui invitait, il y a quelques semaines, sur grand écran lors du Congrès eucharistique de Québec « les jeunes garçons » à se joindre aux vocations chrétiennes en leur promettant, de sa voix onctueuse et roucoulante typique, qu’ils ne le regretteraient pas.

Tant d’hypocrisie lève le cœur. Ces excuses ne sont que des paravents pour une Institution qui a toujours protégé les pédophiles et qui continue à le faire tout en tenant des discours vides et inutiles.

Voici les arguments qui soutiennent mon propos :

1. L’Église catholique est une institution patriarcale et hiérarchique qui valorise l’autorité et la suprématie mâle. Or, l’agression sexuelle, et plus spécialement la pédophilie, avant d’être une activité sexuelle est d’abord et surtout un abus de pouvoir. Des êtres narcissiques utilisent les enfants comme objets pour nourrir leur illusion d’un ego pur et éternellement jeune. Toute structure hiérarchique rigide qui voue un culte à l’autorité arbitraire favorise ces abus.

2. L’Église catholique rejette les femmes et les homosexuels. En même temps qu’elle prétend condamner la pédophilie, elle met de côté plus de la moitié de l’humanité et s’acharne contre les homosexuels en espérant détourner l’attention de ses propres failles.

3. Pour éviter les comportements pédophiles, l’Église catholique instaure des procédures qui viseraient à éliminer les candidats homosexuels à la prêtrise. Elle opère volontairement une confusion parfaitement odieuse entre homosexualité et pédophilie. Elle rejette ses propres fautes sur les autres. La pédophilie n’ayant rien à voir avec l’homosexualité, elle ne fait donc rien pour prévenir la première et elle continue à s’acharner contre la seconde.

4. Tous ces cardinaux et évêques qui se comportent encore en princes, et leur leader en tête, prétendent nous mettre en garde contre les illusions du narcissisme. Pourraient-ils cesser de jouer les vedettes? Pourraient-ils favoriser la démocratie dans leurs rangs?

Décidément, l’Église et son chef n’ont pas changé : « Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. »

Vous pouvez être croyants si vous voulez, mais au moins ne soyez pas crédules.






14 juillet 2008

La désinformation économique



Certains chantres de l’économie néolibérale profitent de la tribune qu’ils occupent pour faire des déclarations complètement illogiques avec l’assurance des croyants. Comme le disait Voltaire, « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. » Et l’œuvre de désinformation s’accomplit.

J’aimerais ici m’attaquer à deux énormités que j’ai eu l’occasion de lire récemment. Je ne nommerai pas leur auteur pour ne pas m’en prendre à sa personne. Ce qui m’intéresse, ce sont les idées.

1. Les spéculateurs

Je croyais rêver quand j’ai lu quelque part qu’il fallait apprécier le rôle important que jouent les spéculateurs. On se demande bien lequel à part celui de faire gonfler artificiellement les prix.

Le même auteur disait qu’il fallait bien récompenser les spéculateurs pour les risques énormes qu’ils prennent. Doit-on récompenser et admirer les gens qui liquident leurs économies au casino? Si vous pariez un million de dollars que vous pouvez traverser la rue les yeux fermés sans vous faire frapper, est-ce que je dois vous féliciter pour avoir pris un risque?

Les spéculateurs prennent volontairement des risques insensés dont toute la société paie le prix. Il n’y a là rien de louable.

2. Les revenus sont proportionnels à la productivité des individus

Les revenus des riches sont plus importants quand leurs employés sont plus productifs, mais ça ne garantit pas qu’ils payeront mieux ces derniers.

Dans une récente allocution au Conseil confédéral de la CSN le 11 juin 2008, la présidente, Claudette Carbonneau, rappelait que, si la richesse avait doublé dans le dernier quart de siècle, le pouvoir d’achat du travailleur moyen au Canada n’avait augmenté que de 53 $. Les revenus de la classe supérieure des travailleurs ont augmenté de 16 % et ceux de la classe inférieure ont diminué de 20 %.

Plus enrageant encore a été pour moi de lire la proposition suivante : si on n’est pas satisfait de son salaire, on n’a qu’à travailler deux fois plus, ça le fera doubler. Si vous travaillez dans une usine et que vous allez deux fois plus vite, soit vous vous blesserez, soit vous tomberez malade, mais votre salaire ne changera pas.

Si vous travaillez chez McDonalds, pensez-vous que vous pourrez servir deux fois plus de clients dans le même temps? Pensez-vous que ça va améliorer votre salaire?

Si on met deux fois plus d’étudiants dans ma classe, est-ce que ça va changer mon taux de rémunération?

Une pareille suggestion n’a pas d’autre effet que de culpabiliser les gens les moins bien rémunérés. Qui peut l’appliquer sinon des professionnels rétribués à l’acte qui peuvent décider d’accorder moins de temps à leur client pour encaisser plus. Sacrée bonne idée!

Il y a tout de même des limites à défier la logique.





7 juillet 2008

Deux pour un

Le duo Doucet Lagacé vous propose

Le 4 juillet, propriété exclusive de Tom Cruise et d’Oliver Stone?

ET

Compassion ou sadisme ?



Je ne suis certainement pas le seul à m’informer chaque jour que « Dieu crée » sur l’avenir politique états-unien. « Personne n’échappe à la gravité », comme le dit si bien mon ami Brian Molko.

Ne riez pas… Les champions de la liberté ont encore à nous apprendre. Aux États-Unis, les mots interracial et métis, l’idée d’un peuple construit par la force de sa pluralité ethnique et culturelle ne sont pas que notions abstraites. Et pourtant, quelque 45 ans après la mort de notre JFK instrumentalisé à ne plus savoir qu’en penser, un jeune homme nous martèle avec son désir de changement. Ce désir de changement, qui peut lever la main et déclarer sans rigoler qu’il n’est pas justifié?

Les USA représentent à ce jour —j’omets volontairement les démocraties/monarchies représentatives— le système démocratique (le plus efficace en durée) le plus fidèle et le plus juste qu’il est permis d’espérer. Je vois les dents des cyniques riant à pleine bouche devant mes propos, mais où dans le monde pouvons-nous espérer qu’un levier politique renverse les débâcles militaires actuelles? En Allemagne, en Turquie ou en Slovénie? Fadaise! Qui d’autres que ceux-là même qui ont créé le problème sont en meilleure position pour le solutionner?

Non. La seule réponse forte pourrait venir de la toute nouvelle Russie construite par monseigneur Poutine, mais que fera-t-il lorsque ses oligarques auront traversé l’océan pour le pays du Big Mac et du silicone cancérigène? Et surtout, que fera-t-il, M. Poutine, lorsque M. Obama vendra à rabais les stocks d’armes U.S. Army désuètes qui figurent en première page du catalogue que nos amis Caucasiens vendent à prix d’or à la Chine, à la Corée, au Vézénuela, etc.?

Cela est une autre histoire… Plus près de chez nous maintenant : que fera Harper avec ses torchons antigais et anti-avortement devant un noir (Holy shit, ai-je dit le mot?), et encore plus près de chez nous, jusqu’où sera prêt à aller notre Dumont national (Filion???) avec son rapport Castonguay endossé comme un chèque en blanc? Au Vermont, le système de santé est gratuit pour les moins de 18 ans. C’est un début.

Quelque chose me dit qu’on révisera les grandes lignes des partis au pouvoir en notre pays castorisé et drogué à la feuille d’érable lorsque nous célébrons la confédération, alors que nous vivons en fédérations, et que dire aux buveurs de Bleue Dry que la fête nationale est en fait une fête provinciale? À ce que je sache, nous n’avons pas encore obtenu l’indépendance! [Note de la rédaction : C’est le sens anglo-saxon de nation. En français, une nation n’a pas besoin d’avoir un état indépendant. Exemples : la nation arménienne, la nation acadienne, les nations cries et innus, etc.]

Où sont Oliver Stone et Tom Cruise dans ce billet? À la fin bien sûr! M. Stone, avec tout le respect que je lui dois, est resté prisonnier entre deux briques du WTC, et M. Cruise devrait pour une fois laisser la parole aux dames, quitte à danser en permanence sur les sofas d’Oprah, pour que la plus belle des femmes de ce monde (ceci est un billet, ne l’oublions pas) soit libre de chanter Tom Waits et d’accompagner le premier candidat mixte-noir-blanc-métis-interracial-catholique-musulman-coureur de jupons-patriote-et surtout humain, dans cette Amérique pourrie par le cash flow indécent et immortel du lobbying.

Avec un sourire éclatant d’innocence, je vous dis en bon français : Yes, we can!

Érick Doucet


Compassion ou sadisme?


Une pensée bouddhiste dit : « Le saint ne laisse pas de nom. » J’ai toujours cru qu’une personne vraiment « sainte », c’est-à-dire bonne et désintéressée ne pouvait pas être connue. Sinon, il y entre une part de narcissisme et de complaisance suspecte.

Méfiez-vous des abbés Pierre et des mères Teresa qui se complaisent en la présence des pauvres et des malades. Est-ce qu’ils les aident vraiment ou est-ce qu’ils instrumentalisent leurs malheurs?

Un exemple désolant

J’ai connu un vieux bonhomme de 90 ans qui a passé toutes les dernières années de sa vie à fréquenter les salons funéraires. Il disait qu’il trouvait ça beau. Je me demandais bien pourquoi il trouvait ça beau.

À force de le faire parler et d’étudier son comportement, j’ai découvert qu’il jouissait vraiment de la vue des cadavres (il ne fréquentait pas les salons où il n’y avait que des urnes) et qu’il appréciait énormément entendre les membres de la famille qui pleurent et se lamentent (c’étaient ses funérailles préférées). Et, la prime pour lui, c’était le lunch gratuit après les funérailles.

Morbide? Maladif? Aucun doute. Et les industriels de la sainteté, sont-ils bien meilleurs?

Francis Lagacé





30 juin 2008


Cruising bar 2 : la caricature optimiste



Je vais d’abord souhaiter une joyeuse fête du Canada aux Canadiens qui me lisent et un heureux moving day aux personnes qui déménagent.

Mon conjoint et moi sommes allés voir Cruising bar 2 avec beaucoup de curiosité et un peu d’appréhension.

Nous en sommes ressortis avec un sourire et de la tendresse pour l’humanité. Ce que le deuxième film perd en mordant et en originalité (on ne peut réinventer la roue), il le gagne en humanité.

En effet, ces caricatures nous offrent des moments fort sympathiques. On se prend à les comprendre et à éprouver de l’empathie. Après tout, ces personnages (pas seulement les quatre dragueurs, mais aussi les autres) sont tous assis dans la salle et bien prétentieux celui qui pourrait se dire absolument exempt de ces traits humains qui sont là grossis pour notre plaisir.

Le narcissique qui ne trouve jamais personne à sa hauteur, le distrait confus qui accumule gaffe par-dessus gaffe, le « vendeur de chars » trop sûr de lui, le timide qui n’arrive pas à s’affirmer.

Outre le fait qu’on n’a pas voulu trop faire déchoir les personnages, il y a des scènes touchantes qui ravivent notre confiance en l’humanité. Celle où Serge, le ver de terre, et sa conquête essaient de se rapprocher est vraiment trop mignonne.

Des films qui donnent le goût d’être gentil, c’est bon parfois!






23 juin 2008

Fête nationale



Je ne serai pas très original cette semaine et je souhaiterai bonne Fête nationale à mes lecteurs. Mais, d’où me vient cette lassitude quand je pense au 24 juin? Pourquoi ne sens-je plus l’enthousiasme d’autrefois? Pourquoi ai-je l’étrange impression de revivre le Jour de l’an, où la radio nous ramène la Bolduc et la Bottine souriante? Pourquoi ai-je le sentiment que la Saint-Jean est confinée au folklore et que le folklore est confiné à la Saint-Jean comme au Jour de l’an?

Sera-ce longtemps une fête nationale si, tout ce que nous y trouvons, c’est les refrains du passé?

Le projet indépendantiste est-il encore emmuré dans sa vieille obsession canadienne française? Évitons la confusion : faire du français la langue officielle d’un pays (à venir, mais le bébé prolonge drôlement sa gestation) ne signifie pas limiter la nationalité à l’origine canadienne française. Madame Nguyen est aussi québécoise que moi et, tant que vous ne serez pas capables de comprendre ça, vous ne serez pas capables de faire un pays.

Nous, dont la devise est Je me souviens, oublions que les Ryan, les Johnson, les Berger, les Burns et autres Fratte sont des personnes qui ont été intégrées dans notre « nous » collectif.

Il faudrait que nous soyons un peu plus réalistes et ne fassions pas de fixation canadienne française ni catholique. Il faudrait aussi que la Bolduc soit écoutée comme témoin historique en dehors de la Saint-Jean et du Jour de l’an, ça la rendrait beaucoup plus sympathique. D’ailleurs, cette bonne canadienne française était une Irlandaise, Mary Travers.

Il faudrait peut-être changer notre devise pour Je vais essayer de m’en souvenir.






17 juin 2008

Actualités religieuses ?



Existe-t-il une chose qui puisse s’appeler actualité religieuse? Franchement, j’en doute un peu. Mais pourquoi donc Radio-Canada fait-elle tout un plat avec le congrès eucharistique de Québec? Au point d’en faire une question à sa tribune téléphonique du lundi 16 juin 2008. Quel intérêt une radio publique a-t-elle à mousser les activités de la secte catholique?

Rappelons-nous que Radio-Canada avait flanqué Pierre Bourgault à la porte en 1989 ou 1990 parce qu’il avait osé critiquer l’Église catholique sur les ondes. Ce congédiement inadmissible n’a jamais été renversé et n’a fait l’objet d’aucune campagne publique de contestation. Je n’ai jamais entendu parler de quelqu’un qui se soit fait virer pour avoir dit du mal des athées.

Qu’il y ait des actualités religieuses ou pas, il y aura toujours des religions et des crédules pour embarquer. On espère simplement que, l’instruction et la réflexion aidant, il y en ait moins et que le bon sens et l’honnêteté triomphent des simagrées et de la crédulité.

Je me fais souvent dire qu’une bonne raison d’accepter la religion est que la croyance est universelle. Cet argument m’a toujours paru tellement insignifiant que je ne croyais pas nécessaire d’y répondre. Il se trouve qu’il en touche certains, aussi voici la réponse bien simple qu’il faut y faire : le meurtre, le viol, le vol et la méchanceté sont universels. Est-ce là une raison pour les accepter? Poser la question c’est y répondre.

Le meurtre, le viol et le vol sont universels parce que la haine, la concupiscence et la cupidité sont universels. Il faut encadrer la conduite humaine et lui fournir des conditions qui favorisent la justice et les bons comportements.

La croyance est universelle parce que la crainte de la mort est universelle. Il faut juste apprendre à vivre avec cette dernière [la crainte]. Ou alors, on se contente de la croyance pour se calmer, mais en aucun cas ça ne devrait déboucher sur la religion, système d’oppression qui utilise la croyance comme carburant. Vous voulez croire? D’accord, mais n’obligez pas les autres à faire comme vous et ne vous autorisez pas de cette croyance pour imposer des comportements ou en interdire d’autres. La croyance, ça doit rester dans la tête du croyant.

Fin des actualités religieuses.






10 juin 2008

Les anges s’envolent


Cette semaine, lancement du livre-disque Les anges s’envolent, une histoire en trois actes passant de l’enfance mutilée, par l’apprentissage difficile de la liberté vers l’assomption de la sérénité, tout ça sans mièvrerie. Une histoire chaotique qui s’ouvre sur l’espoir, accompagnée de musique qui offre toutes les atmosphères.

Musique par Érick Doucet et textes par votre serviteur.

Lancement en ville le mercredi 11 juin de 18 h à 20 h au Cheval blanc 809, rue Ontario Est (près Saint-Hubert).

Lancement domestique le vendredi 13 juin de 18 h à 20 h au 3217, av. Laurier Est (angle Saint-Michel), 514-723-0415.






2 juin 2008

Brèves sceptiques



1. Le maire Jean Tremblay de la ville de Saguenay a transmis une lettre aux médias dans laquelle il dit que l’Église ne doit pas interférer dans les affaires de l’État, mais il promeut en même temps l’expression religieuse dans les Institutions publiques. Contradictoire vous dites?

Il prétend que le « problème » des accommodements religieux est né des athées qui cherchent à interdire toute référence à Dieu dans l’espace public. C’est tellement simplet que ça se passe de commentaires.

2. Il paraît qu’on a découvert dans la jungle amazonienne une tribu encore inconnue jusque-là, et qui n’aurait pas été en contact avec le monde civilisé. Ça me rappelle un film documentaire que j’avais vu au début des années 80. Dans ce film, on nous invitait à aller à la rencontre d’une tribu qui faisait connaissance avec les hommes blancs et leur civilisation pour la première fois.

Dans le village en question, il y avait un comité d’accueil dont les membres portaient des sandales en plastique, des montres numériques au bras et des peignes de plastique dans les cheveux. On entrait dans leurs tentes pour y découvrir toutes sortes d’objets manufacturés.

Je parierais que les adolescents de cette tribu ignorée ont des posters de groupes hip-hop dans leur chambre.

3. Il circule sur le net une proposition d’action afin de faire baisser les prix de l’essence. Cette action consisterait dans le boycottage de deux compagnies de pétrole spécifiques. On nous dit qu’à la longue, les compagnies en question seraient obligées de baisser leur prix pour attirer à nouveau des clients.

Il est curieux qu’aucune de ces deux compagnies ne soit états-unienne. Par ailleurs, il paraît douteux qu’un tel boycott soit possible étant donné que, dans certains localités, il n’y a qu’un seul fournisseur d’essence, lequel appartient à l’une ou l’autre de ces compagnies.





26 mai 2008

Ne paniquons pas avec la dette



À la une du journal Métro du mercredi 21 mai 2008, on titrait «Chaque Québécois a une dette de 81.820$».

D’abord, c’est inexact parce qu’il ne s’agit pas d’une dette individuelle, mais d’une dette collective. Personne ne peut réclamer de chacun d’entre nous la somme en question.

Ensuite, cela a pour but de nous faire peur inutilement. Quand vous avez une dette, vous devez la comparer à votre revenu et à vos actifs pour voir si vous avez la capacité d’y faire face. Si vous devez 10.000$, mais avez des revenus de 35.000$ et des biens (maison, auto, terrain, placements) de 100.000$, vous n’avez pas à vous inquiéter.

Alors, pour la fameuse dette collective, il faut calculer les revenus d’État (toutes les municipalités, tous les gouvernements fédéral et provinciaux). Ensuite, il faut calculer la valeur de tous les biens collectifs, c’est-à-dire tous les ponts, toutes les routes, tous les édifices publics (écoles, collèges, universités, hôpitaux et édifices gouvernementaux), les ports, les aéroports, les prisons, les palais de justice, les conservatoires, etc. Calculez la valeur de tous ces biens, et vous verrez que vous avez des actifs pour appuyer vos dettes.

Finalement, quand on nous assène, selon la ritournelle usée, que les Québécois sont les plus taxés, on oublie toujours que les Québécois ont aussi plus de services que les autres.

Il ne sert à rien de parler de la dette collective si on ne la compare pas à la richesse collective. Arrêtez de paniquer avec la dette!






19 mai 2008

Religion = Pouvoir



En page A 10 du Devoir du 16 mai 2008, on apprend que le maire de Saguenay persiste à faire la prière au début des séances du Conseil municipal.

En page C6 du Devoir des 17 et 18 mai 2008, Georges Leroux essaie de faire croire que les partisans de la laïcité sont des intégristes, alors qu’ils réclament simplement qu’on dissocie éthique et religion. Cette dernière confusion conduit à attribuer une supériorité morale à la religion, supériorité qui n’a jamais été démontrée.

Dans le courrier des lecteurs du Devoir du 15 mai 2008, Guy Laperrière de Sherbrooke nous apprend que l’intention de prière du dimanche 11 mai dans le Prions en Église consistait à demander que l’Esprit saint inspire le partenariat entre les grandes entreprises et le gouvernement.

Une même conclusion : la religion et l’Église sont des structures de pouvoir, elles s’y accrochent et elles s’acoquinent même au capitalisme. Pas jojo, tout ça!






12 mai 2008

Les universités à courte vue



Il est franchement consternant de constater à quel point, sous prétexte de vouloir être à l’avant-garde, tout ce qui « grouille, grenouille et scribouille » au nom des universités fait preuve d’une ignorance de l’importance fondamentale de leur mission d’enseignement au premier cycle. Et dans cette mission d’enseignement au premier cycle, les chargées et chargés de cours jouent un rôle indispensable.

Le Conseil supérieur de l’éducation a émis la semaine dernière un avis au ministère de l’Éducation, du Loisir et des Sports. Eh bien, cet avis ignore superbement la réalité du premier cycle. On n’en a que pour les fonds de recherche et pour la course à la clientèle internationale. Ces obsessions conjoncturelles liées au sous-financement des universités sont des leurres si on ne se rend pas compte que la base des universités repose sur le premier cycle.

Personne ne niera l’importance et la nécessité de la recherche, mais la primauté que les Établissements d’enseignement supérieur lui accordent n’a rien à voir avec de nobles idéaux et tout à voir avec un désir de trouver des subsides parce que ce sont là les étudiants qui paient le plus cher et les programmes qui rapportent le plus.

Finalement, c’est un chercheur de l’INRS, entendu à la radio de Radio-Canada hier pendant l’émission Les années lumières, qui a sorti candidement le jugement que portent les universités sur le premier cycle. L’INRS étant une université de recherche uniquement, elle n’avait donc pas d’étudiants de premier cycle, ce qui la désavantageait au point de vue infrastructure, car disait-il en substance : « Les subventions pour les étudiants de premier cycle permettent d’avoir des locaux, de les chauffer et de les éclairer. » Voilà, tout est dit, le premier cycle, ce n’est pas important, mais ça peut être utilitaire. Le journaliste a réussi à rattraper le tout en disant que ce sont les bons étudiants de premier cycle qui font les bons étudiants des cycles supérieurs, mais le mal était fait.

Rien qu’à l’Université de Montréal, les chargées et chargés de cours enseignent plus de 50 % des cours (en excluant la Faculté de médecine) et les étudiants se disent satisfaits de leur enseignement à 91 %. S’il y a de bons étudiants aux deuxième et troisième cycles, c’est un peu grâce aux chargées et chargés de cours. Si les universités veulent avoir un avenir, il faudrait peut-être qu’elles regardent un peu plus à leur base.






5 mai 2008

L’indécrottable religion


Il est remarquable à quel point, lorsqu’on ferme la porte à la religion, elle réussit à rentrer par la fenêtre. Dans les universités, les programmes de théologie n’ont plus tellement la cote, en tout cas ceux qui s’accrochent à l’orthodoxie des églises.

Malheureusement, les religieux et autres prédicateurs se recyclent dans l’éthique. Cette confiscation de l’éthique par les religieux est tout simplement inadmissible. On ne comprend vraiment pas pourquoi les religieux et autres croyants auraient quelque connaissance supérieure en éthique, sauf par un préjugé naïf et ignorant.

Le nouveau programme d’éthique et de culture religieuse proposé par le ministère de l’Éducation entre tête baissée dans cette erreur. La religion n’a pas sa place à l’école. Elle devrait être enseignée dans les églises. Mélanger la connaissance des cultures religieuses et les règles d’éthique, c’est faire croire qu’il y a un lien entre l’éthique et la religion. À moins qu’on me fasse une démonstration de cette absurdité, je regrette, il n’y a pas de lien.

Chose fort amusante, les partisans de la religion à l’école se plaignent que le programme de culture religieuse confonde les enfants et risque de leur faire se rendre compte que toutes les religions se valent. Il est assez drôle que les tenants d’une religion avouent eux-mêmes qu’il est absolument impossible d’établir la supériorité, encore moins la véracité, de leur croyance. En effet, quel dieu choisir? Oui, ils valent tous la même chose : rien.

Toutefois, cela n’est pas une raison pour les présenter dans un cours où il doit être question d’éthique et de responsabilité citoyenne. Le comportement éthique relève des principes de justice, d’égalité et de liberté. Il doit être adopté rationnellement. Il n’y a aucune place pour la religion là-dedans.

Le Mouvement laïque québécois propose une pétition contre le programme en question. Pour s’opposer à cette place indue qu’on fait à la religion, on peut la signer sur le site suivant : http://www.petitiononline.com/laique/petition.html target .






28 avril 2008

Les impôts



Je viens de terminer mes déclarations de revenus. Ça m’a pris une quinzaine d’heures pour tout ramasser, faire les calculs et les nombreuses photocopies nécessaires. Le plus long, ce ne sont pas les calculs, mais bien sûr de réunir tous les documents et de vérifier tous les cas à déclarer.

Certes, c’est un peu compliqué d’avoir à la fois le statut de salarié, d’artiste, de travailleur autonome, de déclarer une multitude d’employeurs.

Tout le monde aime se plaindre des impôts : de leur coût comme des complications que leur déclaration nous causent. Pourtant, il est tout à fait normal de payer des impôts. Parce que les impôts, s’ils sont structurés de manière progressive, sont la façon la plus équitable de répartir la richesse.

Les taxes sur la consommation favorisent les gens les plus aisés. En effet, les 12,9 % combinés de la TPS et de la TVQ représentent parfois la marge de manœuvre qu’il reste à un ménage à faible revenu. Pour un ménage qui dispose d’un revenu nettement supérieur à la moyenne, c’est quelques dollars de plus pour un achat qu’on peut déjà se permettre.

Si une famille pauvre doit s’acheter un appareil ménager à 300 $, les 38,70 $ de taxe peuvent constituer un trou dans son budget. Ce n’est pas le cas pour une famille riche. Il faut donc comprendre que les taxes à la consommation ne sont pas une mesure progressiste alors que les impôts si.

Malgré les préjugés contre les impôts, malgré leurs inconvénients annuels, nous devrions les favoriser pour rétablir la justice sociale.






21 avril 2008

Qu’est-ce qu’un professeur?


Pour la grande majorité de la population, un professeur est une personne qui enseigne à des élèves ou à des étudiants. Dans cette majorité, on peut inclure les étudiants universitaires qui, dans leur évaluation de l’enseignement, parlent de leurs professeurs.

Quand ils ont aimé l’enseignement qu’ils ont reçu, ils écrivent dans leurs commentaires : « Madame Unetelle est une excellente professeure. » Et cela, même si dans près de 50 % des cas, il s’agit d’une chargée de cours. En effet, le bon sens usuel prédomine : un professeur est une personne qui donne des cours.

Mais, à l’Université au Québec, les choses ne sont pas toujours si simples. Le titre de professeur est un titre réservé qui s’applique à une personne disposant d’un poste et ayant comme fonctions l’enseignement, la recherche, l’administration et les services à la collectivité.

Ainsi quand on parle de professeurs, certains en excluent les chargées et chargés de cours. Dans les discours publics qu’on entend, où l’on dit que les étudiants n’ont pas accès à un professeur, on mêle deux niveaux de compréhension. La population peut s’imaginer un pauvre étudiant tout seul sans professeur pour lui donner de cours ni pour l’encadrer, alors que le même étudiant se dira satisfait de ses professeurs parce qu’il a recu l’enseignement de chargées et chargés de cours dévoués et passionnés par l’enseignement.

Les déclarations à l’emporte-pièce sur la situation des universités et sur les rapports entre les étudiants et les professeurs mériteraient beaucoup plus de nuances.






14 avril 2008

Tout un Forum



Vendredi soir dernier de 18 heures à 20 heures, le Syndicat des chargées et chargés de cours de l’Université de Montréal a honoré 32 de ses membres pour leurs réalisations : prix dans l’enseignement, publications, communications internationales, créations et autres activités.

Quand nous avons demandé au journal Forum, l’hebdomadaire de l’Université de Montréal, de couvrir l’événement, on nous a répondu qu’on ne travaillait pas après 17 heures. L’excuse est tellement grosse et manifeste un tel manque d’intérêt pour les chargées et chargés de cours qu’il ne nous est pas venu à l’idée de protester.

Curieux tout de même qu’on soit capable de faire le reportage d’activités sportives qui se tiennent en fin de semaine ou de faire un rapport de la soirée de reconnaissance des employées et employés ayant plus de 25 ans de service, laquelle s’est pourtant tenue un mercredi après 18 heures.

Ce fait et d’autres qui ont mécontenté la Coalition des associations et syndicats de l’Université de Montréal (CASUM) seront à étudier par les membres du comité sur une politique de l’information qui a été voté lors de l’Assemblée universitaire du 7 avril dernier.

Pour le moment, Forum porte bien mal son nom. Il n’est pas le lieu d’expression de l’ensemble de la communauté. On devrait peut-être l’appeler Porte-voix ou Mégaphone de la Direction.






7 avril 2008

Si l’âge d’or, réveillez-le!



On n’a qu’à regarder les photos de nos grands-parents, les gens de 50 ans au milieu du siècle dernier étaient des vieillards. Ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui.

Toutefois, on regroupe toutes les personnes qui ont 50 ans et plus dans une catégorie sociologique qu’on appelle « Âge d’or ». Les « clubs d’âge d’or » et les personnes de 50 ans ou plus peuvent se regrouper dans la Fédération de l’âge d’or du Québec, fondée en juin 1970, et dont l’objectif clairement affirmé est d’«être l’organisme le plus représentatif des personnes de 50 ans et plus » ( FADOQ-Vision).

Je suis devenu membre de la Fadoq en novembre dernier parce qu’il me semble que cette association a effectivement un rôle à jouer, mais il est essentiel qu’elle s’ouvre à des réalités nouvelles.

J’ai été mécréant et athée toute ma vie ; je ne crois pas que je vais me mettre à baiser des croix en vieillissant. Je suis un homosexuel militant ; je ne crois pas que je vais rentrer dans le placard en vieillissant.

Les gens qui ont écrit « Au diable la tuque, au diable le goupillon !» (Manifeste du Refus global, 1948) et tous ceux qui y ont applaudi sont des aînés depuis longtemps. Où les voit-on dans les mouvements d’aînés ? Tout le monde devient-il conservateur en vieillissant ? J’en doute fort, mais si la pression sociale des organismes qui veulent parler en notre nom va dans ce sens-là, c’est sûr qu’on n’ose trop élever la voix.

Je ne demande pas aux membres de la Fadoq d’être tous d’accord avec moi, mais il est très important que ce regroupement n’agisse pas comme si tout le monde était blanc, francophone et catholique. Je lis à la fin de l’édito du président de l’Association, dans le dernier numéro de Virage, le magazine de la fédération, qu’il invite les membres « à entreprendre au plus tôt les petites et les grandes remises en question qui s’imposent pour mener notre organisation plus loin. »

Eh bien, à la bonne heure, j’écrivais justement dans mon mot du président de l’Association des familles Lagacé-Lagassé inc. de février 2007 qu’une tradition : « c’est une innovation qui marche bien et qu’on décide de garder. »

Je propose à la Fadoq et à son magazine de m’accueillir dans ses pages comme le mouton noir des aînés et d’ouvrir à la diversité ses activités et orientations. Il y a des aînés de toutes les couleurs, de toutes les croyances et non croyances, de toutes les tendances politiques et de toutes les orientations sexuelles. Place au débat, place à l’ouverture, place à la magie des aînés indignes! Si l’âge d’or, réveillez-le!






31 mars 2008


Victimes impuissantes


Cette semaine, le billet passe la parole à un lecteur. Martin Dufresne est un homme dont j’admire l’esprit critique. Si toutes les personnes qui ont réagi au texte de la semaine dernière ont compris qu’il traitait de cas pathologiques, Martin a vu en plus que ce billet pouvait aussi être interprété comme refusant le droit à des victimes de se plaindre.

En fait, le septième paragraphe de mon billet (sur les conditions qui conduisent à ce comportement) n’est pas assez développé et ne permet pas de faire toutes les nuances nécessaires. Martin apporte aussi des précisions sur le personnage de Dan Greenburg, lesquelles ajoutent une perspective différente à ses écrits.

Voici donc son commentaire :

« Même si tu ne le dis pas, tes deux premiers exemples désignent quasi-explicitement des femmes en les exposant au mépris de tes lecteurs.

Dans le premier des cas, je crois qu’avant de leur lancer la pierre, tu devrais peut-être te demander pourquoi des femmes sentent le besoin d’insister auprès de leur conjoint pour mettre au jour les vrais sentiments de ceux-ci à leur égard. Le silence des hommes dans les rapports de couple n’est pas de bon augure pour la personne qui dépend du maintien de la relation, affectivement ou financièrement, ou qui peut avoir de bonnes raisons de s’inquiéter d’un glissement de son conjoint vers une misogynie ambiante à mesure que s’émousse l’excitation du début.

En général, ton texte reprend la critique psychologisante très répandue des personnes qui se disent victimes d’une situation contre laquelle elles protestent. On "jouerait" à la victime, on envierait ce statut... air connu. Il est devenu quasi-impossible de montrer ce en quoi les groupes opprimés sont réellement victimisés tant le blâme psychologique jeté sur les personnes qui se disent victimisées est devenu prépondérant... même lorsqu’elles le sont réellement. La réaction aux demandes d’aide amène à percevoir tout témoignage de souffrance ou d’injustice subie comme une défaillance personnelle... à contrer par une attitude plus éclairée, courageuse, moins immorale à la limite! Je sais que tu prétends ne traiter que des cas pathologiques mais rien n’empêche que ton discours ne serve à censurer des personnes réellement victimes. Il nourrit cette optique qui force les personnes réellement victimisées et encore impuissantes à transformer leur situation - comme bien des femmes le sont - à se taire face à un discours qui leur prête une pathologie.

Finalement, Dan Greenburg... yark!!! Son How to be a Jewish mother (1964) est un des livres qui a fait le plus pour rendre la misogynie drôle et acceptable. Et ce n’est pas un hasard s’il siège au conseil d’orientation de la Coalition of Free Men, le principal lobby masculiniste américain, qui dénonce entre autres le "victim feminism" (féminisme victimaire), comme nos masculinistes québécois. (voir ci-dessous).

Martin Dufresne

P. S.: N’hésite pas à faire suivre ce commentaire à tes correspondant-es si tu veux.

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Men Freeing Men: Exploding the Myth of Traditional Male
Men’s Rights Versus Victim Feminism, September 7, 2004
Commentaire de l’éditeur, Francis Baumli (Saint Louis, MO USA) - See all my reviews

This anthology, now in its fourth printing, is more timely than ever and won the "Best Book on Men’s Issues" award given by The Coalition of Free Men. Endorsed by Dan Greenburg, Ed Asner, Karen DeCrow (past president of NOW), Warren Farrell, and many others, it contains writings by 50 authors, including such luminaries as Eugene August, Jed Diamond, Herb Goldberg, Arthur Winfield Knight, Naomi Penner, Jim Sanderson, and Suzanne Steinmetz. Edited by myself, Francis Baumli, Ph.D., it addresses men’s liberation and men’s rights. Topics include men and feelings, male depression, penis size, male midlife crisis, how prostitution humiliates men, and how men are the primary victims of pornography. Other issues examined are men and dating, how women manipulate men, men’s desire for sexual foreplay, and how successful marriages are defined by playfulness. Political issues in men’s liberation are examined too. Victim feminism is criticized, women’s liberation endorsed. Other topics include men’s image in movies and television, men and work, men and divorce-alimony, visitation, child support, mediation, child custody, joint custody. (This book’s advice on joint custody is the most father-friendly you will find anywhere, with arguments that have special appeal to judges.) Father custody, and a lawyer’s advice on how to get it, is discussed, along with men’s rights in abortion. Men’s health, macho dangers, men and birth control, men and sterility, male loneliness, men and suicide, the battered husband in domestic violence, the sexist military draft, and how handicapped men confront the macho ideal are also explored. There are also pleasant topics such as male friendship, the origins of Father’s Day, the joys of parenting.

Used as a college textbook in women’s studies and men’s studies, this book elicits vigorous class discussion while reconciling opposing views on women’s and men’s liberation.
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Pas exactement le genre de type à citer à l’appui d’une démarche progressiste... »





24 mars 2008


Jouer à la victime



La technique n’est pas nouvelle; elle est d’ailleurs répertoriée dans Le manuel du parfait petit masochiste de Dan Greenburg, paru en français au Seuil en 1985 (édition originale chez Random House en 1966).

Imaginez, dans un couple, l’une des personnes demande à l’autre : « M’aimes-tu? » L’autre répond : « Bien sûr. » Mais la première reprend : « Oui, mais m’aimes-tu vraiment, vraiment? » et elle continue le jeu jusqu’à ce que le doute s’insinue ou que la lassitude s’installe et que l’autre finisse par dire : « Bien peut-être que je ne t’aime pas vraiment comme tu le souhaites. » Ou alors, irritée, elle dit ironiquement : « C’est ça, je ne t’aime pas! »

Dans tous les cas, la personne initiatrice de la démarche finit par dire : « Je le savais! Tu ne m’aimes pas pour vrai! » Peu importe les arguments que vous aurez, elle finira toujours par obtenir ce qu’elle souhaite : rendre les deux malheureux et pouvoir poser en victime.

Ça me rappelle une personne connue dans mon enfance qui, lorsqu’elle recevait de la visite, passait des bonbons une première fois, puis lorsqu’elle en passait une deuxième fois, espérait que personne n’en prenne parce que, d’après elle, la politesse consiste à ne jamais prendre deux fois de ce qu’on nous offre. Mais, devant les refus polis de la deuxième fois, elle insistait et faisait des scènes pour qu’on en prenne parce que c’était mépriser ses efforts que de refuser son offre. Donc, elle finissait toujours par gagner : Elle convaincait les invités de reprendre des bonbons et pouvait se plaindre le lendemain qu’elle avait reçu des impolis et des mal élevés.

Cette attitude peut se retrouver au travail quand un commis va trouver son patron pour lui dire qu’il n’est pas bien dans le rayon où il se trouve et qu’il se demande si son travail convient à cet endroit. Malgré les arguments du patron pour lui dire qu’il peut rester dans ce rayon-là, il finira par obtenir un changement d’affectation.

Dès qu’il aura obtenu cette mutation, il s’écriera en larmes : « C’est ça, je le savais, on ne m’apprécie pas dans cette fonction. On m’oblige à travailler dans un autre rayon. » On ne gagne jamais avec des personnes qui ont décidé d’avance qu’elles seraient victimes.

Mais avant de juger ces gens et de les considérer comme des êtres méchants, je crois qu’il faut s’interroger sur ce qui les a conduits à se comporter de la sorte. Quelles souffrances ont-ils endurées pendant leur enfance? Quelles sortes de parents ont-ils eus? Quels déterminismes sociaux permettent de conforter ce genre d’attitude? Espérons que, là comme ailleurs, des moyens de prévention pourront un jour être trouvés.

En attendant, la seule réaction responsable devant ce comportement consiste à mettre la personne face à ses propres contradictions et à ne pas hésiter à les exposer si nécessaire.








17 mars 2008

Assumer nos hivers



Les chutes de neige des dernières semaines ont mis à rude épreuve la patience des citadins surtout. On peut aimer ou pas l’hiver, on peut y trouver des avantages, des inconvénients, s’en plaindre ou s’en réjouir, tout cela est légitime, mais il ne faudrait surtout pas faire comme s’il n’était pas là.

Or, c’est notre tendance de postmodernes d’agir comme si nous étions toujours en plein été. Nous devrions au moins nous comporter en tenant compte des réalités hivernales et en tirer les leçons qui s’imposent.

Me voilà en bonne compagnie, car madame Denise Bombardier disait justement, dans sa chronique de l’édition des 15 et 16 mars 2008 du Devoir, que nous devrions cesser de nier l’hiver.

Toutefois, ce qui nous distingue de manière importante, c’est que loin de voir dans notre déni une faille morale, j’y vois plutôt une conséquence de l’idéologie turbocapitaliste.

En effet, pourquoi ne profiterions-nous pas des tempêtes de neige pour fermer les bureaux et les grandes surfaces? Les gens qui ont besoin de produit de première nécessité les trouveraient toujours dans les magasins de proximité. Les employés affectés au déneigement pourraient faire leur travail tranquilles sans être embarrassés par la circulation. Les citoyens ne risqueraient pas leur vie à se rendre au travail. Les familles pourraient en profiter pour admirer calmement la neige qui tombe et prendre du temps pour se parler. Et les maniaques du pelletage pourraient s’y livrer sans précipitation puisqu’ils ne seraient pas attendus dans l’heure.

Pourquoi donc ne pouvons-nous pas profiter d’un répit offert par la nature? Parce qu’il faut consommer. Parce qu’il faut absolument que l’on puisse rapporter aux enfants au plus vite les céréales au miel et aux fraises dont la boîte contient le dernier DVD du petit Jérémie. Parce qu’il faut absolument que madame Panet puisse acheter son lait de soya bio au chocolat. Parce qu’il est essentiel que l’on puisse acheter un banc de scie pour l’atelier qu’on ouvrira au mois de mai. Parce qu’il faut consommer. Parce qu’on l’a tellement entendu qu’on est arrivé à croire la devise du néolibéralisme : « Vous n’existez pas si vous ne consommez pas. » Il y a une très belle pièce de Jérôme Minière qui s’intitule : If you don’t buy, you die.

Il n’y a pas que les écoles qui devraient fermer les jours de tempête. Le système pourrait nous laisser souffler un peu.








10 mars 2008

Le pouvoir des foetus



La Chambre des communes du Canada a adopté en première lecture le projet de loi C-484 du député conservateur Ken Epp. Ce projet de loi est intitulé: Loi sur les enfants non encore nés victimes d’actes criminels.

On peut le consulter à l’adresse suivante: C-484

Le but du projet de loi est de faire en sorte qu’une personne accusée du meurtre d’une femme enceinte soit accusée de deux meurtres au lieu d’un.

Bien que le projet de loi stipule expressément à son article 3.7 que la modification au Code criminel ne vise pas:
"a) un acte posé relativement à une interruption légale de la grossesse de la mère de l’enfant avec le consentement de celle-ci",
cela constitue tout de même la création d’un statut juridique pour le foetus. Cette nouveauté pourra être invoquée pour octroyer des droits aux foetus et, éventuellement, pour justifier des reculs quant au droit à l’avortement.

Les groupes féministes ont très justement fait remarquer que les crimes contre les femmes enceintes relèvent généralement des problèmes de violence conjugale (voir article dans Presse-toi à gauche). Par ailleurs, il paraît absurde de créer une catégorie de meurtre double alors que le foetus n’est pas né. Cet étrange concept "d’enfant non encore né" risque de donner lieu à toutes sortes de dérives.

C’est ce même gouvernement qui a réduit le financement des groupes de femmes.
C’est ce même gouvernement qui veut introduire la censure dans le financement des oeuvres cinématographiques.

Il faudra nous en souvenir aux prochaines élections.





3 mars 2008

L’hétérosexualité conduit-elle à la pédophilie?



Étant donné que la très grande majorité des pédophiles se décrivent eux-mêmes et sont décrits par leur entourage comme hétérosexuels, peut-être y a-t-il lieu de chercher un lien entre ces deux réalités.

Bon, j’arrête mon char. Le titre de mon article est exagéré et l’on ne peut pas transformer une simple association de faits en causalité.

Et pourtant, on retrouve dans un article paru dans Forum, l’hebdomadaire de l’Université de Montréal, dans un article du 18 février 2008 sur la zoophilie, la phrase suivante: "elle [la zoophilie] est souvent liée à d’autres intérêts sexuels atypiques comme l’homosexualité ou la bisexualité."

On ajoute qu’il s’agit de l’une des trois caractéristiques "souvent attribuées à la plupart des paraphilies ou comportements sexuels déviants".

C’est exactement le procédé absurde que j’ai illustré au début de mon article.

D’abord que signifie souvent? À partir de combien de points de pourcentage peut-on parler de souvent?
S’il y a souvent des pédophiles qui sont religieux, est-ce qu’on peut dire que la religion est un facteur de pédophilie? Et si 35% des pédophiles sont religieux, c’est sans doute souvent, mais pas le plus fréquent. Alors, le concept de souvent est à manier avec prudence.

Ensuite à partir de quels critères l’homosexualité et la bisexualité sont-elles considérées comme atypiques? Les recherches sexologiques du vingtième siècle (Kinsey, Masters & Johnson, etc.) montrent plutôt que les comportements homosexuels et bisexuels sont assez fréquents, donc pas si atypiques que ça. Ils semblent même constitutifs de la nature humaine.

Laisser passer des affirmations aussi lourdes en ayant l’air de ne pas y toucher contribue à entretenir les préjugés et à brouiller les raisonnements. C’est irresponsable de proposer des associations de faits sans fournir de détails plus précis et ça ressemble fort à un jugement de valeur qui n’aide en rien à combattre l’homophobie.






25 février 2008

Différentes différences


Comme je l’écrivais dans le billet du 5 novembre 2007, certains religieux excellent dans l’art pervers de justifier leurs horreurs à partir des arguments même qui les condamnent.

La nouvelle recette à cet égard, utilisée tant par les religieux que par les partisans de la droite dure, consiste à se réclamer du droit à la différence. Ils accusent ceux qui attaquent leur pensée pernicieuse de ne pas accepter la différence.

Ainsi, quand au nom de la laïcité on a demandé au pape de ne pas faire de discours à l’Université de Rome en janvier dernier, nombreux sont ceux qui ont crié à l’intolérance et ont appelé à la possibilité de faire entendre la différence. C’est devenu l’argument préféré des personnes qui veulent l’intrusion de la religion dans la vie publique: faire une place à la différence.

Soyons clairs: il y a différentes sortes de différences et toutes les différences ne sont pas acceptables.

Voici quelques différences à rejeter parce qu’elles attaquent les droits humains:

--l’homophobie,
--le racisme,
--l’antisémitisme,
--la pédophilie,
--le sexisme,
--la torture,
--l’esclavage.

Pour ce qui est de la religion, cette différence est acceptable si elle se limite à la croyance. Dans ce cas, elle est réservée à l’esprit du croyant et elle n’attaque pas la liberté des autres. Si, au nom de la religion, on réclame le droit d’opprimer les femmes, de contraindre les fidèles et de répandre la haine, je regrette, ce n’est pas une différence acceptable.

On en reparlera le jour où les religions abdiqueront leur prétention à justifier l’oppression.






18 février 2008

Kokis: prétentieux et mal élevé



Je ne regarde à peu près jamais la télévision. Hier soir, mon conjoint et moi décidions d’allumer le téléviseur pour voir Tout le monde en parle. Il y avait Michel Drucker. Je sais, c’est kétaine, il aime tout le monde, on ne lui connaît pas d’opinion politique ferme, mais c’est tout de même vrai qu’il a fait beaucoup pour les chanteurs québécois en France et, après tout, ça fait du bien parfois de voir et d’entendre des gens aimables.

Puis, il y avait Pauline Marois. Je ne suis pas un fan, on s’en doute, mais nous voulions voir comment elle se débrouillerait. Elle aspire à gouverner le Québec, on a intérêt à l’entendre et à analyser son discours.

Aussi, il y avait Sergio Kokis. J’espère qu’il est bon écrivain (je n’ai pas encore lu son roman, La gare, que j’ai acheté l’an dernier) pour se faire pardonner sa personnalité insupportable. Cette prétention et cette ignorance sont parfaitement imbuvables.

Je ne voulais pas parler de son accent, car les accents sont charmants (celui des Français est sexy, le nôtre est sympathique, celui des slaves est séduisant, etc.), mais il est évident par son discours que le jugement qu’il porte sur la langue ne relève que de ça et non pas d’une véritable connaissance du système langagier. Alors, cet homme qui a toujours un accent à couper au couteau méprise l’accent des Québécois et forge son jugement là-dessus poussant l’outrecuidance jusqu’à conseiller à madame Marois de subir des tests de français, elle qui n’avait commis aucune faute de syntaxe, mais une imprécision lexicale (elle a employé élaboré plutôt que riche ou varié pour parler du vocabulaire). Alors que, lui, en trois phrases a commis deux fautes de syntaxe: sauter sur le tramway, on saute dans un tramway et il y avait quelque chose à apprendre avec cette commission au lieu de apprendre de cette commission.

La jeune Laetitia Angba s’exprimait fort bien, mais avec les expressions de son âge comme tous les jeunes. La différence avec les autres Québécois qui l’entourent est son accent, acquis pendant son éducation. Monsieur Kokis trouve qu’elle s’exprime parfaitement en français, il devrait alors reconnaître que les jeunes Québécois qui s’expriment avec les mêmes mots qu’elle s’expriment aussi parfaitement, mais non, il ne le reconnaîtra pas, parce que c’est l’accent "plouc" qui l’agace.

Mais le comble, ce fut lorsqu’il se permit de réclamer un verre de vin sans se préoccuper de ce que madame Marois lui disait. Prétentieux et mal élevé, je vous dis.

Ce genre d’attitude ne révèle que la faiblesse intérieure de ceux qui l’adoptent. Merci, Madame Marois, de ne pas vous être fâchée, même s’il aurait mérité une bonne correction (verbale, s’entend).






11 février 2008

Suicide


La semaine dernière, c’était la semaine de prévention du suicide au Québec. Au cours d’une présentation sur le sujet à l’Assemblée générale du Conseil central du montréal métropolitain de la CSN, les participants ont eu l’occasion d’apprendre tous les ravages que peut causer un suicide dans un milieu de travail.

Le mal touche toutes les couches de la population, mais surtout les hommes. Il est important de ne pas prendre à la légère tout signal de détresse à cet égard. Dès que quelqu’un parle d’idéation suicidaire, il faut être à l’écoute. Il ne faut pas hésiter non plus à référer au numéro de prévention 1 866 APPELLE.

Le soir même au journal télévisé, je vois une vidéo qui circule sur le Net et qui montre un jeune se faire tabasser. Le fier-à-bras qui a réalisé l’exploit ne se gêne pas pour traiter l’autre de tapette. Les jeunes à qui on a montré la vidéo semblaient trouver cela fort amusant.

L’homophobie est très présente dans les cours d’école et dans les écoles secondaires. Fif, gai et tapette sont les pires insultes que l’on puisse adresser à un jeune. Devant tant de méchanceté, comment un jeune peut-il avoir une bonne estime de soi? Ce sentiment essentiel pour faire face aux difficultés de la vie sans songer à se supprimer.

Il y a un autre aspect aux conséquences du suicide que j’ai trouvé fort troublant. Il y a de très nombreuses années, une personne que je connaissais bien s’est donné la mort. J’ai appris plusieurs années plus tard que certaines personnes de son entourage s’en trouvaient très heureuses et bien débarrassées. Je n’ai pas de mot pour vous dire la rage que j’ai ressentie en découvrant cela.

Ainsi, non seulement le suicide ne règle rien et laisse triste les personnes qui vous aiment, mais cela fait plaisir à vos ennemis. Ne cédez pas à la méchanceté, ne cédez pas à l’homophobie, accrochez-vous à ceux qui vous aiment et n’écoutez jamais personne qui prétend trouver une solution dans le suicide. 1-866-277-3553






4 février 2008

Autres dérives médiatiques: croyances et préjugés


Sous l’influence des sondages de préférence dont nous sommes bombardés, nous avons tendance à confondre sentiment et opinion. Dire que telle boisson gazeuse est meilleure que telle autre, ce n’est pas une opinion. Penser que monsieur Untel ferait un meilleur premier ministre n’est pas nécessairement non plus une opinion.

Le sentiment relève d’une impression gardée à la suite d’une sensation ou d’une émotion. Par exemple, une personne qui débarque à Montréal en plein juillet sous une atmosphère humide pourra garder le sentiment que Montréal est une ville tropicale.

L’opinion est une orientation choisie à partir des arguments, ceux-ci étant des faits orientés sur une échelle argumentative. Par exemple, sur l’échelle "s’habiller chaudement", le fait "il fait -35 degrés Celsius" est orienté très positivement et me permet d’avoir l’opinion: "Je dois m’habiller chaudement aujourd’hui."

Cette confusion entre sentiments et opinions traverse tous les discours médiatisés, et contribue à répandre des croyances et des préjugés tenaces.

J’illustrerai ce genre de fausses conclusions que l’on peut tirer à partir de trois exemples récents: le discours de Mario Dumont sur la réforme scolaire, le halo autour du Superbowl et l’influence des prix sur l’évaluation des vins.

1. Il fallait entendre Mario Dumont vers la fin de la semaine dernière au micro de C’est bien meilleur le matin où il essayait de dire quelque chose de concret au sujet de la réforme au secondaire. Outre quantité d’énoncés vagues et nébuleux enrobés de commentaires négatifs, il n’a su que répéter ce que l’on entend partout, soit que la réforme sacrifie les connaissances. Or, la réforme, dans laquelle il faut noter qu’il n’y a pas que du mauvais, ne dit nulle part qu’il faut sacrifier les connaissances. Certes, elle insiste sur les processus et sur des procédés plus englobants, mais comme l’enseignant reste maître du choix de sa pédagogie, il lui est tout à fait possible de faire primer les connaissances.

Il y aurait long à dire sur ce débat particulier, mais ce qui importe pour mon propos ici, c’est que peu d’opinions sont émises à son sujet, car on n’utilise que rarement les faits qui peuvent servir d’arguments. On se base plutôt sur des impressions qui nourrissent les sentiments.

2. Le Superbowl est présenté comme l’événement sportif le plus important au monde. Il faudrait bien appuyer ces dires prétentieux et un peu délirants sur de véritables statistiques plutôt que sur de vaseuses généralisations. Les États-Uniens jouent sur une ambiguïté de la langue en reprenant le fait bien connu que le football est le sport le plus populaire au monde, un fait documenté par le nombre de joueurs dans le monde et le nombre de fans. Or, le football dont il est question ici est le vrai football, c’est-à-dire ce que l’on appelle le soccer.

Autre fait artificiellement gonflé, on nous fait croire que les Chinois regardent le Superbowl et qu’un milliard de personnes seront devant le petit écran. La réalité est beaucoup plus décevante: la diffusion du match est accessible en Chine (où à peu près personne ne sait ce qu’est le football états-unien) et si tout le monde qui a accès à la diffusion du match sur la planète le regardait effectivement, cela ferait un milliard de personnes.

Ça me rappelle les publicités pour American Express que je voyais à la télé étant petit. On y disait que cette carte était la plus acceptée au monde. Or, elle était acceptée uniquement aux États-Unis et dans certains commerces canadiens. Plus de vingt ans plus tard (dans les années 80), il était encore difficile pour un États-Unien de faire reconnaître sa carte en Espagne ou en France en dehors de Paris. Les États-Uniens confondaient les frontières de leur pays avec celles du monde. C’est un air connu, le monde s’arrête aux marches de l’Empire.

3. Dans l’édition des samedi 19 et dimanche 20 janvier 2008 du Devoir (en page D4), Fabien Deglise rapportait les résultats d’une étude montrant que les personnes qui goûtent un vin au prix élevé sont préconditionnées à le trouver meilleur que si on leur dit que le prix est bas. Ce phénomène n’a rien d’extraordinaire. On trouve toujours plus belle une chemise de grande marque qu’une autre même si cette dernière peut avoir plus de qualité esthétique. On se laisse donc influencer par ses croyances et ses préjugés.

De là à croire que les spécialistes en matière de vin sont tous des charlatans et des fumistes, il y a un pas qu’il faut refuser de franchir.

Quand on déguste des vins, il faut noter les sensations qu’il procure et y attribuer une note. Cela a pour résultat que les vins très chers du Nouveau-Monde (États-Unis, Afrique du Sud, Amérique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande), lesquels cherchent à obtenir de bonnes notes justement en haussant indument les prix, n’obtiennent pas de si bonnes notes quand on les compare à des vins bien faits mais beaucoup moins chers venant de la Vieille Europe. De même, certains vins européens bénéficiant de leur réputation sont peu estimés quand on les analyse à l’aveugle. J’ai été à même de la constater maintes fois. Le snobisme et le marketing par le prix existeront toujours, mais le sens de la mesure aussi; il suffit de s’appliquer.

Conclusion: évitons de généraliser nos sensations, méfions-nous de nos croyances et de nos préjugés, appuyons-nous sur des arguments, donc des faits vérifiables, et nous aurons un meilleur esprit critique.






28 janvier 2008

Information; désinformation


Samedi dernier, 26 janvier 2008, la Confédération des Syndicats nationaux (CSN) organisait un débat sur le droit de grève dans le cadre de la journée mondiale d’action des Forums sociaux mondiaux.

Nous avons eu l’occasion d’y constater que, bien que les grèves soient devenues beaucoup plus rares que dans les décennies précédentes, elles sont aujourd’hui beaucoup moins bien tolérées.

On a fait référence au glissement de concepts qui s’est opéré entre ceux d’usager et de client. Si un usager a certains droits quant au service de transport en commun par exemple, on ne peut en dire autant de tout client d’un magasin. Les services essentiels sont devenus un prétexte pour interdire presque toute manifestation de grève. La paranoïa à laquelle nous avons assisté lors de la grève légale des employés de garage de la Société de transport de Montréal montre à quel point on refuse le moindre effet négatif d’une grève. Il est pourtant entendu qu’une grève ne saurait contribuer au rapport de force entre les employés et l’employeur si elle n’avait absolument aucun effet négatif.

Ce fut encore plus ridicule dans le cas de la grève à la Société des alcools du Québec, où certains réclamaient l’intervention du gouvernement comme si l’accès à l’alcool était un service essentiel.

Monsieur Paul Brunet, président du Conseil pour la protection des malades (CPM), a fait valoir qu’il fallait tenir compte des besoins de la population et qu’en définitive, c’est elle qui devrait avoir le dernier mot.

Ma réponse à cette remarque est que l’on veut bien que la population puisse décider, mais il faut pour cela qu’elle soit bien informée et qu’elle soit consultée pour vrai. Quelqu’un dans la salle a fait remarquer que les infirmières en 1999 avaient l’appui total de la population, mais cela n’a pas empêché le gouvernement d’intervenir sauvagement dans leur conflit.

Je signale aussi que nous avons assisté l’an dernier, dans le cas du conflit de travail au Cimetière Notre-Dame-des-Neiges, à une odieuse désinformation visant à jeter le blâme sur les syndiqués alors que l’arrêt de travail était la responsabilité de l’employeur qui interdisait à ses employés l’accès au site de travail.

Encore une fois, le rapport dans les médias de cette journée du 26 janvier a été mince et anecdotique. On a parlé de 300 personnes défilant dans la rue Sainte-Catherine alors qu’il y avait plutôt entre 1500 et 2000 personnes.

Quoi qu’il en soit, comment voulez-vous que la population ait une opinion éclairée si elle n’est pas vraiment consultée et si elle est constamment désinformée?

Pour l’instant, le dernier mot appartient aux gouvernements et au capital.





21 janvier 2008

Business as usual


Est-ce parce qu’il fait froid et que nous avons envie d’hiberner comme des ours, est-ce parce que les Canadiens ont la fibre dictatoriale et qu’ils trouvent normal qu’un gouvernement ne respecte pas les règles établies en matière de gestion démocratique, mais à part quelques éditoriaux, on n’a pas vu de grande indignation devant le scandaleux renvoi de madame Linda Keen, ancienne présidente de la Commission canadienne de sûreté nucléaire.

C’est très grave. Madame Keen a été congédiée parce qu’elle a fait son travail. Ce dernier consistait à s’assurer de la sécurité des réacteurs nucléaires au Canada. Le ministre des Ressources naturelles a utilisé un prétexte hypocrite, l’arrêt du réacteur nuisait à la production d’isotopes radioactifs utilisés en médecine, alors que la sécurité était en jeu, d’autant que les fameux isotopes ne seraient utiles qu’au diagnostic pas au traitement. Une pareille attitude est digne de petits potentats dictatoriaux et est parfaitement inadmissible dans une démocratie moderne.

Sauf chez quelques éditorialiste, où sont les demandes de démission? Un tel gouvernement, minoritaire, faut-il le rappeler, ne mérite pas la confiance du peuple. Imaginez ce que ce serait s’il était majoritaire! Est-ce parce que les Canadiens sont trop indolents et qu’on craint qu’ils accordent leurs voix à ces machiavels de pacotille que l’on ne cherche pas à les défaire?

Ce gouvernement se soucie de l’environnement comme d’une guigne. Il démet les fonctionnaires qui lui disent la vérité et soutient les appétits guerriers des voisins.

Ça ne sent vraiment pas bon. Et, pendant ce temps, vous vaquez à vos affaires sans vous inquiéter.







14 janvier 2008

Parents méchants


Aujourd’hui, je lis Petit Guide du parent infâme, une plaquette que je me suis procurée sur le Net auprès de la maison d’édition Jets d’encre.

Cette brochure contribue à briser le tabou selon lequel il faut absolument aimer ses parents. Qui n’a pas souffert dans les générations des 50 ans et plus du "Honore ton père et ta mère"? Ce mot d’ordre justifiait n’importe quel crime et interdisait toute plainte de la part des enfants.

Il y a des parents, figurez-vous, qui se faisaient un devoir de dire : "Il faut obéir à ses parents même quand ils demandent de faire le mal, c’est le Bon Dieu qui veut ça."

Si la grande majorité des parents aiment leurs enfants, ça ne signifie pas qu’ils savent toujours s’y prendre. Micheline Lanctôt s’est attaquée courageusement à cette illusion que les parents, et les mères surtout, sont par définition des êtres exemplaires dans son film Le mythe de la bonne mère.

Par ailleurs, il y a des parents monstrueux, il y a des mères monstrueuses, et la valeur des bons parents en est d’autant plus grande que, justement, ce n’est pas automatique d’être un parent équilibré. Les enfants qui ne parlent plus à leurs parents ne sont pas nécessairement des ingrats. Ce sont peut-être tout simplement des gens qui ont envie de vivre enfin normalement.

Que dire d’une mère qui entretient ses enfants dans la dépendance affective, qui les rend malades à force. Que dire d’une mère qui harcèle ses enfants pour qu’ils lui laissent leurs propres enfants à garder. Une fois qu’elle a bien insisté, qu’elle a rendu ses enfants coupables de ne pas lui laisser garder ses petits-enfants, ils finissent par céder. Alors, la grand-mère a tout le loisir de se vanter de suppléer à ses enfants incapables, et de se plaindre de la surcharge de travail qu’ils lui imposent. Vous trouvez ça gros? Je connais pourtant au moins deux cas de mégère semblable. Et, visiblement, d’après Mary Mac Laggan, auteure du livre dont je parle, les cas ne sont pas si rares.

Les mères manipulatrices ne manquent pas. Quand ce n’est pas trop grave, ça peut aller, quand ça vire au sadisme, c’est très inquiétant. Sur un mode humoristique, madame Mac Laggan donne des conseils pour toujours rabaisser les enfants. Exemple en page 32: "Parlez toujours à votre enfant comme à un débile, en adoptant une petite voix flûtée et ralentie." Ça ne vous rappelle rien? C’est aussi la technique des narcissiques, le parler gnan-gnan, auquel je faisais référence dans le billet du 24 septembre 2007.

Lors d’un bref passage à Londres, j’ai vu une affiche qui demandait: "Croyez-vous que les enfants de la rue soient coupables?" Et l’organisme d’aide qui a produit l’affiche répondait quelque chose comme oui, nous croyons qu’ils sont coupables de fuir un foyer violent. De quoi faire réfléchir.

Constater qu’il y a de méchants parents, c’est aussi reconnaître qu’il y en a de bons. Être réaliste à cet égard ne peut qu’être bénéfique à tout le monde.

On peut contacter l’auteure du livre sur le site Parent infâme. Et, comme disait Voltaire, combattons l’infâme!






7 janvier 2008

Ce qui est plus grand que nous



Dans notre société, où l’individualisme effréné fait oublier la part que chacun doit aux autres, il est particulièrement paradoxal de constater à quel point l’être humain des sociétés développées est absolument dépendant des autres alors qu’il se prétend parfaitement autonome et indépendant.

L’autarcie individuelle (c’est-à-dire la capacité de se fournir tout seul en biens et aliments pour assurer complètement sa survie) est devenue impossible, sauf dans de rares contrées isolées.

Aux individualistes de tout poil qui essaient de me convaincre qu’ils se débrouillent tout seuls, je suggère l’exercice suivant: installez-vous tout nu sans aucun accessoire dans une forêt (peu importe la saison, mais ça sera encore plus probant en hiver) et tâchez de vous débrouiller sans faire appel à quiconque.

Jamais, dans l’histoire de l’humanité, les êtres humains n’ont tant eu besoin des autres alors que jamais ils n’ont tant cru pouvoir s’en passer.

Dans une fort intéressante exposition consacrée à Benjamin Franklin par le Musée des Arts et Métiers de Paris (en cours jusqu’au 30 mars 2008), j’ai eu le plaisir de lire une pensée de Rousseau selon qui la liberté correspond au choix des contraintes mutuellement consenties. J’ai aussi pu savourer cette merveilleuse pensée de Franklin citée dans son Almanach du Bonhomme Richard: "Tout le bien qu’un particulier peut accomplir ne vaudra jamais celui que peut réaliser une collectivité qui s’en donne la peine."

Ce qui est plus grand que nous, ce qui nous transcende, ce n’est pas une quelconque déité ni une chimérique religion, mais bien la société dont nous faisons partie parce que l’être humain est un animal social et qu’il n’est rien sans l’apport de ses semblables qui l’aident à construire sa liberté.

Il est désolant de voir des penseurs comme Charles Taylor essayer de trouver au fond du firmament le souverain bien pourtant visible au bout de notre nez: le "vivre ensemble". À propos de Taylor, je vous signale un article de grande qualité, publié par le Mouvement laïque québécois, sous la plume de Marie-Michelle Poisson dans le numéro 10 de la revue Cité laïque actuellement en kiosques. On y traite de la position idéologique du philosophe: il se situe parmi les penseurs qui rejettent les progrès apportés par Les Lumières. Vous le trouverez en allant sur le site MLQ et en cliquant sur Publications dans le menu de gauche.

Renvoyez les obscurantistes à leurs devoirs!








17 décembre 2007

Mélange des fêtes



***À la suite de mon billet de la semaine dernière sur les personnes intersexuées, j’ai reçu un message d’une personne que je connais. Ce que je ne savais pas, c’est que cette personne faisait partie du groupe dont j’ai parlé et qu’elle avait dû subir une opération.

Je cite ici un extrait de son message: "Monsieur-madame-tout-le-monde ne voit pas la violence qu’il-elle exerce lorsqu’il-elle emploie des catégories binaires, nettes et tranchées. Comment le regard médical et la sélection TOTALEMENT arbitraire de critères de «différence de sexe» (clitoris de 0,8 cm maximum pour un bébé «fille»; pourquoi pas 1,1 ou 0,5 ou 0,9?) est la cause d’un profond sentiment d’étrangeté chez les personnes qui sont reléguées à l’extérieur du «normal» et de l’intelligible."

Nous ne savons pas la souffrance que nous imposons par notre confort et notre insouciance.

***La Commission Bouchard-Taylor a terminé ses audiences. Les médias ont-ils fait écho aux préoccupations du Mouvement laïque québécois? A-t-on beaucoup entendu parler des athées?

C’est à croire que l’athéisme est plus tabou que l’homosexualité. Je me souviens par exemple que lorsque Janette Bertrand a fait son coming out médiatique comme athée, elle l’a fait à Radio Canada (dont les auditeurs sont en principe plus tolérants) dans une émission d’avant-midi (alors qu’il y a moins d’écoute que tôt le matin ou qu’en fin d’après-midi) et en plein été (alors que peu de gens écoutent la radio).

***Je prends congé pendant quelques semaines, à moins que l’actualitè ne m’enrage trop. J’ai plein de corrections à faire d’ici la rentrée de janvier.

Passez de belles Fêtes!






10 décembre 2007

Les personnes intersexuées



On n’en parle pas souvent, mais environ une personne sur 2500 naît avec des organes sexuels des deux sexes ou une apparence morphologique située quelque part entre les deux. Attention, j’ai bien dit "des organes" pas "les organes". Il y a donc une espèce de doute quant au sexe auquel appartiennent ces personnes pour la simple et bonne raison qu’elles n’appartiennent pas à l’un ou l’autre, mais à l’un et l’autre. La nature n’est pas binaire; elle fonctionne en continuum.

Il ne s’agit pas ici d’orientation sexuelle (homo, hétéro ou bi) ni de genre social (homme ou femme), mais bien de sexe physiologique. Leur conformation biologique et chromosomique fait en sorte que ces personnes ne sont pas dans l’un des pôles, mais quelque part entre les deux.

Ces personnes autrefois appelées hermaphrodites sont aujourd’hui appelées des personnes intersexuées, ce qui est beaucoup plus juste.

Par le passé, on assignait automatiquement, dès la naissance, par opération médicale un sexe à ces personnes. Dans d’autres cas, quand la différence était peu perceptible, le problème se posait à l’adolescence et on forçait l’individu à faire un choix. On le fait encore trop souvent.

De plus en plus, ces personnes refusent cette obligation de choisir un sexe alors qu’elles n’appartiennent ni à l’un ni à l’autre. Elles veulent être reconnues pour ce qu’elles sont et être respectées comme elles sont.

Elles ont absolument raison et elles doivent prendre leur place. Nous devons comprendre qu’il y a un continuum et que parler uniquement de deux sexes est discriminatoire à leur endroit. Il ne s’agit pas de parler d’un troisième sexe, mais bien de reconnaître le caractère continu entre les deux pôles.

Quand j’ai évoqué, dans une réunion, la possibilité de parler d’égalité "peu importe le sexe" plutôt que "des deux sexes", je me suis fait répondre que l’hermaphrodisme fonctionnel n’existait pas. Cela me fait une belle jambe! Les personnes intersexuées existent et les forcer à choisir un sexe ou, pis encore, leur assigner un sexe à la naissance est à mon avis un crime.

Il existe de nombreux sites d’information sur la question. Au Québec, on pourra consulter le site francophone de l’Organisation internationale des Intersexués OII. Dans le menu de gauche en haut, vous trouverez le lien avec le site francophone pour le Québec ou pour l’Europe.

Connaître des réalités qui dérangent notre conception du monde nous met mal à l’aise. Pour être réalistes, les humains ne doivent pas songer à faire entrer le monde dans leurs conceptions étroites, mais bien élargir leurs conceptions pour y faire entrer le monde.

Et je manquerais à mon devoir d’enseignant si je confortais l’ignorance et les préjugés: "Inquiéter, tel est mon rôle. Le public préfère qu’on le rassure. Il en est dont c’est le métier, il n’en est que trop." (André Gide, Journal)






3 décembre 2007

Accommodements religieux


La question des accommodements raisonnables a été transformée en déversoir de toutes les inquiétudes sur la diversité sociale et nos rapports avec le religieux.

Vous trouverez ici quelques extraits d’un mémoire soumis à la Commission Bouchard-Taylor, qu’elle n’a pas le temps d’entendre en séance. Vous pourrez aussi en trouver le texte complet à la fin de la page "Athéisme" de mon site (le document sera accessible dans quelques jours) à l’adresse suivante: Athéisme.

Le mémoire est présenté à titre d’athée.
En regard de la grande place qu’on accorde aux croyants de toutes sortes, l’espace qui est accordé aux
athées est loin de correspondre à la dimension qui devrait être la sienne. Il est donc primordial que nous
prenions la place que nous méritons.

« Au sens juridique, l’accommodement raisonnable est une conséquence du droit à l’égalité et à la
protection contre la discrimination. C’est une mesure corrective qui vise à assurer qu’une personne puisse
avoir accès aux mêmes emplois, établissements ou services que les autres, peu importe ses caractéristiques
personnelles : âge, handicap, religion, langue, etc. Fait à souligner, l’accommodement raisonnable est fait
en faveur d’un ou de plusieurs individus précis et non d’un groupe. » (site Web Éducaloi, consulté le 13 octobre 2007).

Ce qui semble avoir inquiété le plus la population, c’est le fait que des pratiques religieuses entrent
en conflit avec les deux principes suivants : l’égalité entre les hommes et les femmes ; la neutralité de
l’espace public. La question qui se pose est donc en fait : quelle est la place de la religion dans l’espace
public ? Et ce qui doit changer, c’est le traitement privilégié que peuvent recevoir les religions.

Les principes que je mets en avant sont partagés par la majorité des citoyens du Québec, j’ose le
croire : égalité, solidarité, justice, liberté, démocratie et paix. Les Chartes des droits et libertés ont
normalement pour but de faire écho à de tels principes.

Malheureusement, parmi les commentaires que j’ai entendus, le débat est souvent présenté comme
étant un conflit entre « leur religion » et « la nôtre », exactement comme je le craignais dans mon billet du
20 août 2007 (« La religion comme repère ? », www.francislagace.org/billet.php?section=2007-2009#sujet22, 20 août 2007). Eux
étant les immigrants ou descendants d’immigrants de deuxième génération (il conviendrait de se demander
à partir de quand on va cesser de renvoyer les gens au pays d’origine de leurs ascendants) et nous étant les
Québécois blancs francophones catholiques.

Or, le problème est posé par la religion elle-même. Et les « bons catholiques » ne font pas mieux
que les autres en présupposant que leur religion est naturelle ou autochtone (au sens propre du terme) alors
que les autres seraient artificielles ou importées. En tant qu’athée, je suis insulté chaque fois que j’entre
dans un édifice public et que j’y trouve le crucifix, qui glorifie la souffrance.

Que la religion catholique fasse partie de l’histoire du Québec, j’en conviens, mais ce ne sera jamais
une raison pour nous imposer ses symboles dans les lieux où elle n’a pas sa place. Les livres d’histoire,
l’architecture des temps passés, les films documentaires et les musées sont là pour jouer ce rôle de rappel
culturel.

Il y a donc deux principes absolument incontournables dans la gouverne de l’espace public : 1. La
neutralité totale de l’État ; 2. L’absence de privilèges pour les religions.

Les inquiétudes soulevées pas les exigences des pratiques religieuses doivent trouver leur solution
dans la restriction du phénomène religieux à l’espace qui est le sien : l’espace privé des adhérents.
Pour éviter d’inutiles conflits, le respect des croyances, puisque c’est un droit individuel, ne doit
inclure ni le respect de l’oppression, ni le respect des inégalités, ni le respect de la haine.
En ce sens l’espace public doit être absolument libre de religion.

Conclusion

À mon avis, les accommodements raisonnables ne posent pas de véritables problèmes en général et
le débat qui a cours actuellement dans la société québécoise porte en fait sur la place de la religion dans
l’espace public.

Pour remettre les religions et les croyances à leur place, dans l’espace privé, il convient de
reconnaître que la religion catholique n’a pas droit à des privilèges par rapport aux autres. Il faut donc
débarrasser tout l’appareil d’État des survivances catholiques comme il faut éviter toute intrusion de
quelque autre religion que ce soit dans les institutions publiques.

Les croyants ont droit à leurs croyances, mais ils ne peuvent en aucun cas les imposer ni à l’État ni
au reste de la société.

Les valeurs qui doivent guider une société civilisée sont les suivantes : égalité, solidarité, justice,
liberté, démocratie et paix.

Le respect de ces valeurs exige la neutralité absolue de l’État et l’absence de tout privilège pour les
religions.







26 novembre 2007

La mémoire n’est pas généreuse



Dans le domaine des idées, que ce soit dans les arts ou dans les sciences, nous n’avons pas la mémoire généreuse. Tout le monde est réticent à reconnaître qu’une idée qu’il développe vient de quelqu’un d’autre, comme si c’était se rabaisser que de donner son essor à une bonne idée. Pourtant, nous ne faisons que cela: poursuivre ce qui a été lancé par d’autres. Je n’ai pas inventé les sites web, je n’ai pas inventé les billets, je n’ai pas inventé les livres, mais j’ai eu quelques bonnes idées dans ma vie.

Voici l’histoire de l’une d’entre elles.

À l’été 1999, je propose à la maison Triptyque le projet d’un guide de 100 vins abordables pour fêter l’an 2000 sans se ruiner. Le livre serait utilisable pour les festivités de fin d’année, mais aussi pour l’année qui suit. La gamme des prix visait entre 8$ et 25$. L’objectif était d’atteindre un public assez large et les vins devaient être disponibles en produits courants.

Le projet fut adopté, et je me mis au marathon de dégustation et d’écriture, chaque vin étant accompagné d’une petite notice un peu littéraire. Les importateurs de vin ont été mis à contribution pour fournir les étiquettes. Le titre finalement retenu Le Gai Boire, clin d’oeil au fait que l’auteur est gai et écrit dans un magazine gai (Fugues), faisait aussi référence au "gay sçavoir" liant la philosophie au fait de savoir qu’il n’est pas nécessaire de perdre sa chemise pour acheter des vins agréables et y trouver du plaisir.

Le mercredi 8 décembre 1999 entre 17 h 30 et 20 h était lancé Le Gai Boire (les 100 vins de l’an 2000) au bar le Drugstore, au 1360, rue Sainte-Catherine Est. L’introduction présentait le parti-pris du livre: des vins à 25$ ou moins, disponibles dans la section produits courants (avec quelques rares exceptions spécifiées). Cette introduction indiquait comment utiliser le guide.

L’introduction était suivie d’un glossaire des termes généralement utilisés dans le domaine du vin. Suivait un petit guide d’emploi des vins au restaurant. Les vins sont ensuite présentés dans l’ordre suivant: les blancs, les rouges, les rosés, les mousseux, les liquoreux et, finalement, les vins fortifiés. À la fin, on trouvait un index alphabétique de chaque vin selon l’ordre des sections.

Chaque vin occupait une page, où se trouvait l’étiquette reproduite en noir et blanc, et l’on trouvait une petite description littéraire du vin. Ceux dont le rapport qualité-prix était plus intéressant et dont l’expérience montrait qu’ils ne donnaient pas mal à la tête étaient surmontés d’une petite couronne de lauriers.

Le flop relatif de ce guide (nous n’en avons vendu que quelques centaines) est dû à plusieurs méprises, elles-mêmes liées au caractère multi-hybride du produit final. On a d’abord cru que le guide était destiné uniquement aux gais et lesbiennes, alors qu’il faisait référence à l’auteur et à la littérature (gay sçavoir).

On a aussi cru qu’il fallait être vraiment littéraire pour le lire, alors que les petites histoires se lisaient facilement. En fait, cible indécise ou cibles trop nombreuses, le guide a connu le succès d’un ouvrage de littérature plutôt que celui d’un guide pratique. Il reste que plusieurs lecteurs m’ont réclamé par la suite une réédition parce qu’ils avaient beaucoup aimé.

Le vendredi 17 mars 2000, vers 13 h et quelque, après une dégustation de chablis offerte par la maison Fèvre, dans une salle du Palais des Congrès réservée par ladite maison dans le cadre du Salon des vins, Jean Aubry, chroniqueur au Devoir me prend à part. Je me souviens de cette belle journée ensoleillée, la neige avait suffisamment fondu pour que je n’aie pas besoin de porter mes bottes couvre-chaussures.

La conversation va comme suit:

Aubry: --Alors, la vie est bonne?

Lagacé: --Oui, la vie est bonne, la santé est bonne, le travail ne manque pas, seulement le temps.

Aubry: --As-tu l’intention de rééditer ton livre pour l’année 2001?

Lagacé: --Non, pas vraiment, j’ai peu de temps. L’an dernier, j’ai été élu trésorier de mon syndicat et je m’apprête à me re-présenter aux élections d’avril. Ma carrière prend un tour plus syndical.

Aubry: --C’est parce que j’ai la proposition d’un éditeur et j’aimerais reprendre ta formule. On pourrait s’entendre ou collaborer.

Lagacé: --Aucun problème pour reprendre la formule. Il n’y a pas de copyright sur les idées. Quant à collaborer, je n’en ai pas vraiment le temps. Allez-y, je ne vois aucune objection.

Aubry: --Tu es sûr?

Lagacé: --Mais oui, allez-y sans crainte.

Automne 2007, je reçois le Guide Aubry 2008 quatrième ou cinquième édition de ce que monsieur Aubry a fait à partir d’une formule qui était bonne et qui marche. J’en parle dans ma chronique de décembre de Fugues, j’en parle longuement et positivement (Ma chronique).

Il s’y trouvait les phrases suivantes: "J’aurais bien mauvaise grâce à ne pas vanter le guide de Jean Aubry, Les 100 meilleurs vins à moins de 25 $ publié par les Éditions Transcontinental. Inspiré par mon Gai Boire paru en 1999 chez Triptyque, dont il a repris la formule, tout en l’agrémentant d’autres renseignements complémentaires..."

Cet extrait a donné lieu à un échange de courriels entre votre serviteur et monsieur Jean Paré, éditeur de monsieur Aubry. Le tout s’est résolu par un message téléphonique laissé à mon répondeur, où on me remerciait finalement d’avoir parlé positivement du guide, mais précisant que monsieur Aubry ne se souvenait pas d’en avoir discuté avec moi. Le rappel est fait ici.

En aucun cas, je n’ai voulu déprécier le travail de monsieur Aubry. En aucun cas, je ne me suis plaint qu’il ait repris une bonne formule que je l’ai explicitement autorisé à reprendre. Et voilà l’histoire.







19 novembre 2007

Le racket de la bible


Mon conjoint et moi avons passé une nuit à l’hôtel à Québec en fin de semaine.
Richard me faisait remarquer qu’il y avait encore la bible dans les tiroirs de la table de chevet.

On dit que la bible est le livre le plus vendu au monde. Je comprends, si elle est présente dans la majorité des chambres d’hôtel.

Je me demande comment on réagirait si c’était plutôt Justine ou les malheurs de la vertu du Marquis de Sade qu’on y trouvait.

Diane Précourt a écrit un article intéressant sur ce sujet dans Le Devoir de la fin de semaine des 27 et 28 octobre 2007. La pratique est répandue dans toute l’Amérique du Nord, mais serait interdite dans certains pays, cependant elle ne nous précise pas lesquels.

En tout cas, je ne me rappelle pas avoir vu ce livre dans les chambres d’hôtel françaises.

J’ai souvent envie de jeter ce document à la poubelle quand je me retrouve à l’hôtel, puis j’hésite, parce que je crains les représailles de l’hôtelier ou du personnel, on ne sait jamais. J’ai souvent à retourner dans un même hôtel et la bible fait l’objet d’une vénération par les amateurs de religion même s’il s’agit d’un ramassis de textes dont la valeur est très variable et l’intérêt plutôt limité.

Est-ce que les hôteliers sont victimes d’intimidation de la part des dealers de bibles? Est-ce que le Québec ne devrait pas se débarrasser de cette pratique archaïque? Qu’en pensez-vous?

(Note: Je vais faire changer l’adresse de contact de mfrancis@generation.net pour francis.lagace@gmail.com. La première ayant connu des ratés.)







12 novembre 2007

Le bonne-ententisme



Sous prétexte d’éviter des esclandres, de ménager de bonnes relations avec les autres, de ne pas encourir de représailles, on trouve dans les milieux de travail des partisans de la bonne entente à tout prix.

Ces personnes insistent sur la crédibilité qu’elles veulent avoir auprès de l’employeur, sur la nécessité de collaborer et sur les bons résultats que le respect assure.

Malheureusement, les bonne-ententistes confondent les bonnes relations personnelles et la nécessité de rapports directs et clairs avec les patrons. Ils confondent aussi la veulerie avec la crédibilité.

De quelle crédibilité bénéficie-t-on quand on ne pose jamais de question?

Quel respect mérite-t-on quand on se comporte comme une carpette?

À trop vouloir plaire, on ne se fait pas respecter, on se fait marcher dessus. On mérite beaucoup plus le respect quand on se tient debout.

Les enseignants qui ont de l’expérience savent bien que la bonnasserie n’attire que le mépris des élèves alors que la fermeté justifiée suscite respect et admiration.

Il en est de même dans nos rapports avec nos employeurs. On aura de biens meilleurs résultats à dire clairement ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, et à poser les questions qui doivent être posées. La bonne collaboration ne signifie pas le renoncement à ses droits. L’attitude cordiale avec les personnes permet tout aussi bien de souligner les points de désaccord et de rappeler l’autre à ses devoirs.






5 novembre 2007

Il n’y a pas d’intégrisme laïc ; il y a de la perversité de certains religieux


Les autorités ecclésiastiques ont toujours excellé dans l’art sournois d’accuser les autres de leurs propres vices et d’inventer des torts qui nous distraient de leurs propres turpitudes.

De tout temps, quand on a questionné la pertinence de la croyance inconditionnelle en un dieu et en des principes difficilement justifiables d’un point de vue rationnel, les autorités religieuses se sont complu à rejeter par avance toute discussion en s’écriant: "C’est le diable qui parle. Ne vous laissez pas séduire par lui. Contester l’autorité, c’est écouter le diable!"

Inventer une cause inexistante (le diable) de la contestation d’une réalité inexistante (dieu) est une façon habile d’esquiver la critique, car on doit obliger le contestataire à prouver la non-existence du principe négatif (le diable) avant de prouver la non-existence du principe positif (dieu), ce qui scientifiquement est impossible : on ne prouve pas la non-existence. Seule l’existence peut être prouvée, et c’est à celui qui affirme de faire ses preuves. Celui qui doute a tous les droits si on ne lui fournit pas d’arguments suffisants.

L’argument d’autorité est toujours le dernier refuge de ceux qui ont tort et les églises ne s’en privent jamais.

Alors, maintenant que l’on veut retirer les privilèges indus d’un groupe religieux sur les autres, les intégristes de tout poil invoquent un supposé intégrisme laïc. Il faut vraiment nous prendre pour des imbéciles pour utiliser pareil argument. La laïcité n’oblige personne à suivre des dogmes. Elle ne demande pas aux gens de changer leur croyance et ne les oblige pas à accepter des croyances aberrantes. Au contraire, la laïcité permet à tout le monde d’exercer son libre arbitre dans le respect des différences individuelles. Elle oblige cependant à ne pas imposer ses croyances aux autres. Cela s’appelle le respect. C’est ce respect élémentaire que les autorités ecclésiastiques osent appeler intégrisme alors que leur oppression aberrante, elles l’appellent liberté religieuse.

Maintenant, quand le cardinal Ouellet dit qu’on devrait réévangéliser le Québec, c’est d’un absurde consommé. Voulez-vous bien me dire pourquoi on devrait privilégier une religion plutôt qu’une autre? Laquelle enseigner de toutes ces croyances aberrantes? Battez-vous entre vous, toutes religions du monde, et quand vous aurez la preuve que l’une est meilleure que l’autre, nous verrons s’il est nécessaire de l’enseigner. En attendant, ne demandez pas au système public de faire le travail des églises. Enseignez vos croyances dans vos temples et n’essayez pas de les imposer à tout le monde.






29 octobre 2007

La nostalgie, mauvaise conseillère


Hier, au gala de l’ADISQ (l’Association du disque, de la vidéo et du spectacle), le groupe Mes Aîeux a gagné le prix de la chanson la plus populaire pour son tube "Dégénération". C’est un très bon choix, le public ne se trompe pas. Il fallait voir le sourire narquois de Stéphane Archambault quand il rappelait que les radios avaient refusé cette chanson sous prétexte qu’elle ne trouverait pas de public.

La chanson a tout plein de qualités: bon rythme, voix superbes et texte qui fait voir l’inconséquence de nos agirs, car on veut toujours ce qu’on n’a pas.

Mais, je crains qu’on aime aussi cette chanson pour les mauvaises raisons quand on s’accroche à des expressions comme "Tu rêves à une table entourée d’enfants". Il est facile de céder à la nostalgie, d’autant plus facile quand il s’agit d’une époque que plusieurs n’ont pas vécue et qu’ils idéalisent.

S’imaginer que l’époque des familles supposées unies (qui duraient en fait par crainte de la religion ou des représailles de la famille élargie ou de la honte, tout simplement) était une époque de joie et d’entraide relève du romantisme le plus naïf.

Les familles traditionnelles étaient le lieu de tous les étouffements. Les parents qui se détestaient passaient leurs nerfs sur leurs enfants et l’entraide était souvent une façade pour des jeux de massacre interminables. Que les enfants du divorce se le tiennent pour dit, les enfants de ces belles grandes familles unies rêvaient souvent de divorce. J’aurais moi-même donné n’importe quoi pour que mes parents divorcent et que je puisse enfin me sauver avec mon père.

Les familles traditionnelles considéraient l’intelligence comme une tare, d’autant plus quand la génitrice n’atteignait pas 70 de QI (pour mémoire, la moyenne est de 100), et on ne se gênait pas pour torturer tous ceux qui aimaient le moindrement le bon sens et la culture. Pensez à Ovide Plouffe! Nous n’en sommes pas encore tout à fait sortis d’ailleurs, et les Québécois ont encore une méfiance très complexée envers les intellectuels. On a beau être socialiste, on ne voit pas pourquoi l’égalité des droits signifierait qu’il faille broyer les os des personnes qui aiment penser.

Alors, oui, félicitons Mes Aïeux, apprécions la belle chanson, mais ne cédons pas à l’illusion nostalgique.






22 octobre 2007

Laïcité, laïcité


La suggestion annoncée par la CSN de proposer une Charte de la laïcité n’a pas l’heur de plaire à tout le monde. C’est normal, il faut discuter et étudier les modes d’application d’une telle proposition. Mais, si plusieurs trouvent que le projet va trop loin, ce qui n’est vraiment pas mon cas, j’estime que les arguments qu’on y oppose ne sont pas très solides.

Il faut répéter et marteler sans cesse, quand on parle de liberté, que la religion n’est pas une liberté comme les autres puisqu’elle entraîne le droit d’opprimer et le droit de discriminer les fidèles supposément consentants.

Quand on vient dire, comme je l’ai lu dans une lettre des lecteurs du journal Métro de vendredi dernier, que c’est une atteinte à la liberté que d’interdire à un officier de l’État de manifester ses préférences religieuses dans le cadre de son travail, on ne comprend pas qu’une personne qui incarne l’autorité ne peut en aucun cas favoriser une religion sans exercer une discrimination à l’endroit de toutes les autres et des athées.

Si les individus ont le droit de professer leur foi, il n’en est pas de même des autorités, qui ne peuvent pas encourager quelque croyance que ce soit.

D’autres arguments sont d’un ridicule consommé. Un lettre parue dans le Métro du 15 octobre disait que les gens qui ont "des convictions religieuses [...] sont souvent les plus respectueux des autres." Comme je le dis ailleurs sur ma page Athéisme, en aucune façon les gens religieux ne sont meilleurs citoyens que les athées. Mon expérience personnelle m’a plutôt fait constater que, plus une personne est religieuse, plus est menteuse et hypocrite.

On sait aussi que le taux de criminalité n’est pas moins élevé, les crimes sont d’ailleurs souvent plus sordides, dans les endroits où on est plus croyant.

Wilfrid Derome, expert en homicide au XXe siècle, a constaté, comme le signale son biographe Jacques Côté (Wilfrid Derome, expert en homicides, Boréal, 2003), que les crimes familiaux étaient beaucoup plus violents à la campagne, là où la pratique religieuse est plus forte qu’en ville.

Finalement, le comble du risible est apparu quand des partisans de l’enseignement religieux ont soumis que les enfants seraient mélangés et ne sauraient pas qui est le vrai dieu si on leur enseignait l’histoire des religions. Justement, il n’y a pas de vrai Dieu. Et c’est bien la preuve que les enseignements des religions n’ont aucune valeur puisqu’ils ne permettent pas de savoir qui a raison.

Pour protéger la liberté de tous, l’État doit restreindre la liberté de ses officiers dans l’exercice de leurs fonctions. C’est le simple bon sens.






15 octobre 2007

Il faut libérer l’espace public


Dans l’édition du 11 septembre 2007 de Presse-toi à gauche, Sébastien Robert répondait, par son article S’accaparer l’espace public, au mien du 4 septembre, Sortir la religion de l’espace public.

Je le remercie de ses intéressantes réflexions, mais nonobstant le respect et l’affection que j’ai pour lui, je crois qu’il confond deux ordres de choses et qu’il fonce tête baissée dans le piège que lui tendent les organisations religieuses.

Revendiquer la réduction du temps de travail est une chose. C’est une revendication légitime de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs depuis que le syndicalisme existe. Il est essentiel pour la santé de tout le monde, et au vu des gains de productivité qu’ont permis toutes les avancées technologiques, que la durée de la semaine de travail soit réduite tout en conservant la même rémunération. Le rapport actuel entre l’investissement des propriétaires et le profit qu’ils tirent du travail de leurs employéEs est plus grand qu’il n’a jamais été. Cela justifie un peu plus de respect pour celles et ceux qui font vivre les dirigeants d’entreprise dont les revenus sont astronomiques.

Il est normal aussi que l’on répartisse mieux le temps de travail dans la journée et que les travailleuses et travailleurs disposent de temps pour se reposer. Et, effectivement, ils pourront bien faire ce qu’ils veulent pendant ces pauses (prier, fumer, aller aux toilettes ou tchatter avec leurs chums).

Mais introduire la religion dans les lieux de travail n’a absolument rien de légitime. De quel droit et en vertu de quel privilège, certaines pauses seraient accordées aux personnes qui prient et pas aux autres? Pourquoi donc faudrait-il qu’on aménage du temps et de l’espace pour les activités religieuses sur les lieux de travail?

Si les employéEs demandaient qu’on aménage une salle pour les personnes qui collectionnent les timbres ou les canettes de bière, je ne crois que l’on trouverait cela approprié.

L’objectif du pasteur Brinton et de ses semblables est de faire reconnaître la religion dans l’espace public alors qu’il s’agit du dérivé d’une croyance, laquelle n’est qu’une affaire personnelle qui doit rester dans la tête des personnes qui y croient. Libres à elles de se réunir dans des lieux qu’elles auront réservés à cet effet dans le cadre de leurs activités privées. Reconnaître une seule religion sur les lieux de travail, c’est ouvrir la porte à les reconnaître toutes. Et on ne voit pas en effet pourquoi l’une devrait avoir un privilège sur les autres.

Il faut d’une part, et très laïquement, revendiquer une meilleure répartition du temps de travail, une diminution de la semaine de travail, plus de respect pour le droit des employéEs de bénéficier de pauses. C’est une première chose. C’est toutefois extrêmement différent de demander des pauses liées à la foi religieuse.

Ce n’est certainement pas en accordant des privilèges aux religions que l’on aidera la cause des travailleuses et des travailleurs. Les religions multiplient les discriminations et les motifs de dispute entre les êtres humains à cause de leurs exigences et distinctions byzantines.

Il faut au contraire libérer l’espace public de toute référence religieuse.






8 octobre 2007

La droite dure (adjectif et verbe)



En m’installant à une table de travail dans la bibliothèque centrale de l’UQAM, j’ai découvert, la semaine dernière, une revue que je ne connaissais pas. Ça s’appelle Égards et ça se définit comme une revue de "résistance conservatrice".

Je ne savais pas que les conservateurs avaient besoin de résister, eux qui ont tous les micros, possèdent la plupart des journaux, gouvernent le Canada et les États-Unis, mais bon...

Assez curieusement, la plupart des collaborateurs se disent contre l’économisme, mais en fait cela ne devrait pas étonner quand on sait que les fascistes du XXe siècle se disaient contre le capitalisme et plutôt pour le corporatisme. On a beau se dire contre le capitalisme, on en répand tous les clichés idéologiques et on ne se gêne pas pour en tirer tous les avantages.

La revue a, bien sûr, son site www.egards.qc.ca.

On y découvrira les six principes qui la gouvernent:

1. La croyance en un ordre transcendant;
2. L’attachement envers la variété qui signifie une horreur pour "les objectifs égalitaristes et utilitaristes";
3. La conviction qu’une société civilisée exige des classes;
4. La certitude que la liberté et la propriété sont étroitement liées;
5. "La méfiance envers les sophistes, les calculateurs et les économistes (...)"
6. La conscience qu’il ne faut pas précipiter les changements.

J’y suis allé faire mon tour aujourd’hui et j’ai trouvé un article qui dépeint les athées militants comme des adeptes du prosélytisme promouvant leur croyance au néant en missionnaires. Le petit problème avec cette façon de nous décrire, c’est que les croyants conservateurs s’imaginent que l’athéisme est une croyance. Il n’y a aucune preuve, aucune raison de croire en Dieu. Alors, nous n’y croyons pas et nous demandons à nos congénères d’y réfléchir. Ce n’est pas du prosélytisme; c’est lutter contre l’obscurantisme.

On y dit aussi que l’athéisme ne progresse pas. Ce qui est visiblement faux au vu des données statistiques sur la question.

Dernière mise au point sur l’athéisme: il y aura toujours des croyants comme il y aura toujours des erreurs, des bêtises, des comportements psychologiquement explicables mais rationnellement inappropriés. Les athées espèrent seulement que ces erreurs seront un jour l’exception, ce que nous invite à prévoir l’avancement des connaissances dans les sociétés démocratiques et développées malgré les assauts de la propagande religieuse.

Ce qui est étonnant dans cette association de gens qui se regroupent sous le terme d’"égards", c’est la hargne et la bile qu’ils déversent sans égard sur tout ce qui est progressiste.

En manifestant ce genre d’égards, on risque d’être payé de retour mêmement.





2 octobre 2007

L’école doit-elle enseigner à croire au Père Noêl?


Dans le journal Forum de l’Université de Montréal, daté du 4 septembre 2007, à la chronique "Capsule Science" en page 4, on trouve des réflexions proprement ahurissantes. L’auteur, Mathieu-Robert Sauvé, y reformule la pensée d’un monsieur Durand, professeur émérite à la Faculté de théologie et de sciences de la religion, lequel déclare:

Le fait de tenir les enfants à l’écart du darwinisme "n’est pas si grave que ça",
car ils auront bien l’occasion de le découvrir tôt ou tard.


Plus loin, on nous cite un M. Lessard, sans l’avoir présenté en aucune façon, qui parle de la grande liberté dont jouissent les enseignants dans les classes en traitant plus du XIXe siècle ou plus de la préhistoire, etc.

Les élèves de nos écoles seraient ainsi soumis aux caprices des enseignants? Accorder un peu plus de temps à une période historique qu’à une autre ne se compare pas au fait de choisir d’enseigner des faussetés.

Si je disais, il n’est pas grave d’enseigner aux enfants à croire au Père Noël, car ils découvriront tôt ou tard qu’il n’existe pas, il me semble qu’on devrait me rabrouer. L’école existe justement pour nous apprendre que le Père Noël n’existe pas, sinon on se demande bien à quoi sert l’instruction.

La réflexion énoncée à propos du créationnisme équivaut à dire qu’il n’est pas grave d’enseigner que la terre est plate. Après tout, les enfants découvriront tôt ou tard qu’elle est ronde.

Sottise que tout cela! L’école est là pour faire gagner du temps aux enfants, pour apprendre tout de suite la réalité plutôt que de vivre dans l’ignorance.

Lire des propos pareils de la part d’universitaires m’inquiète au plus haut point.





1er octobre 2007

Le billet paraîtra mardi; je ne suis pas dans l’état de l’écrire aujourd’hui.







24 septembre 2007

Dérives néolibérales: narcissisme, fausse famille et parler gnan-gnan


L’idéologie néolibérale prégnante dans notre société favorise l’émergence et la progression des personnalités narcissiques. Le désintérêt total pour le sort des autres, l’arrivisme à tout crin et l’accumulation de capital politique et symbolique pour soi seul nous conduisent à une société froide dans laquelle le sort des déshérités est considéré comme quantité négligeable. On le constate avec la vilaine mode qui consiste à ridiculiser les pauvres et les assistés sociaux. Il y a pourtant des déterminismes économiques et sociaux contre lesquels les laissés pour compte du néolibéralisme triomphant ne peuvent à peu près rien si la société tout entière ne pratique pas la solidarité de manière systémique.

Systémique, parce que la charité privée ne vient pas à bout des problèmes de pauvreté. C’est à l’État d’assurer à chacun une subsistance décente par le biais de la redistribution des richesses. Sinon, on en arrive à une rétribution des "bons pauvres", ceux qui flattent l’égo des puissants, et à la marginalisation des "mauvais pauvres", ceux qui militent pour la justice sociale.

Mais, les narcissiques qui se hissent dans les structures de pouvoir, dans les organisations et dans les entreprises, n’aiment pas qu’on ait d’eux cette image de personnes froides et implacables. Ils se déguisent donc en personnes soucieuses de bonnes valeurs. C’est ainsi qu’ils racontent à qui veut les entendre que leur milieu de travail est comme une grande famille. Se faisant, ils atteignent deux objectifs:

1. Ils font croire qu’ils ont des sentiments pour les gens avec qui ils travaillent (ou qu’ils font travailler à leur place, ce serait plus exact).

2. Ils obligent leurs camarades de travail, qui du coup deviennent réticents à les critiquer pour ne pas leur faire de peine. Qui veut blesser son frère ou sa soeur? Qui veut faire de la peine à quelqu’un de la famille? Après tout, il faut en laisser passer si on veut que l’harmonie règne.

C’est là un piège terrible, car bien sûr éviter de faire face aux problèmes pour ne pas faire de peine est le meilleur moyen de les empirer et de créer une situation malsaine dans laquelle le narcissique a toujours beau jeu de triompher alors que ses victimes se sentent incomptétentes, humiliées, victimes d’échec parce qu’elles ne comprennent pas dans quel panneau elles sont tombées.

Il est très important au contraire de dire simplement et franchement ce qui ne va pas pour pouvoir passer à autre chose. Il ne faut pas céder au chantage émotif des narcissiques qui espèrent, de cette façon, camoufler les problèmes dont ils sont la cause. Ce n’est pas un signe de méchanceté ni de froideur que d’oser dire la vérité. C’est au contraire le signe d’une préoccupation pour des relations plus saines, plus humaines et plus généreuses.

Et cela m’amène au troisième point de mon titre: Le parler gnan-gnan.

L’une des techniques employées par ces narcissiques, qui sont de plus en plus nombreux dans toutes les organisations, dans le but de transférer leur culpabilité sur les autres, consiste à adopter un ton doucereux, quasi enfantin, et à rejeter de la part des autres toute tentative de parler fermement sous prétexte que c’est agressant, dérangeant, peu humain.

Infantiliser ses interlocuteurs est une forme de violence perverse qui permet au narcissique de s’offusquer chaque fois qu’on lui oppose un refus, chaque fois qu’on s’exprime en adulte ferme et confiant sous l’accusation d’être méchant, de parler trop fort. L’abus de cette technique finit par créer chez les victimes le goût, effectivement, de parler plus fort pour se défouler. Les déversoirs de rage contenue que sont les tribunes téléphoniques des radios, tout comme la vulgarité de certains humoristes, ne sont que le pendant naturel du parler gnan-gnan que nous imposent les dirigeants narcissiques qui veulent notre bien.

Parler clairement, sans rage, mais fermement est la meilleure façon de ne pas avoir à crier plus tard parce qu’on aurait accumulé un trop-plein à force de se contenir pour ne pas faire de peine aux narcissiques et à leurs victimes infantilisées.

Méfiez-vous comme de la peste de ceux qui prétendent que votre milieu de travail est une famille. Ce n’est pas le cas, ce ne doit jamais être le cas. Les relations de travail doivent être saines et cordiales, et non parasitées par des relations de fausse famille qui vous obligent à vous retenir de régler les problèmes à mesure qu’ils se présentent.

C’est remarquable d’ailleurs, lorsqu’on garde des enfants, on se rend compte que, si on leur tient un langage "gnan-gnan", ils se mettent à pleurer pour un rien, alors que si on leur parle normalement, ils sont beaucoup plus sereins dans tout ce qui leur arrive, même lorsqu’ils se blessent en jouant. Ces patterns existent aussi chez les adultes.

Les gens qui parlent fermement sont beaucoup moins violents que les "gnan-gnan" qui infantilisent leur auditoire. Ils assument leur statut d’adultes et traitent leurs interlocuteurs en égaux.

Outre ces attitudes à développer personnellement, il est important que nous continuions à travailler à la solidarité sociale. Il n’y a pas de solution individuelle à la pauvreté et à l’injustice.





17 septembre 2007

Dérives médiatiques


Il y a quelque chose de profondément indécent à voir la façon dont la disparition de Cédrika Provencher est exploitée par les médias, même ceux qui sont considérés comme sérieux.

Croit-on vraiment que de faire passer son père aux heures de grande écoute sur les réseaux de télé aidera à retrouver la pauvre fille? Qu’est-ce donc tout à coup que cette célébrité qu’on octroie à quelqu’un à cause du malheur qui arrive à son enfant?
Je ne peux m’empêcher d’être très songeur devant cet emballement inexplicable.

Les médias sont-ils en train de devenir des entreprises de divertissement au sens propre du terme? Divertir= "détourner".

Le traitement rapide et sans réflexion des informations n’aide personne. Un autre exemple est la foison d’erreurs et de faussetés qui se sont dites dans la défense tous azimuts que les médias officiels ont apporté à Charles Taylor à la suite du billet de Richard Martineau (qui se réveillait seulement quatre mois après le fait signalé ici même) sur la remise du prix de la Fondation Templeton.

Nombre de médias ont dit (et Martineau lui-même) que la fondation était catholique et avait récompensé un catholique. John Templeton est presbytérien, pas catholique.

Nombre de journalistes ont dit que la Fondation Templeton encourageait des recherches dans toutes sortes de domaine, dont la religion, qui est seulement un de leurs secteurs. C’est faux! La Fondation Templeton encourage la recherche qui insère la religion dans tous les domaines. S’il n’y a pas de place pour la croyance ou la religion dans une recherche, elle ne la financera pas. Tout ça est indiqué en clair sur le site de la fondation. Fondation Templeton

On a ensuite dit qu’on accusait Taylor de pécher (le mot est bien choisi) par association et que c’était bien mesquin. Mais franchement! On n’accuse pas Taylor d’avoir des amis religieux, on l’accuse d’accepter un prix d’une Fondation qui confond science et religion. Ça me paraît assez grave merci!

C’était, la semaine dernière, le premier anniversaire de la fusillade au collège Dawson. Les médias en ont parlé trois jours avant, le jour même et deux jours après. Difficile d’invoquer, en pleine rentrée de septembre, le manque de nouvelles pour justifier une pareille insistance. Qu’est-ce donc que cette délectation morbide dans le rappel d’un événement macabre?

Ces faits n’aident pas beaucoup à soutenir la crédibilité des médias.





10 septembre 2007

Les communautés virtuelles


Les sites du genre My Space, qui permettent d’afficher un profil et de se joindre à d’autres personnes selon qu’on les connaît ou que notre profil leur convient ont leurs partisans et leurs détracteurs.

Les détracteurs diront que c’est une perte de temps, qu’on y trouve des futilités, que l’on ne réussit pas à se faire de véritables amis de cette façon, que ça n’apporte rien de plus que le courriel, qu’il y a trop de tricheurs et d’arnaqueurs, que la plupart des gens visitent ces lieux à la recherche de rencontres sexuelles, que les tordus y foisonnent, etc.

Les défenseurs diront que c’est un moyen actuel et efficace de garder le contact avec des gens qu’on aime même s’ils sont loin, de rencontrer de nouvelles personnes qui ont des intérêts communs, que ça permet d’élargir nos réseaux par affinité, que l’on découvre toutes sortes de choses intéressantes, qu’on peut s’y amuser avec ses copains à distance, qu’on y retrouve souvent des connaissances ou des amis d’enfance ou d’école, que si on gère bien son profil sans donner accès à des informations intimes à n’importe qui, on peut faire des rencontres de personnes qui ont envie de partager des idées, des projets et des activités souvent de grande valeur.

Ces temps-ci, il semble que ce soit Facebook qui ait la cote. Je l’avoue, je m’y suis laissé prendre et m’y suis inscrit à l’invitation d’un camarade. J’y ai découvert des gens de toutes les préoccupations et, en général, un niveau de présentation de très bonne tenue.

C’est certain qu’il faut modérer son enthousiasme: ce n’est pas le monde idéal.

La terminologie induit des ambiguïtés. Par exemple, on parle de ceux qui se joignent au réseau d’une personne en terme d’amis. En fait, ce sont des correspondants. Bien sûr, certains sont déjà des amis et ils se joignent parce qu’on les y invite. Mais le but est aussi d’étendre son réseau de connaissances à toutes les personnes qui le veulent bien et qui peuvent partager avec nous leurs intérêts, certaines activités et leurs connaissances. Certains pourront devenir des amis.

Dans tous les cas, les correspondants sont tout de même considérés comme des personnes sympathiques puisqu’on cherche à garder le contact avec eux.

Il faut aussi être prudent. Les nombreux petits jeux, les envois de musique, photos et autres gadgets sont liés à des applications qui appartiennent à des commanditaires de Facebook. Ces commanditaires recueillent toute l’information qu’ils peuvent à partir des profils. Ainsi, il leur sera possible de faire de la publicité pour toutes sortes de produits.

Des lecteurs qui s’amusent à se promener dans le site pourront glaner de l’information privée (adresses, dates de naissance, etc.) et s’en servir pour commettre des fraudes.

Il est donc essentiel de faire preuve de prudence et de ne pas trop livrer de renseignements personnels qui pourraient donner lieu à des usages illicites. Mais, pour le reste, une fois cette prudence exercée, il y a moyen d’utiliser ce système pour créer une communauté virtuelle qui partage des goûts, des intérêts ou des causes. On peut inviter des personnes qu’on ne rencontrerait pas autrement à faire partie de notre réseau afin de pouvoir bénéficier de leurs idées, de leurs connaissances et, parfois, de leur appui pour de bonnes causes, à condition bien sûr qu’on soit prêt à rendre la pareille quand elles en auront besoin.

Si on n’y passe pas trop de temps, si on n’hypothèque pas ses heures de travail, si on exerce la prudence minimale nécessaire, si on est clair sur ses intentions dans son profil, il y a des avantages certains à faire partie de ces communautés virtuelles, dont la géométrie est variable et qui, en fait, profitent à tout le monde.






2 septembre 2007

Sortir la religion de l’espace public


Il existe un courant, représenté aux États-Unis par Henry G. Brinton, pasteur d’une église presbytérienne de Virginie, qui veut que les membres d’une religion puissent prendre des pauses pour prier et intégrer leur religion au travail. (voir par exemple "Faith at the office. Why not?" dans USA Today, jeudi 31 juillet 2007, p. 7A)

Si l’on commence à ouvrir la voie à de pareilles idées, c’est le début de la fin pour la paix et l’harmonie sociale.

Il ne faut pas être un surdoué pour se rendre compte que toutes les religions sont contradictoires et qu’elles ont des exigences farfelues incompatibles avec une vie civile cohérente.

Donner du temps pour prier ou pour pratiquer les religions dans les lieux de travail contribuera à une surenchère d’exigences qui conduiront à des chicanes interminables.

Il ne faut pas commencer à faire de la place dans les milieux de travail à la religion. Bien au contraire, il faut sortir la religion de tous les lieux qu’elle parasite pour la laisser là où elle doit être : dans les églises, dans les maisons des croyants et dans leur tête, mais absolument pas ailleurs.

Entre deux religions qui ont des prescriptions contradictoires, laquelle un employeur devra-t-il choisir? Et qui un syndicat devra-t-il défendre entre deux membres qui veulent disposer la cafétéria selon les besoins de leur foi?

La religion étant une affaire de croyance et la croyance étant une affaire de pensées personnelles qui ne doit en aucun cas entrer en conflit avec les comportements exigés par le respect d’une vie en société laïque et humaine, les pratiques religieuses doivent absolument être confinées dans leurs lieux spécifiques, là où elles n’interféreront pas avec le bon sens.

De grâce, ne laissons pas entrer au pays cette idée absurde selon laquelle la religion peut avoir sa place au travail.

J’aimerais terminer en proposant cette réflexion éclairante de l’humoriste états-unien George Carlin :

"Peut-être avez-vous remarqué que, dans les médias, les gens qui croient aux OVNI sont traités de toqués, terme utilisé pour les marginaliser [...] Pourtant, ceux qui croient en un être éternel et tout-puissant, qui demande d’être aimé et adoré inconditionnellement et qui accorde punitions et récompenses selon ses caprices sont supposés être des gens droits, crédibles et de valeur. Et cela, malgré la grande quantité de croyants qui sont clairement des fanatiques bornés." ( When will Jesus bring the pork chops? George Carlin, Hyperion, 2004, p. 12, ma traduction)

Alors, quand on vous parlera de religion au travail, pensez à la place que vous voulez faire aux adorateurs de soucoupes volantes autour de la machine à café.





27 août 2007

Les vieux cons


Le premier juillet 1976, j’écrivais la pensée suivante dans mes cahiers: "Le culte de la jeunesse est une erreur. Il n’est aucun âge qui ait plus de droits qu’un autre." J’avais alors 19 ans.

Ce n’est donc pas par parti pris pour la jeunesse contre la vieillesse que je prendrai ici la liberté d’affirmer qu’il ne faut pas non plus avoir le culte de la vieillesse.

On est beaucoup trop généreux quand on excuse la bêtise d’une personne par son âge avancé. Georges Brassens a écrit une très belle chanson sur le sujet: "Le temps ne fait rien à l’affaire, Quand on est con, on est con." (Voyez le site parolesBrassens pour le texte complet)

Ce n’est pas parce qu’une personne est vieille qu’il faut, sous prétexte de respect, lui laisser dire des conneries.

Dommage, mais le respect, ça se mérite, ça se garde et ça se perd. Il y a toutes les chances du monde que le vieux con d’aujourd’hui ait été un jeune con hier.

Bien sûr, tout être humain a droit à la dignité minimale et même des malades enragés comme André Arthur (vieux il l’est déjà) ou Jeff Filion (vieux il deviendra) ne doivent pas être lynchés ou maltraités, mais on n’a pas à respecter les idées stupides d’une personne aussi jeune ou aussi âgée soit-elle.

C’est remarquable, dans les assemblées politiques, je rencontre des gens intelligents qui réfléchissent avec beaucoup de clarté même s’ils ont 80 ans et plus. Alors pourquoi serions-nous contraints de laisser faire quand de vieux imbéciles disent des âneries?

N’ayons donc pas peur de contester les vieux cons et les vieilles connes.





20 août 2007

La religion comme repère?


Dans La Presse du samedi 18 août 2007, on lit en page A6 la déclaration suivante de Gérard Bouchard, coprésident de la Commission de consultation sur les pratiques ’accommodement reliées aux différences culturelles:

"C’est vrai que la culture des immigrants paraît plus robuste parce que, d’abord, la religion y est bien vivante, alors que chez nous, on s’en est vidé. Nous n’avons plus de traditions, nous avons perdu nos repères, et nous avançons un peu à tâtons."

Un tel préjugé favorable à la religion ne laisse pas d’inquiéter chez un coprésident de commission qui doit étudier le rôle de l’État dans les relations avec les citoyens, d’autant plus que le même préjugé a été constaté chez l’autre coprésident, M. Taylor (voir billet du 4 avril 2007, www.francislagace.org/billet.php?section=2007-2009#sujet2).

La culture des Québécois, alors appelés Canadiens français, était-elle si solide quand ils étaient à peine capables de bredouiller leur prénom, quand ils se référaient aux curés pour la moindre décision et que la peur de l’enfer était la seule motivation pour exécuter des simagrées hebdomadaires qui déroutent tout esprit un peu rationnel?

Si la population québécoise a évacué la religion, les habitus culturels ne sont pas nécessairement tous tombés. Le goût du consensus et la crainte de déplaire, comme celle de tenir des discussions controversées sous prétexte d’éviter la chicane, sont des reliquats (on ne saurait mieux dire) de cette époque, qui a bien mérité son surnom de "Grande Noirceur".

Quels doivent être nos repères? La justice, la solidarité, l’égalité, la liberté, la démocratie et la paix. Ce sont là les valeurs essentielles d’un peuple moderne et émancipé.

Que nous propose-t-on? De revenir à la religion qui nous étouffait pour faire face à la religion qui étouffe nos concitoyens d’autres origines culturelles? La question des pratiques d’accommodement n’est pas, contrairement à ce que j’ai déjà entendu dans une région que je ne nommerai pas pour ne pas lui faire de tort, une opposition entre "notre religion" (sic) et "la leur", mais bien une question de la place de la religion dans le public, alors qu’elle devrait se confiner au privé.

Quand on quitte une mauvaise habitude, on ne la remplace pas par une autre. Les gens qui arrêtent de fumer doivent tout simplement adopter un régime de vie sain: faire de l’exercice, avoir une saine alimentation et prendre le temps de relaxer. Ils ne s’en sortent jamais tant qu’ils essaient de remplacer cette habitude par une autre.

Idem avec la religion. On organise sa vie autour de principes humanistes qui rendent utile notre contribution dans la société.

Ce n’est pas un retour à la religion qui nous donnera des repères solides. Bien au contraire, la vie m’est apparue belle et intéressante à partir du jour où j’ai compris que la religion était une sinistre farce destinée à asseoir le pouvoir d’exploiteurs patentés. En quittant ces faussetés, on se rend compte que la vraie motivation de l’agir humain et ce qui doit servir de balises, c’est notre appartenance à la société des humains et notre devoir de rendre la vie plus juste pour tous.

Le vrai malaise, c’est que la religion dont nous nous étions défaits est en train de rentrer par la faiblesse des dirigeants qui n’osent pas affirmer la laïcité de l’État et des services publics. Si la Commission ne voit pas ça, elle errera dans de vieilles ornières qui ne nous apporteront rien de bon.






14 août 2007

Les Nouvelles d’été



Il existe un préjugé courant selon lequel il n’y a pas beaucoup de nouvelles en été, ce qui justifie l’attention exagérée que l’on donne aux faits divers.

On a même entendu hier soir sur les ondes de Radio-Canada* Marc Cassivi, journaliste à La Presse, déclarer : "L’été, il n’y a pas de nouvelles."

Est-ce que je dois comprendre que les nouvelles doivent courir après les gens comme ça et qu’on ne doit pas faire d’effort pour les trouver?

Est-ce que je dois comprendre que l’été :

--personne ne se marie, ne divorce, n’a d’enfant;

--il n’y a pas de festivals culturels importants;

--les politiques de tout niveau ne prennent aucune décision;

--il n’y a pas de grève ni de lock-out;

--les entreprises deviennent des citoyens corporatifs modèles;

--il n’y a plus de pollution;

--il n’y a pas d’achats, de ventes, de négociations, de tractations entre les compagnies;

--il n’y a plus de guerre nulle part;

--il n’y a pas de grandes manifestations sportives;

--il n’y a pas de découvertes scientifiques;

--il n’y a pas de publication d’idées nouvelles;

--les artistes ne créent plus;

--la partie Sud de la planète, qui est en hiver, arrête de vivre;

--il n’y a pas d’épidémie;

--il n’y a pas de congrès internationaux;

--il n’y a pas d’école d’été des différents courants sociaux ou politiques;

--les groupes alternatifs de réflexion et d’idées ne tiennent pas de rencontres;

--il n’y a pas d’exploration ni de découverte minière;

--les accidents n’ont plus de causes structurelles, seulement catastrophiques;

--plus personne dans la population ne veut être instruit;

--les causes humanitaires n’existent plus;

--il n’y a pas de mouvement migratoire;

--les administrations publiques fonctionnent à merveille;

--il n’y a pas de braconnage;

--les entreprises ne font ni embauche ni mise à pied;

--il n’y a pas d’innovation technologique;

--les gens arrêtent de consommer;

--il n’y a plus de discrimination dans aucun segment de la population;

--la blogosphère s’éteint;

--on ne fabrique plus de médicaments;

--les ordres et groupes professionnels ne tiennent plus d’activités;

--personne ne donne de conférence;

--les échanges monétaires sont au point mort;

--personne n’émet de décret, ne prend de décision douteuse;

--la construction de bâtiments n’a pas d’orientation ni de concentration;

--etc.

Si un arbre tombe dans la forêt sans témoin, est-ce qu’il y a un bruit? Y a-t-il des nouvelles ou n’y en a-t-il pas?
Comme journaliste, j’aime bien aller dans la forêt.


*Note: Bons Baisers de France, 21 h à 22 h, c’est la deuxième fois que je regarde la télé depuis mon retour de Berlin, l’autre c’était pour voir et entendre Pierre Lapointe avec l’Orchestre métropolitain et Yannick Nézet-Séguin, wow!






7 août 2007

Pédophilie


L’actualité récente au Québec (disparition d’une fillette, annonce sur un site de pédophiles d’un lieu où zyeuter des enfants) a remis à l’affiche la question de la prévention de la pédophilie. C’est un problème très grave et chacun aimerait bien posséder une solution miracle.

Malheureusement, les médias et l’imagination populaire n’ont qu’une seule image du pédophile: le vilain étranger qui rode autour des jardins d’enfants. On songe donc à mettre les parents en garde contre les étrangers et on prévient les enfants de ne pas se fier au premier venu.

Or, ce n’est là qu’une figure du pédophile; la figure la plus courante est beaucoup plus troublante, car dans la majorité des cas, le pédophile est quelqu’un de bien connu par sa victime, quelqu’un qu’elle aime en général et à qui tout le monde dans la famille fait confiance. Autrement dit, quand ce ne sont pas les parents eux-mêmes qui sont pédophiles, ils livrent volontiers leurs enfants à leur bourreau puisqu’il s’agit d’une personne proche qui bénéficie de la confiance absolue des parents.

Alors, comment mettre les parents en garde contre eux-mêmes?

Vous voulez un portrait du pédophile?

La revue Enfance majuscule sous la plume de Stanislaw Tomkiewicz a traité dans son numéro 35 en 1997 de la "Personnalité de l’agresseur".

Grosso modo il y en a deux types (voir l’article lui-même pour les détails et les nuances). Le premier, appelé pédophile de gauche, est le plus facile à reconnaître puisqu’il se dénonce lui-même. Il estime que les relations sexuelles entre enfants et adultes sont acceptables et il tente de faire reconnaître le droit à ce genre de relations sexuelles. Donc, facile à reconnaître et facile à contrer dans le raisonnement puisqu’il est improbable qu’un enfant puisse donner un consentement éclairé à des relations sexuelles. Il y a là un abus de pouvoir. (C’est d’ailleurs la base de toute relation pédophile: l’abus de pouvoir)

Le deuxième type, appelé pédophile de droite, est une personne très rigide au point de vue moral. Une personne au-dessus de tout soupçon qui vante les valeurs familiales, l’obéissance et la vertu. Ce sont souvent des personnes modèles en matière de pratique religieuse. On retrouve beaucoup d’alcooliques honteux (c’est-à-dire qui se cachent) parmi ces personnes dont l’allure extérieure est parfaite.

Dans tous les cas, toutes mes lectures sur le sujet attestent que les pédophiles sont des gens qui idéalisent l’enfance, insistent sur l’importance de garder son coeur d’enfant et qui nient les défauts de l’enfance. Par exemple, un adulte normalement constitué sait que le jeune enfant qui n’a pas encore atteint le stade de la logique formelle n’est pas suffisamment armé pour faire face à des décisions importantes dans la vie, et donc que la petite enfance n’est pas un monde idéal; l’enfant y est dépendant de la bienveillance des adultes qui l’entourent.

On peut aussi supposer, comme cela est évoqué dans un article de Hubert Van Gijseghem paru dans la page "Idées" du Devoir du mercredi 24 avril 2002, que le pédophile vit une fixation narcissique au lien maternel qui lui donne l’illusion de sa toute-puissance. Afin de maintenir cette illusion, il entretient un amour avec l’enfant qu’il a été, et je cite l’auteur de l’article: "L’enfant, pour le pédophile, sera donc bien toujours un alter ego avec lequel il est en amour puisqu’il s’agit de son image spéculaire idéale, complète, sans faille, d’une parfaite beauté et pureté. L’investissement érotique d’un enfant reste finalement une autoglorification narcissique." Donc, comme je le disais plus haut, abus de pouvoir.

Mais, là est la question, comment faire en sorte que les parents narcissiques n’abusent pas de leurs enfants et ne créent pas une chaîne de futurs abuseurs?

Comment réformer la société pour empêcher que se développent des personnalités pédophiles?

Les méchants pédophiles qui torturent des enfants restent (heureusement) des cas d’exception. Certes, il ne faut pas cesser de les traquer. Mais, le plus courant, c’est la pédophilie ordinaire des familles, pratiquée par le père, la mère, la grand-mère ou le meilleur ami de la famille. La prévention consiste donc en une meilleure éducation et dans l’évitement du développement des personnalités pédophiles.

Mais quelle est la façon d’y arriver? Il est urgent que des psychologues et des pédagogues se penchent sur la question.






1er août 2007

La lutte des classes


L’idéologie est partout. Elle parle à travers nos moindres gestes, nos phrases les plus anodines, qui révèlent à l’observateur le chemin qu’ont parcouru des poncifs infondés, par exemple quand un enseignant parle de ses clients plutôt que de ses élèves ou encore quand tout le monde autour d’une table s’entend pour dire que le privé est donc plus efficace que le public alors qu’il n’existe aucune preuve de cela.

C’est aussi par idéologie, et non par méchanceté comme on serait tenté de le croire, que certains professeurs se sentent supérieurs aux chargés de cours et les méprisent de n’avoir pas choisi la même carrière qu’eux, alors que la question ne se pose pas du tout de cette façon. Les voies que choisissent les professeurs et les chargés de cours dépendent la plupart du temps de la structure du marché au moment où ils frappent à la porte des universités et parfois de qui ils rencontrent à ce moment-là. Or, dès qu’une voie est choisie, elle est renforcée par la pratique de sorte qu’elle se sépare inévitablement de l’autre, créant des classes différentes de travailleurs, classes qui ne doivent rien au mérite mais tout au statut.

Dans un pays européen où il n’y a plus de noblesse, j’ai pourtant été confronté à une conception quasi-héréditaire du statut professoral. Je me trouvais dans un groupe et, au fil de la discussion, deux de mes interlocuteurs ont présenté comme remarquable le fait suivant : un universitaire de leur connaissance avait comme mère une professeure d’université (comme il se doit), mais comme père un marchand de tissu. Dans leur admiration de ce fait, on sentait que c’était comme une mésalliance que venaient réparer les études du fils.

J’ai été tellement estomaqué qu’on me présente comme extraordinaire une chose si banale, j’ai été si ahuri que l’on puisse penser de telle façon que je me suis refermé sur moi-même et ai ensuite suivi mollement la conversation.

Réflexion faite, je crois que c’était la seule attitude à adopter. Je ne pouvais rien leur expliquer; j’étais disqualifié d’avance, n’étant pas moi-même issu de la bonne classe.

Personne n’est plus aveugle ni plus sourd qu’un bénéficiaire de l’idéologie. C’est auprès de ceux qui en sont les victimes qu’il faut travailler.

Patience et conscience.





25 juillet 2007

Méprise et mépris


De Berlin, où je suis au Congrès de l’Internationale de l’éducation, et pendant que j’attends après mon lavage, quelques remarques sur deux faits récents.

C’est aux nouvelles de Radio-Canada télé sur les ondes de TV5 que j’apprends ce matin qu’on a encore détecté des coureurs dopés au Tour de France. Et de dire que le Tour est très malade.

Mais, on se trompe de cible. Ce n’est pas le Tour qui est malade, mais le sport de compétition. En fait, le Tour est probablement le sport le moins malade de tous, puisqu’on y détecte visiblement mieux qu’ailleurs les fraudeurs.

La vraie question qu’il faut se poser: le sport de compétition a-t-il encore une signification?

Deuxième fait. Hier au Congrès, on a adopté une résolution sur l’abus du recours à des enseignants à temps partiel. On a souhaité l’amélioration de leurs conditions de travail.

Ce fut l’occasion pour des camarades professeurs de traiter les chargées et chargés de cours de professeurs de second ordre. Ce mépris et cette morgue ne se justifient pas devant les évaluations des étudiants et leur appréciation de ces enseignants qui aiment enseigner, aiment les étudiants et n’ont pas de subvention pour faire de la recherche.

Combien de temps le mépris durera-t-il?





17 juillet 2007

Dieu et Diable dans le même sac


Juste avant de partir pour un congrès qui m’occupera pendant les deux prochaines semaines, je vous propose une toute petite réflexion suscitée par un graffiti rouge vu sur un mur à la sortie d’une station du métro parisien.

Ça disait: "Choisis: Jésus ou Satan?"

Voilà bien une fausse alternative dans laquelle les religieux de tout poil aimeraient bien nous enfermer.

On ne choisit pas entre Satan et Jésus parce que c’est strictement la même chose. Quand on choisit Jésus, on choisit Satan. Ça fait partie du package deal de la croyance aux bondieuseries et aux "démoneries".

Quand on choisit Satan, on choisit Jésus. L’un ne vient pas sans l’autre. Ce sont les deux côtés d’une même médaille dévaluée, qui veut diviser la réalité en bonnes et mauvaises choses, alors que tout un chacun doit bien savoir que la vie est complexe et que ce qui est bon aujourd’hui peut être bien mauvais demain, ne serait-ce que les aliments plus ou moins frais qu’on trouve dans les marchés.

Je n’ai pas plus de sympathie pour les ridicules adorateurs de Satan et pour leurs messes noires, qui ne sont que des prétextes enfantins pour se livrer à des orgies, que j’en ai pour les prosélytes du "petit Jésus" avec leurs âneries dépassées.

Quand on vous propose de choisir entre Jésus et Satan, ce qu’on cherche à faire en réalité, c’est de vous imposer la croyance religieuse. Ce n’est pas un choix, c’est un mensonge grossier.

Je vous reviens dans une douzaine de jours (+ ou -), ça dépendra de l’inspiration et du temps que me laissera le congrès de l’Internationale de l’Éducation.






9 juillet 2007

Vacances


Je suis en vacances à Paris. Consolez-vous, il pleut et fait froid. Je reviendrai à mes billets dans plus ou moins une dizaine de jours.





2 juillet 2007

L’Obscurantisme


En fin de semaine dernière, j’étais dans la belle ville de Madawaska dans le Maine pour le Festival acadien. Dans le cadre de ces festivités, la société historique de Madawaska rendait hommage aux familles Lagacé. Chaque année elle souligne l’apport d’une famille acadienne, et j’y représentais, bien sûr, l’Association des familles Lagacé-Lagassé inc. Les Lagacé ont deux descendances: l’une acadienne et l’autre québécoise. C’était une occasion de fêter et de rencontrer des Lagacé-Lagassé de partout en Amérique du Nord.

J’étais logé à l’hôtel Château Edmundston dans la jolie ville d’Edmunston sur la rive néo-brunswickoise du fleuve Saint-Jean (Madawaska est sur l’autre rive). Accueil charmant, et du français partout.

Un oncle et deux tantes y restaient aussi et nous avons pris le petit déjeuner ensemble le matin du samedi. Au moment, où je signe la facture de la carte de crédit pour mon repas, ma tante Hélène remarque que je suis gaucher. Je lui explique alors comment j’avais été contraint, étant petit, de me servir de ma main droite. On m’obligeait à m’asseoir sur ma main gauche pour que je ne puisse pas l’utiliser. Cela a duré pendant tout le primaire.

Nous étions en train de conclure que ces temps-là étaient bien loin et qu’heureusement, aujourd’hui, il n’y a plus pareil obscurantisme dans la population. Il reste peut-être quelques vieilles personnes ignorantes qui sont incapables de comprendre qu’on ne doit pas corriger l’utilisation d’un côté, mais c’est tout. [Un autre jour, je vous parlerai de la complaisance dont on fait trop souvent preuve envers la bêtise de certaines personnes sous prétexte qu’elles sont vieilles.]

Une personne qui nous avait entendus nous a alors signalé qu’elle avait été obligée d’avertir la direction de la garderie où va son garçonnet. En effet, pour bien faire, des éducateurs ou éducatrices voulaient le corriger de sa gaucherie.

Encore en 2007, il y a des gens qui croient que la gaucherie est une tare. Cette idée circule donc toujours et il faut éduquer, sans cesse éduquer.

On entend encore des choses comme "Ce n’est pas de sa faute s’il est gaucher." Je me demande comment un droitier réagirait si on lui disait: "Ce n’est pas de ta faute si tu es droitier".

Les idéologies ont la vie dure, et ce n’est pas seulement par la bêtise de certaines personnes. C’est aussi par l’ignorance générale. Si cela est arrivé dans cette garderie, cela veut dire que ça peut arriver ailleurs dans une école. Soyez donc aux aguets si vous avez des enfants gauchers afin de vous assurer qu’ils ne soient pas brimés. Et surtout, éduquez votre entourage! Les gauchers ne parlent pas assez des difficultés que leur cause l’ignorance des droitiers.

Refusez toujours l’obscurantisme.




27 juin 2007

La Folie


Nous avons vraiment la folie trop facile. Je veux dire par là que la folie nous sert trop souvent d’explication facile, d’excuse ou de refuge.

D’une part, la folie sert d’explication facile pour déconsidérer tous ceux qui ne correspondent pas à la norme. On ne prend pas alors la peine de se poser de questions sur les façons différentes de voir les choses qui remettent en cause nos préjugés et nos routines insignifiantes. Toute personne accusée de folie est dès lors disqualifiée et incapable de se défendre, chacun de ses gestes et chacune de ses paroles venant renforcer le préjugé de ses accusateurs.

Ce genre d’explication et d’accusation ne sert que ceux qui détiennent du pouvoir et leur permet de manipuler ceux qui craignent la nouveauté ou la différence.

D’autre part, elle nous sert aussi d’excuse trop facile pour laisser faire des gens qui agissent de façon inconsidérée, mais consciente. On pardonne alors toutes sortes de sottises à des gens qui en profitent. On met à part des poètes et des artistes qui s’en font une gloire comme s’ils oubliaient que la vraie folie (la perte de la raison) n’a rien de drôle ni pour les personnes qui en souffrent ni pour leur entourage.

La folie peut également servir de refuge de premier choix pour ceux qui refusent de s’accepter et d’accepter la vie. Des gens qui, par manque de courage, de volonté ou de force de caractère, se réfugient dans une folie qu’ils construisent eux-mêmes. Ils se détruisent et causent de graves complications à leur entourage tout en se sentant peut-être fiers de "mourir fou comme Baudelaire" ainsi que le souhaitait Nelligan. La cause en est possiblement, toutefois, un entourage peu ouvert à la différence, un milieu qui leur a transmis un manque d’estime de soi.

On a trop fait l’éloge de la folie sans distinguer les folleries de la folie. Les folleries, les folichonneries sont nécessaires, elles détendent, défoulent, font passer le stress et sont bénéfiques parce que, justement, elles évitent de sombrer dans la folie en évacuant un trop-plein.

La vraie maladie mentale n’a rien de drôle et inciter ceux qui en souffrent à se faire soigner devrait être un devoir.

Des exemples?
Prenons une personne qui se teint les cheveux en bleu. Est-elle folle? Non, originale. Une personne qui se promène en chantant dans la rue est-elle folle? Non, elle aime la chanson.

Une personne qui chante à tue-tête dans la rue et ne s’arrête pas quand on lui parle? Alors, oui. On voit bien l’excès et l’absence de conscience de l’autre.

Un autre exemple serait une personne qui se vante d’être née le 6, de s’être mariée le 6 et d’avoir eu 6 enfants et qui, en conséquence, exigerait que sa fille en fasse autant. On voit là un dérèglement total de la raison.

Il faudrait donc cesser d’avoir la folie si facile et se concentrer sur les personnes qui ont besoin d’être soignées pour éviter les dangers qu’elles constituent pour elles-mêmes et pour les autres.

Quant aux poètes, artistes et révolutionnaires, ils devraient cesser de jouer les fous (c’est-à-dire de se défendre ou de se glorifier par la folie parce qu’il n’y a pas de quoi rire) et on devrait aussi cesser de les traiter de fous (puisqu’ils ne le sont pas).




18 juin 2007

D’où vient l’homosexualité?


Quand on est homosexuel, on se fait poser la question des milliers de fois. Oui, encore aujourd’hui, il y a des gens qui cherchent la "cause" de l’homosexualité. "Comment devient-on homosexuel?" me fais-je demander.

La réponse est toujours la même et elle est pourtant bien simple: Savez-vous comment on devient hétérosexuel? Personne ne connaît la réponse à cette question alors que les hétérosexuels sont franchement beaucoup plus nombreux. Pourquoi vous ne vous posez pas cette question-là?

Aujourd’hui, je lance un roman, Rose? Vert? Noir!, dans lequel on renverse tout le fardeau de la preuve. Tout le monde s’y demande comment on peut être hétérosexuel. Un peu ma version des Lettres persanes de Montesquieu.
Mais, comme je me refuse toujours à faire de l’essentialisme, il est certain qu’une société dominée par les homosexuels n’est en rien meilleure qu’une société dominée par les hétéros. Tout le texte, comprenant plusieurs niveaux de lecture, montre que le pouvoir cherche à se maintenir par tous les moyens et que la connaissance est souvent détournée parce qu’on refuse de voir ce qui dérange et, surtout, ce qui remet en cause les structures du pouvoir.

On trouve toujours des justifications pour maintenir les choses en l’État. Le changement et l’ouverture, ça coûte beaucoup. Il faut beaucoup de volonté pour s’attaquer aux idées reçues. On a tendance à croire naturel ce qui fait notre affaire. Naturelle, la famille? Naturel, le couple hétérosexuel? Naturels, les rôles sexuels?

Pascal nous disait déjà que la coutume était une seconde nature parce que, sans doute, la nature était une première coutume. Il y a là de quoi méditer.

Bonne lecture!

Rose? Vert? Noir! les Écrits francs s. a. (site les écrits francs), Montréal, 2007, 163 p.




11 juin 2007

Les « vraies affaires »*


Ce sont en général des hommes, relativement jeunes, ils ont entre 18 et 40 ans. Ils aiment se retrouver entre eux dans les brasseries ou autour d’un écran pour suivre leurs matches préférés. Alors, entre eux, ils se disent les « vraies affaires ». De quoi s’agit-il au juste? De certaines choses qu’il ne convient pas de répéter en public quand on est bien élevé, mais que certains animateurs de radio se plaisent à crier tout haut pour leur faire plaisir. De quantité de clichés et de stéréotypes qu’on n’a plus le droit d’encourager, mais qui font tellement de bien à dire pour se défouler. Est-ce que c’est ça les « vraies affaires »?

Le paragraphe qui précède fonctionne exactement selon le mode du préjugé. Il y a des gens qui aiment se complaire dans leur façon de voir et qui trouvent que la société va trop vite à leur goût ou que ceux qui ne pensent pas comme eux ou ne vivent pas comme eux prennent trop de place. Alors, que font-ils? Ils se dépêchent de construire une caricature qui permet de cibler un type, une forme, de donner un visage reconnaissable à ce qui les embête. On crée un portrait-robot, ce qui est commode pour ensuite dire que tous ceux qui correspondent à ce portrait sont des ceci ou des cela et qu’ils n’ont pas d’allure.

C’est exactement ainsi qu’a été conçu le premier paragraphe en créant un portrait-robot (injuste et inexact bien sûr, quoique basé sur certaines données sociologiques) de celui qui crée des portraits-robots et appuie les forts en gueule des radios propres à exciter les foules. Alors, on imagine un jeune sportif de salon à casquette, peu féru de livres et qui se plaît à cracher son venin sur le plateau Mont-Royal, même s’il n’a pas la moindre idée de ce à quoi ce quartier montréalais ressemble.

Mais, la réalité est beaucoup plus complexe et ce serait bien bête d’accuser tous les sportifs à casquette d’être des amateurs de Jeff Filion. Ce serait aussi un manque de jugement de croire que tous les intellectuels détestent les sports. On sait par exemple qu’Hubert Aquin, l’un des plus grands intellectuels québécois des années 60 et 70, était féru de hockey et de football américain. Il est d’ailleurs parmi les fondateurs du Grand Prix de Montréal.

Les jugements rapides, les portraits-robots faciles, la tentation de classer dans les « vraies affaires » tout ce qui se conçoit bien pour nous et de rejeter comme bizarre tout ce qui ne nous paraît pas approprié font en sorte que nous nous privons d’échange et de rencontres qui seraient fort enrichissantes.

« Mais, où s’en va-t-il avec son sermon? » se demande tante Cunégonde pendant qu’elle me lit confortablement assise à une table d’un bar qui accueille de jeunes musiciens indépendants (c’était trop facile pour vous de l’imaginer devant son téléviseur avec sa tasse de thé). Eh bien, une association de familles est un lieu privilégié pour faire se rencontrer les générations, et c’est dans le choc des générations que nous découvrons le nouveau et pouvons faire partager l’ancien. On se rend compte aussi très vite que ce n’est pas parce qu’on porte le même nom que l’on voit les choses du même œil. Et ces différences qui se rencontrent d’une famille à l’autre se produisent également dans une même famille au sein d’une même génération.

Soyons donc ouvert à l’apport de la jeunesse, à l’apport de la différence et mettons en commun nos expériences. Faire le tour de nos origines et de nos ramifications nous oblige à découvrir toute la variété de l’aventure humaine. Si nous profitons bien de cette chance, nous saurons que, dans la vie, les « vraies affaires » ne sont pas simples, elles prennent leur temps à se faire comprendre et à révéler toutes leurs couleurs. Ainsi nous aurons fait notre part pour lutter contre les préjugés et les stéréotypes qui nuisent aux rapports harmonieux d’une société.

*Ce texte est paru dans la rubrique "La réflexion du président" dans le vol. 17, no 2, du journal La Gâchette de l’Association des familles Lagacé-Lagassé inc.




4 juin 2007

Liberté de religion ou liberté de croyance?


La question de la place du religieux dans l’espace public va à terme constituer un problème insoluble. Comment des religions qui prétendent toutes détenir la vérité, lesquelles vérités sont contradictoires, peuvent-elles s’accorder dans la société?

Comment peut-on soutenir le droit des pratiques religieuses qui, bien qu’elles se contentent souvent d’être ridicules (par exemple ne pas manger de porc), défient parfois le bon sens et la logique (par exemple l’interdiction des transfusions sanguines).

Il faudra réfléchir, et je pose la question sérieusement, à distinguer le droit de croyance et le droit de religion. On peut facilement accepter le droit de croyance parce qu’il est impossible de se mettre dans la tête des autres. Ainsi, vous avez bien le droit de croire au père Noël ou encore qu’il pousse des fraises bleues dans l’Antarctique et qu’on ne peut les cueillir que lorsqu’il n’y a personne dans un rayon de 100 mètres. Cependant, la limite de votre croyance s’arrête aux murs de votre tête (pour parler métaphoriquement). En aucun cas, vous ne pouvez tirer des règles de conduite de ces croyances parce que, justement, ce ne sont que des croyances. Pour tirer des règles de conduite, on doit se baser sur des principes philosophiques et sur la connaissance scientifique du monde.

La religion pose problème parce qu’elle implique un culte et une pratique. Ces cultes et ces pratiques imposent des contraintes qui ne sont pas raisonnables, sauf si elles restent dans le domaine du privé et ne touchent que le pratiquant lui-même.

Va pour la liberté de croyance, qui doit admettre qu’elle ne concerne que la manière de penser et non d’agir. Mais pour la liberté religieuse, ne réclame pas une liberté comme les autres, le religieux qui demande la liberté d’opprimer, et je vois mal comment une société juste peut y trouver son compte.





28 mai 2007

Le droit de grève


Quand les premiers grévistes ont exercé ce moyen de pression, il était illégal. C’était la seule façon pour des travailleuses et travailleurs de faire reconnaître leurs droits. C’est pour cela que plusieurs d’entre eux sont morts lors de violentes émeutes à Chicago en 1886. Et c’est ainsi qu’est née la Journée internationale des travailleuses et travailleurs que nous célébrons le premier mai bien qu’elle ne soit malheureusement pas reconnue officiellement par les gouvernements du Canada et des États-Unis.

Une grève, par définition, ça dérange et ça cause des problèmes.

À Montréal, les employées et employés de garage de la Société de Transport de Montréal ont déclenché une grève le mardi 22 mai 2007. Très vite, les autorités politiques se sont excitées, attisées par les discours de l’ADQ et de son chef, pour déclarer qu’il fallait mettre un terme à cette grève alors que les services essentiels étaient maintenus.

Une entente de retour au travail est intervenue le vendredi 25 mai 2007 sans aucune garantie d’amélioration aux conditions de travail parce que la partie syndicale était menacée du recours à une loi spéciale.

N’est-ce pas un peu rapide? Que signifie donc le droit de grève si on ne peut l’exercer? À quoi les employés syndiqués peuvent-ils avoir recours s’ils n’ont pas accès à leurs moyens de pression légaux?

La question mérite d’être posée.




18 mai 2007

Cette semaine, il n’y a pas eu de billet parce que j’ai été fort occupé lors de ma visite dans la ville de Liège à l’invitation de la Fédération des travailleurs de Belgique et du groupe LGBT Alliàge.
Merci à Francis Lamberg, à la Lucarne.org, à Promotions et culture et à Alliàge pour l’accueil généreux et chaleureux.

Aussi, ma boîte de courriels a été remplie dès le 14 mai de sorte que tout le monde recevait un message d’erreur lorsqu’on m’écrivait. Le tout devrait être rétabli maintenant.

Si jamais la situation se reproduit, n’hésitez pas à réessayer quelques jours plus tard.

Au plaisir de la prochaine communication!




11 mai 2007


Fères, soeurs ou camarades?



Un organisme intersyndical international nous invitait récemment à imaginer que les personnes qui sont discriminées ou violentées à cause de leur engagement syndical étaient nos frères et nos soeurs. L’idée était que nous devrions être plus en colère encore contre ces gestes s’ils étaient posés à l’endroit de membres de notre famille.

Cette proposition m’a plutôt gêné parce que, pour moi, l’injustice est l’injustice et elle m’indigne avec autant de force peu importe qui elle touche. L’empathie est universelle, sinon elle n’est qu’égoïsme élargi. Il me semble que toute atteinte à un humain est atteinte à l’humanité. Une ou un camarade est aussi digne de mon intérêt qu’un frère ou une soeur. À l’inverse, on pourrait avoir un frère ou une soeur dont le degré de camaraderie et de solidarité n’est pas très élevé.

Je préférerai toujours l’appellation camarade. À l’origine, le camarade était celui qui partageait la chambre d’un autre militaire. Pour être camarade, il fallait donc une bonne dose de tolérance et de respect.

Aujourd’hui, le terme peut désigner tous ceux qui partagent le travail, les conditions de vie, les objectifs sociaux ou politiques et, pourquoi pas, l’humanité.

Alors, soyons solidaires, camarades!

P.-S. : En plus, ce mot a l’avantage d’être épicène, c’est-à-dire qu’il a la même forme au féminin et au masculin.




5 mai 2007

C’est ça que le monde veut!


Pour justifier l’indigence des programmes radios, des émissions de télé ou des contenus des journaux, on nous sert souvent la phrase passe-partout qui dédouane les producteurs et culpabilise le public: "C’est ça que le monde veut!"

L’argument paraît solide, après tout, on fait des sondages, on consulte des focus groups et on répète ce qui marche bien. On met sur les tablettes ce qui se vend bien, et le public en redemande!

De là à dire qu’on a les médias qu’on mérite, il n’y a qu’un pas, vite franchi.

Et pourtant...

Prenons un exemple simple, celui des salles de cinéma. Tout le monde sait que le public aime les films d’action à l’américaine, d’ailleurs, c’est ce qui fait les grands succès tous les étés, n’est-ce pas?

Eh bien, justement, ce n’est pas si simple. Les grands distributeurs obligent les salles à garder les films états-uniens un nombre x de semaines, qu’ils marchent ou pas. S’ils marchent, on prolonge, mais s’ils ne marchent pas, ils restent pendant le nombre minimum de semaines obligatoires. Résultat: quand les gens vont au cinéma, s’il n’y a rien d’autre que ça, ils vont aller voir ce qui est offert.

À l’inverse, les films québécois ou français n’ont pas le droit de rester à l’affiche plus longtemps qu’un nombre x de semaines (ce nombre étant plus petit que celui accordé aux films états-uniens). Résultat: même quand ils marchent très fort, les films québécois ou français ne durent pas longtemps. Voilà un cas très clair où ce n’est pas vraiment le public qui décide malgré tout ce qu’on en dit.

Prenons maintenant les grandes surfaces, elles offrent certains produits qu’elles mettent bien en évidence. Ce sont ceux-là qui se vendent le mieux. On dit ensuite que les gens en veulent. C’est sûr, ce sontles produits les plus facilement accessibles qui sont les plus vendus, pas ceux qu’on cache dans les coins.

Pour en revenir aux médias, quand on dit que les lecteurs, les auditeurs ou les spectateurs sont contents de ce qu’on leur offre, cela ne veut pas dire qu’ils n’apprécieraient pas autre chose. Il ne faut pas demander au public de faire une analyse pour laquelle sont payés les journalistes et les producteurs.

Quand on nous dit: "Nous offrons le choix au public et il préfère ceci plutôt que cela." Oui, mais comment voulez-vous que le public préfère des choix que vous ne lui offrez pas? Les médias sont justement là pour l’éclairer et il faudrait que ce soit lui, le public, qui décide de quelle information il a besoin ne sachant même pas si elle est disponible?

Quand Jean-Pierre Coallier a lancé sa radio de chansons uniquement en français il y a nombre d’années, tout le monde lui disait que le public n’en voulait pas. C’était manifestement faux! Le public ne savait pas qu’on pouvait lui offrir cela. Quand il en a eu la chance, il a beaucoup apprécié.

Il en est de même des journaux. Les journalistes et les propriétaires de médias ne doivent pas se dédouaner en prétextant que le public ne demande pas autre chose. C’est aux médias à faire la recherche et l’analyse nécessaires à savoir ce dont le public a besoin pour être bien informé et non pour savoir si telle couleur lui plaît davantage que telle autre ou si telle chronique est plus "sexy" avec telle vedette qu’avec telle autre. Les médiateurs ont deux responsabilités, celles d’informer et de former le public.

On a les médias qu’on mérite? Pas sûr du tout!



26 avril 2007

La politique spectacle et le rôle des médias


Dans une chronique signée par Laurent Paquin dans le journal Métro du 25 avril 2007, on peut lire que la dernière campagne électorale n’était pas excitante même si on ne pouvait prédire comment elle se terminerait. Et l’auteur de nous citer en exemple le hockey.

Cette façon de concevoir les débats politiques comme une joute sportive est un peu, beaucoup, encouragée par les médias qui ne cherchent que ce qui fait sensation. Mais, sait-on d’avance ce que le public veut savoir? Pourquoi le décide-t-on à sa place?

D’autre part, le chroniqueur affirme qu’il n’y avait ni débat d’idées ni vision d’avenir dans les propos des candidats. Voilà qui confirme que le commentateur ne pose pas un jugement sur la campagne électorale, mais bien sur sa couverture médiatique.

Des débats d’idées, il y en a eu. Les discussions auxquelles ont participé les représentants de Québec Solidaire ont été très instructives et très sérieuses. Mais, cela n’a pas fait les manchettes. Les débats d’idées ne font jamais les clips du 18 heures ni du 22 heures.

La politique ne devrait pas être un spectacle et les campagnes électorales ne devraient pas être des concours de singes savants, mais plutôt des occasions d’opposer les projets des équipes.

Tant que l’on considérera les campagnes électorales comme du divertissement, tant que l’on attendra après les autres pour nous dire ce qu’il y a d’intéressant, on ne risque pas d’y trouver son compte.

D’une part, les médias généralistes devraient être plus rigoureux dans leur couverture afin de bien faire voir les idées véritables des protagonistes.
D’autre part, les électeurs devraient s’enquérir des points des programmes qui concernent leurs préoccupations citoyennes.

Finalement, il ne faudrait pas confondre les débats électoraux et leur couverture par les mass médias.




21 avril 2007

Kyoto et l’économie: les conservateurs n’y entendent rien!


La réponse simpliste du rapport Baird proposé par le gouvernement conservateur mérite une réponse vraiment simple.


Les conservateurs craignent que, si nous appliquons les principes de l’accord de Kyoto, nous vivrons en santé dans une économie malade.

Alors, n’atteignons pas les objectifs de Kyoto, ainsi l’humanité pourra mourir dans une économie florissante!


Prétendre que ce n’est pas le Canada qui fera la différence est aussi bête que de dire qu’il ne sert à
rien de voter, car notre vote ne compte pas. Dans le monde, tous les gestes comptent.
L’effet d’entraînement n’est jamais à négliger, et puis il faut toujours commencer quelque part.






17 avril 2007


Le cynisme politique encourage les mauvais candidats et les mauvaises politiques



Il est de bon ton, dans les milieux populaires, de dire que tous les politiciens sont pareils, qu’ils ne sont que des pourris qui travaillent pour leur poche et que, peu importe pour qui on vote, cela ne change rien.

Arrivent alors des grandes gueules qui prétendent nettoyer tout ça et on se dit qu’on va leur donner leur chance.

Il fallait entendre les commentateurs politiques dire pendant la campagne électorale fédérale de 2006 que Harper n’était pas si terrible qu’il en avait l’air et que, de toute façon, comme on connaît les politiques, il ne réaliserait pas tout son programme. Il ne fallait pas avoir peur parce qu’on sait bien que les politiciens ne font pas tout ce qu’ils disent. Et ce sont ces mêmes commentateurs qui nous rebattent les oreilles aujourd’hui en nous disant: "Mais, voyons, ne vous plaignez pas de Harper, c’est enfin un politicien qui fait ce qu’il dit!"

Et c’est la même chose avec les élections provinciales que nous venons d’avoir. Les commentateurs nous disent: "Voyons, il ne faut pas avoir peur de Mario Dumont. Il n’est pas si terrible. Après tout, il ne réalisera pas tout son programme." Il y a même une lettre de la page "Idée" du Devoir des 14 et 15 avril 2007, signée par Pierre R. Desrosiers qui est intitulée : "Qui a peur de Mario Dumont?" Et on y lit textuellement: "Dumont n’est pas au pouvoir. Et il devra, s’il veut l’être, se ranger vers le centre. Ce qu’il a promis en campagne électorale ne compte pas."

Comment ça, ce qu’on promet en campagne ne compte pas?

Et si jamais Dumont prend le pouvoir, ce même monsieur Desrosiers nous dira: "Voyons donc, arrêtez de vous plaindre, voilà un politique qui tient ses promesses."

Que font ces grandes gueules à part agir comme ils le reprochent aux autres?
À quoi songent-ils sinon à leurs intérêts personnels, sinon aux intérêts de leurs amis capitalistes et exploiteurs?

Non, les politiques ne sont pas tous pareils! Ce ne sont pas ces gueulards qui soutiennent l’assurance santé, l’assurance automobile, la justice sociale, la protection de l’environnement, l’aide aux étudiants, les lois anti briseurs de grève, etc.
Oui, ce qu’on promet pendant la campagne est important! Le gouvernement Harper a privilégié les entreprises au détriment des individus. De même pour le gouvernement Charest.
Non, on ne doit pas donner sa chance à quelqu’un qui tient un discours dangereux pour l’équilibre de la société! Ne dites jamais "Ça pourra pas être pire!" C’est un discours comme ça qui a amené les chemises brunes au pouvoir en Allemagne.

Le cynisme encourage la droite et fait élire des candidats cyniques. Restez vigilants!



10 avril 2007


La loi du plus fort est toujours la meilleure

(Bien sûr, je n’en crois rien)


Dans le journal Métro du jeudi 5 avril 2007, on lit une lettre de Bernard Mooney, chroniqueur au journal Les Affaires. Le contenu en est troublant, c’est le moins qu’on puisse dire.

D’abord, l’auteur nous dit que prétendre que l’ADQ est à droite, c’est ridicule. Ensuite, il nous explique pourquoi la droite est une bonne chose.

Il faut être clair, oui l’ADQ est à droite, très à droite, et c’est une très mauvaise chose. La droite dure du genre de l’Action démocratique veut que l’État ne se mêle pas des affaires économiques, ce qui laisse le champ libre aux pires abus. Je vous recommande fortement la lecture du livre ADQ À droite toute!, paru chez Hurtubise HMH en 2003 sous la direction de Jean-Marc Piotte. On y explique en quoi les politiques prônées par l’ADQ sont dangereuses pour le tissu social.

Une affirmation importante du texte de M. Mooney est la suivante: "Lorsqu’on dit que la droite est dangereuse, on dit que la liberté économique est dangereuse." D’’ailleurs, la phrase a été reprise et mise en évidence par le quotidien.

Eh bien, oui, la liberté économique est dangereuse. Toute liberté non civilisée est dangereuse. La liberté qui n’est pas balisée par les règles sociales, c’est la loi de la jungle. Si on pratiquait dans la société des personnes la liberté telle que monsieur Mooney la souhaite dans le domaine économique, que se passerait-il? Les plus forts auraient le droit de prendre ce qu’ils veulent et de tabasser les plus faibles. Les plus costauds pourraient violer femmes et enfants, ce serait au nom de leur liberté.

La loi de la jungle n’est pas plus souhaitable dans le domaine économique que dans le domaine social.

Les entreprises et les agents économiques ont des responsabilités sociales, et c’est le rôle du gouvernement de s’assurer qu’elles soient respectées. Qu’il y ait eu des dictatures de gauche qui ont opprimé des populations, tout le monde le sait. Il y a aussi eu des dictatures de droite. Qu’elles soient de gauche ou de droite, les dictatures sont des monstruosités antidémocratiques. On ne veut pas plus de la dictature des capitalistes que de la dictature des communistes.

Cela dit, entre la loi de la jungle et la dictature, il y a place pour une société plus humaine où les besoins de chacun sont pris en compte et assurés par une réglementation sociale. C’est ce qu’on appelle la civilisation. Oui, la liberté économique est dangereuse et il faut être conscient de ce qu’on dit quand on fait des affirmations simplistes au nom de principes mal compris.





4 avril 2007

Taylor: un pacte avec le diable


Le philosophe Charles Taylor vient de recevoir le prix de la Fondation Templeton. Ce prix de 1 500 000 dollars états-uniens est destiné à récompenser la recherche sur les réalités spirituelles.

Voici comment Richard Dawkins (auteur de The God Delusion richarddawkins.net) décrit le prix de cette fondation en page 19 de son livre: "Une très grosse somme donnée annuellement à quelque scientifique prêt à dire quelque chose de gentil au sujet de la religion." (ma traduction)

Il suffit de visiter le site de la fondation Templeton pour découvrir que tous ses programmes financés par des organismes et des individus richissimes n’ont qu’un seul but: donner un vernis scientifique aux croyances religieuses. La plupart des titres des recherches contiennent le mot "théologie" et on propose même de trouver le rôle de l’évolution dans un monde créé par Dieu. Ou alors de trouver une nouvelle voie entre le darwinisme et le fondamentalisme religieux. Voilà le club dans lequel a été admis le coprésident de la Commission d’études sur les accommodements raisonnables au Québec. N’est-ce pas inquiétant de voir le créationnisme accumuler ainsi du capital symbolique en s’associant à des sommités mondiales?

La science ne peut en aucun cas être soumise à la religion, car elle relève de méthodes précises qui garantissent son objectivité et la remise en question constante par la confrontation aux faits, non aux croyances. Une personne associée à la Fondation Templeton a-t-elle la distance nécessaire pour apprécier cela?

Monsieur Taylor a sans doute attiré la Fondation Templeton par le fait que, par exemple dans son livre Les sources du moi, (Boréal, 1998), il ramène toute morale à l’individualité et à l’exploration des ressources personnelles dont l’épiphanie se réalise dans des oeuvres artistiques. Or, c’est laisser une sorte de vide qui doit être comblé par Dieu puisqu’il n’y a plus de téléologie à l’existence humaine, trou dans lequel s’engouffrent facilement les religieux, alors que la source de la morale doit naître tout simplement du "vivre-ensemble" condition essentielle de l’animal humain et qui justifie alors, les besoins essentiels étant comblés, l’expérience esthétique.

Quoi qu’il en soit, je sais bien qu’il est difficile de refuser une telle somme, mais on ne saurait le faire sans donner de la crédibilité à un courant conservateur de pensée qui, à mon avis, veut faire régresser la pensée humaine. Mais le crypto-déisme de monsieur Taylor, pudiquement appelé "préoccupations spirituelles", semble fort bien s’en accommoder.



28 mars 2007

Élections québécoises: faut-il opposer Montréal et le reste du Québec?



Le résultat des élections du 26 mars dernier doit nous faire réfléchir à cette opposition stérile qui a traversé la campagne: les méchants Montréalais snobs contre les vilains péquenots de la campagne. N’y a-t-il pas place au Québec pour le mode et le lieu de vie qui convient à chacun?

Je le dis en page de bienvenue, c’est Montréal qui m’a permis d’être heureux parce que nulle part au monde je ne me sens mieux. Mais, ça, c’est pour moi. Libre à chacun de trouver que c’est à Rivière-à-Pierre qu’il a le plus la chance de se réaliser.

Nous devrions nous rendre compte de certaines réalités qui sont essentielles à tous les pays:

1. La prospérité des villes centres est essentielle à la prospérité de l’ensemble du pays.

2. Assurer les retombées de l’exploitation des ressources dans les régions qui les produisent est nécessaire à une vie socio-économique harmonieuse.

3. La vie dans les campagnes exige un sens communautaire important, car on peut difficilement ignorer les gens avec qui on partage l’espace.

4. La vie dans les villes permet l’individualisme, mais permet aussi la mise en commun de ressources grâce à la proximité. C’est une question de choix.

5. Ce sont les régions ressources qui fournissent les produits de nécessité pour les villes. Ce sont les villes qui achètent les produits et permettent aux producteurs de les écouler.

6. Les infrastructures des campagnes sont subventionnées par les habitants des villes. Un hôpital coûte plus cher par tête à la campagne qu’en ville, un kilomètre de route coûte plus cher par tête à la campagne qu’en ville.

7. Montréal est aussi une région, qui a besoin qu’on la reconnaisse.

8. Il est possible de s’épanouir à la campagne, mais il y est plus difficile de rencontrer les décideurs qui ont tendance à se concentrer dans les centres urbains. Avec les moyens de communication actuels, c’est un peu moins vrai, et plusieurs décideurs s’éparpillent.

Cela étant dit et constaté, nous devrions reconnaître la nécessité de la santé économique, culturelle, mais surtout sociale tant des campagnes que des villes et que loin de s’opposer ces deux objectifs convergent.

Par ailleurs, en quoi les querelles de clocher sont-elles une bonne façon de choisir un parti aux élections? Sans doute notre mode de scrutin où l’on vote pour des candidats par circonscription, où ce sont les sièges qui déterminent la prédominance des partis plutôt que l’appui populaire général, favorise-t-il ces querelles.

Voilà de quoi réfléchir en attendant les prochaines élections et en espérant une forme de proportionnelle. Mais, il ne faudra pas se contenter de réfléchir, nous devons nous parler plutôt que de nous crier des insultes comme le font si ardemment les gérants d’estrade qui encombrent nos radios.




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